Les deux anciens de Greenpeace, Bonin et Guilbeault, en route pour la COP30

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Le député bloquiste Patrick Bonin, qui veut «porter la voie du Québec» à la COP30, se dit prêt à «donner la chance au coureur» et travailler avec son ancien collègue de Greenpeace, Steven Guilbeault, même si le Canada «est un leader climatique négatif». Les deux députés prévoient participer à la conférence onusienne qui débute lundi au Brésil, mais vendredi, le bloquiste n’écartait pas la possibilité de devoir rester au pays, en raison des votes de confiance sur le budget fédéral.
À une époque pas si lointaine, Steven Guilbeault et Patrick Bonin participaient aux conférences des Nations unies sur le climat, du côté des militants écologistes.
«On était ensemble à Greenpeace en 2005» et «on a fait la COP à Montréal à ce moment-là» et «en 2009, à Copenhague», alors que Steven Guilbeault était directeur principal d’Équiterre, et «à Paris en 2015, on était là les deux», a rappelé le député Patrick Bonin à La Presse Canadienne, dans une entrevue vendredi après-midi.
Le député de Repentigny a l’intention de se rendre à Belém au Brésil pour «porter la voix des gens du Québec qui veulent plus d'action de la part du gouvernement».
Le bloquiste a ajouté que son parti «déplore les reculs climatiques du nouveau gouvernement» et soutient que «c’est important de donner l’heure juste sur le fait que le Canada est rendu un mauvais élève au niveau climatique, même un leader négatif».
La Presse Canadienne a demandé au député de Repentigny s’il comptait travailler avec la ministre de l’Environnement, Julie Drasbusin, et avec le ministre responsable de Parcs Canada, Steven Guilbeault, à Belém.
«Pour l’enjeu climatique, on veut s’élever au-dessus de la partisanerie, alors on est prêt à travailler avec eux», a-t-il dit en reconnaissant notamment que le Canada a l’habitude de «jouer un rôle relativement constructif» dans l’appui à l'adaptation aux changements climatiques des pays en voie de développement, l’un des enjeux importants de la COP.
S’ils ont «des propositions constructives», le bloquiste se dit prêt à travailler avec eux.
Au moment de l’entrevue, vendredi après-midi, Patrick Bonin n’avait pas encore la confirmation de pouvoir s’envoler pour Belém, car il ignorait quand exactement auront lieu les prochains votes sur le budget Carney.
«Il y a eu des votes hier, il y en a encore un aujourd'hui» et « on sait qu'il y en a d’autres», alors «la logistique est compliquée».
«Augmenter l'ambition»
La COP30 coïncide avec les dix ans de l'Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement du climat à 2 degrés Celsius.
Les 191 pays qui y participent doivent notamment déposer leurs nouvelles politiques climatiques, en vue de 2035.
«Les pays ne doivent pas réduire leur ambition. Les mécanismes prévus dans l'Accord de Paris, c'est pour augmenter l'ambition. Et là, le Canada est en train de faire le contraire», a dénoncé Patrick Bonin.
Comme bien des groupes environnementaux, le député reproche au gouvernement de Mark Carney de reculer sur plusieurs mesures environnementales qu’avait prises son prédécesseur, Justin Trudeau.
Un plafond «nécessaire» mis de côté
Le budget présenté par le gouvernement Carney en début de semaine indique notamment que le gouvernement n’entend pas aller de l’avant avec la mise en œuvre du plafond d’émissions proposé pour les producteurs de pétrole et de gaz.
«Abandonner le plafond était l’une des demandes principales des pétrolières», a souligné Patrick Bonin, en ajoutant «qu'on a un gouvernement qui récupère toutes les demandes des pétrolières, ou presque» et «se comporte comme un gouvernement conservateur».
Lorsqu’il était ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault a longtemps travaillé pour mettre en place un plafond d’émissions de GES, allant jusqu’à publier un projet de règlement, en novembre 2024.
En mars 2024, M. Guilbeault expliquait à La Presse Canadienne que la mise en place d’un plafond était «nécessaire», car le secteur visé était responsable du tiers des émissions de GES au pays et qu’il devait maintenant «faire sa part» pour participer à la réduction de la pollution.
En marge d’une conférence de presse sur la culture, vendredi, La Presse Canadienne a demandé au ministre Guilbeault pour quelle raison son gouvernement avait décidé d’abandonner la mise en place d’un plafond des émissions.
«Il y a différentes façons d'atteindre nos objectifs de réduction», comme «le règlement sur le méthane pour le secteur du pétrole et du gaz» ainsi «qu’une tarification carbone industrielle» qui est «plus rigoureuse», des outils qui font parti du budget déposé cette semaine.
Selon Steven Guilbeault, ces mesures climatiques, et d'autres, pourraient faire en sorte «qu’on n'ait plus besoin de plafond».
L’ancien ministre de l’Environnement a tenu à préciser du même souffle «qu’on n'élimine pas» l'idée d'un plafond, «mais on dit qu'il y a peut-être d'autres façons d'atteindre nos objectifs», laissant ainsi planer la possibilité qu’un éventuel plafond puisse être imposé au secteur gazier et pétrolier canadien, dont les émissions augmentent année après année.
Briser les silos entre climat et biodiversité
C’est à titre de ministre responsable de Parcs Canada que Steven Guilbeault se rendra à Belém dans les prochains jours, avec la ministre de l’Environnement, Julie Dabrusin, qui n’a pas répondu à la demande d’entrevue de La Presse Canadienne.
«Je vais travailler avec nos collègues au niveau international pour la mise en œuvre des engagements de la COP15 (sur la biodiversité), donc pour discuter comment on protège 30 % des terres et des océans d'ici 2030» et «comment nous mettons en œuvre les 23 objectifs de l'entente de Kunming-Montréal», a expliqué le ministre Guilbeault, en ajoutant «qu’on sait très bien que notre plus grand allié pour lutter contre les changements climatiques, c'est la nature».
Cette conférence des Nations unies sur le climat a lieu «aux portes de l'Amazone» et le Brésil «cherche vraiment à briser les silos un peu traditionnels entre le climat et la biodiversité», a expliqué Steven Guilbeault, laissant entendre que c'est également son objectif.
Le pays hôte de la conférence, selon le ministre fédéral, veut «faire en sorte que, lorsqu'on parle de changement climatique, on pense à la nature et que, lorsqu'on parle de la nature, on pense au changement climatique et que les investissements qu'on fait dans les uns et les autres vont nous aider».
D’ailleurs, au premier jour du sommet de haut niveau organisé en amont de la COP30 sur le climat, jeudi, le Brésil a officiellement lancé le Tropical Forest Forever Facility, un mécanisme voué à financer la conservation des forêts tropicales humides.
La COP30 débute officiellement lundi et s’échelonnera sur deux semaines.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne