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Les excréments de vache peuvent enrichir le sol et réduire les émissions

durée 16h17
28 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

HALIFAX — Comme beaucoup d'agriculteurs, Nick Green pratique le troc pour s'assurer que son bétail dispose de suffisamment de pâturages.

À la différence de nombreux agriculteurs, M. Green échange du fumier.

«Nous offrons un service, en quelque sorte», explique M. Green. Et ce service, ce sont des déchets. Du fumier de vache, pour être précis.

Il participe au projet Living Labs Î.-P.-É., où des agriculteurs collaborent avec des chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada pour tester des théories en conditions réelles et à grande échelle.

Dans le cadre de ce projet, M. Green emmène ses vaches paître sur plus de 200 hectares de terres à travers l'Île-du-Prince-Édouard. Une partie de ces terres lui appartient. D'autres parcelles appartiennent à d'autres agriculteurs, avec lesquels Green pratique le troc. Ses vaches peuvent paître sur leurs terres et, en échange, leurs déjections restent sur place, fertilisant le sol et contribuant à sa fertilité.

Il n'y a pas si longtemps, la plupart des agriculteurs avaient de petites exploitations diversifiées, explique-t-il. Ils cultivaient des pommes de terre, des grandes cultures, et élevaient une vache ou des poules, voire les deux. Aujourd'hui, la situation a bien changé.

«Nous sommes plus individualisés. Celui-ci cultive des pommes de terre, celui-là des carottes et des navets, celui-ci de l’orge et du blé», explique M. Green.

Le prix des engrais chimiques a explosé ces dernières années, et les agriculteurs ont eu du mal à s’adapter à ces coûts.

«Une année, nos coûts ont littéralement doublé, précise M. Green. Cela représente des dizaines de milliers de dollars pour nous.»

L’épandage direct de fumier sur les champs est une solution beaucoup plus rentable. Les agriculteurs fournissent donc les terres, et M. Green fournit l’engrais, tout frais issu du fumier de la vache.

La recherche est supervisée par la Dre Judith Nyiraneza, qui cherche à déterminer la meilleure façon d’améliorer la santé des sols et de retenir le carbone, afin de réduire les émissions de carbone du Canada.

Selon Mme Nyiraneza, le sol de l’Île-du-Prince-Édouard est excellent pour la production alimentaire, mais fragile. Le relief accidenté de l’île, combiné à de fortes marées, le rend vulnérable à l’érosion. Selon elle, l'augmentation de la matière organique et des nutriments dans le sol le rend plus fertile.

Cela améliore également la production agricole. Bien que les résultats soient encore préliminaires, la Dre Nyiraneza a indiqué que le pâturage tournant, comme celui pratiqué par Green qui déplace son bétail sur l'île à des moments précis, a permis d'augmenter le rendement des pommes de terre de 28 %.

Mme Nyiraneza a précisé que le pâturage tournant est une pratique ancestrale. Cependant, avec l'agrandissement des exploitations agricoles, cette pratique a perdu de sa popularité, entraînant des problèmes de sol.

Depuis que les agriculteurs sont passés aux engrais chimiques, Mme Nyiraneza a affirmé: «Nous avons constaté une dégradation de nos sols. C'est presque comme un retour en arrière.»

D'autres méthodes existantes

Pour les agriculteurs qui ne peuvent pas — ou ne souhaitent peut-être pas — être confrontés de près à l'aspect et à l'odeur du fumier de vache, Mme Nyiraneza et la Dre Erin Smith, chercheuse à Agriculture et Agroalimentaire Canada, étudient d'autres méthodes pour incorporer rapidement le fumier au sol. Plutôt que d'épandre le fumier à grande échelle sur un champ — une pratique appelée épandage à la volée —, M. Smith étudie une méthode d'injection plus ciblée. Un bras articulé, fixé à un tracteur, parcourt le champ, incise le sol et y injecte du lisier liquide, puis le recouvre rapidement afin d'empêcher l'évaporation des nutriments.

«Jusqu'à présent, nous avons constaté une réduction de 35 % des pertes d'azote grâce à cette méthode d'injection, a expliqué Mme Smith. Cela signifie que les pertes d'azote sont moindres et que les plantes en ont davantage à disposition.»

Selon M. Smith, l'utilisation du laboratoire vivant et la collaboration directe avec les agriculteurs constituent également le meilleur moyen de vérifier la rentabilité de ces méthodes.

«Cette technologie est-elle un investissement judicieux pour les agriculteurs ?»

Le projet, qui n'en est qu'à ses débuts, se poursuivra pendant environ trois ans. Il est important d'observer les résultats au fil du temps et dans différentes conditions météorologiques, a souligné M. Smith.

De plus, comme de nombreux producteurs laitiers et bovins de l'Île-du-Prince-Édouard gèrent déjà le lisier, les ressources nécessaires à la poursuite des essais sont disponibles. Pour M. Green, il est heureux de voir son élevage bovin contribuer à un dialogue positif sur les changements climatiques.

Au cours des dernières années, explique-t-il, les bovins ont été considérés comme la principale source d’émissions de méthane en agriculture, mais il est «fermement convaincu qu’ils font partie de la solution, et non du problème».

Emily Baron Cadloff, La Presse Canadienne

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