Les élèves du secondaire révisent mieux leur français sur papier qu'à l'écran

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Les élèves du secondaire révisent mieux leurs fautes de français sur un support papier que numérique, révèle une étude menée par des chercheuses de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
L'étude met en lumière qu'un élève effectue donc moins de fautes sur papier que sur un ordinateur, par exemple.
Rosianne Arseneau, professeure associée au département de didactique des langues de l'UQAM, qui a participé à l'étude, a indiqué que la collecte de données dans le cadre de leurs recherches a été effectuée auprès d'élèves de la première à la cinquième secondaire dans des écoles de la Fédération des établissements d'enseignement privés.
Les chercheuses avaient demandé à l'organisation de les référer à des écoles où il y avait des élèves aux profils linguistiques diversifiés, afin d'étudier des classes plurilingues.
Le fait que les élèves révisent moins bien sur un support numérique que sur du papier s'explique notamment parce que cet environnement favorise moins la réflexion lors de la révision linguistique que sur papier, a indiqué la Pre Arseneau, qui est également experte technopédagogique en didactique du français chez Alloprof.
«Les élèves, lorsqu'ils sont à l'écran, on leur a laissé droit au correcteur automatique. Pour avoir une situation quand même authentique dans l'écriture d'aujourd'hui, il y avait les petits soulignements qui s'affichent du correcteur Word. Donc l'élève typique, lorsqu'il révise en environnement numérique, il va beaucoup se fier à ce correcteur-là», a détaillé la Pre Arseneau.
La professeure a indiqué que l'apparition d'une petite ligne est «très réactive» dans la révision des élèves, qui vont finalement vouloir résoudre les lignes. Cela engendre une révision «très orientée sur cette rétroaction-là du correcteur, puis beaucoup moins sur la réflexion», a-t-elle expliqué.
«Alors que les élèves qui révisent sur papier ont tendance à plus déployer une réflexion complète, chercher la classe d'un mot: “ah c'est un verbe, je fais une flèche vers le sujet”, et donc une réflexion beaucoup plus approfondie sur papier», a ajouté la professeure.
Si les correcteurs automatiques font parfois des propositions qui sont pertinentes, ils peuvent aussi faire des propositions qui sont incorrectes, ce qui peut également expliquer le nombre de fautes plus élevé sur les ordinateurs que sur papier, a-t-elle dit.
«Il y a des moments où, effectivement, le correcteur mène l'élève à une erreur qui n'était pas existante au départ», a-t-elle ajouté. Ce qu'on a vu aussi, c'est que les élèves ont tendance à travailler significativement plus souvent sur des non-erreurs. Lorsqu'ils sont à l'écran, c'est comme s'ils voient moins bien leurs erreurs et ils passent du temps à travailler sur des éléments qui ne sont pas des erreurs.»
Les chercheuses ont employé deux instruments de mesure dans le cadre de leur étude.
Elles ont d'abord demandé à un échantillon de 308 élèves de remplir un questionnaire en ligne d'une soixantaine de minutes, où des questions sur la révision leur étaient posées. Les élèves devaient aussi détecter des erreurs dans un texte et les corriger, puis expliquer quelles stratégies ils ont employées pour corriger ces erreurs.
Les chercheuses ont aussi mené des entretiens semi-dirigés auprès d'une vingtaine d'élèves, qui leur ont permis de comparer l'environnement papier et numérique.
Elles ont rencontré ce groupe d'élèves à deux reprises. À une occasion, elles ont demandé aux élèves d'écrire un court texte sur une tablette papier avec un «smart pen» (crayon intelligent), qui enregistrait tous les mouvements de l'élève. Les chercheuses pouvaient donc observer si l'élève avait fait des flèches, des traces ou des ratures. Elles ont aussi enregistré la voix des élèves et leur ont demandé de verbaliser le plus possible ce qu'ils se disaient lors de la révision de leur texte, a expliqué la professeure Arseneau.
Les chercheuses ont ensuite demandé à ces élèves de faire environ le même exercice, mais cette fois-ci, sur un support numérique.
Adapter l'enseignement de la révision
Mme Arseneau estime que ces résultats montrent qu'il est nécessaire de travailler les stratégies de révision dans l'environnement numérique avec les spécificités de ce support et d'enseigner ces stratégies aux élèves.
La professeure a dit s'être entretenue avec une conseillère pédagogique d'un centre de services scolaire qui a instauré une méthode d'autocorrection à l'écran, en utilisant notamment les surligneurs numériques pour identifier les constituants de la phrase.
«Donc c'est comme si les fameuses flèches qu'on nous a enseignées, puis nos traces qu'on fait sur papier, il y a comme une transposition, une adaptation avec les outils de Word pour faire la révision», a indiqué Mme Arseneau.
La professeure a précisé que tous les élèves de ce centre de services scolaire effectuent leurs épreuves ministérielles à l'écran, montrant la nécessité d'enseigner une méthode de révision adaptée.
«Si on fait juste leur enseigner à réviser sur papier, puis ils arrivent à l'examen, puis ils essaient d'appliquer une méthode qu'ils auraient apprise sur papier, ça ne fonctionne pas. Il y a un problème de transfert, puis ça va créer des difficultés», a-t-elle fait valoir.
Mme Arseneau a indiqué que la situation est très variable d'un centre de services scolaire à l'autre, mais que le ministère de l'Éducation permet désormais que les épreuves ministérielles soient faites à l'écran.
La professeure a précisé que lors de ces évaluations, ce sont les critères qui concernent la langue qui causent le plus de difficultés aux élèves.
Les chercheuses poursuivent l'analyse de leurs résultats de façon à étudier les différentes stratégies de révision et à donner des outils aux enseignants pour qu'ils puissent les transmettre aux élèves.
«Souvent, on dit aux élèves (de mettre) en œuvre toute la liste des stratégies avec une démarche très très longue, mais pour les élèves, souvent c'est trop. Les prochains pas, c'est un enseignement plus individualisé, personnalisé des stratégies en fonction de leur profil de scripteur», a fait valoir Mme Arseneau.
«C'est comme un chantier avec beaucoup de résultats qu'on essaie de structurer pour mobiliser ça vers la pratique enseignante et soutenir les élèves là-dedans. On sait qu'il y a des défis qu'on peut éclairer avec nos résultats.»
Coralie Laplante, La Presse Canadienne