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Les conservateurs cherchent à tourner la page après la «terrible déception» de 2025

durée 12h48
18 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Il y a un an, Pierre Poilievre semblait sur le point de réaliser deux choses qu'il souhaitait depuis longtemps: la fin de la carrière politique de Justin Trudeau et un gouvernement conservateur majoritaire qu'il dirigerait.

Les sondages nationaux donnaient aux conservateurs une avance d'environ 25 points sur les libéraux, pénalisés par l'impopularité de leur chef.

À la Chambre des communes, les conservateurs ont souvent provoqué M. Trudeau pour qu'il démissionne, bloquant le Parlement avec des manœuvres procédurales et menaçant de renverser son gouvernement minoritaire.

Le plan pour les quatre prochaines années était pratiquement tracé. Les conservateurs appelaient ouvertement M. Poilievre le «prochain premier ministre».

Ian Brodie, politologue à l'Université de Calgary et ancien chef de cabinet du premier ministre Stephen Harper, a déclaré qu'il y avait «probablement un peu d'arrogance qui s'immisçait dans le style politique du parti» à l'époque.

«Il y a un an, nous pensions que nous allions remporter les élections», a déclaré Ben Woodfinden, qui était directeur des communications du chef conservateur jusqu'aux élections d'avril.

Au lieu de cela, tout a basculé, sans retour possible, selon M. Woodfinden, lorsque Donald Trump est revenu à la Maison-Blanche en janvier. M. Trudeau a annoncé son intention de démissionner le même mois.

«On dirait que tout cela est arrivé il y a une éternité», a remarqué Kate Harrison, stratège conservatrice et vice-présidente de Summa Strategies à Ottawa.

Le Parti libéral a trouvé un nouveau chef en mars. Le premier ministre Mark Carney a rapidement convoqué des élections, mais pas avant d'avoir supprimé le deuxième argument le plus populaire des conservateurs en mettant fin à la taxe du carbone pour les consommateurs.

M. Poilievre affirmait alors que M. Carney n'allait jamais vraiment «supprimer la taxe» et a élargi sa propre promesse de mettre fin à la tarification du carbone industriel.

Mais la guerre commerciale de M. Trump et ses menaces d'annexer le Canada ont capté toute l'attention des électeurs, transformant l'élection en une course à deux axée presque entièrement sur la question de savoir qui était le mieux placé pour faire face au président américain.

«Chaque jour, tout changeait d'un coup à cause d'une déclaration ou d'un tweet de sa part», a raconté M. Woodfinden.

Les élections du 28 avril ont réservé deux surprises: une victoire libérale au niveau national et une défaire de M. Poilievre dans sa propre circonscription de Carleton.

Expliquer la défaite

Avec le recul, il y a beaucoup à dire.

«On a l'impression de s'être fait déjouer, car, dans un certain sens, c'est ce qui est arrivé», a déclaré M. Brodie.

Mme Harrison a affirmé que M. Poilievre et les conservateurs avaient commis une erreur en attaquant le Nouveau Parti démocratique (NPD) à l'automne, privant les conservateurs d'une division du vote de gauche en affaiblissant le parti.

Elle a également indiqué que la plupart des événements qui se sont produits pendant la campagne échappaient au contrôle des conservateurs.

«Mark Carney a pris beaucoup de bonnes décisions au bon moment», a-t-elle remarqué.

M. Woodfinden, qui est aujourd'hui conseiller principal chez Meredith Boessenkool & Phillips, a affirmé que les conservateurs avaient bel et bien tenté de changer de cap en réponse à M. Trump, malgré ce qu'en disaient certains pendant et après la campagne.

M. Poilievre a fait son retour à la Chambre des communes en août, remportant une élection partielle en Alberta et reprenant la tête du parti avec son style caractéristique. Pendant un certain temps, le parti a semblé retrouver un peu de son arrogance, du moins jusqu'aux désertions.

Au cours des six dernières semaines, deux députés conservateurs ont quitté le caucus pour rejoindre les bancs du gouvernement, tandis qu'un troisième a annoncé son intention de se retirer de la vie politique.

Chris d'Entremont et Michael Ma ont tous deux laissé entendre que le style de leadership de M. Poilievre était au moins en partie responsable de leur départ du caucus.

Le style Poilievre

M. Woodfinden estime que M. Poilievre a tiré d'importantes leçons ces derniers temps. Il sait qu'il doit «parler à tout le monde» et se présenter aux entrevues des grands médias, «même si l'environnement est hostile, comme c'est le cas avec la CBC/Radio-Canada», a-t-il déclaré.

M. Poilievre a accordé une entrevue de fin d'année à La Presse Canadienne cette année, une première depuis qu'il est devenu chef en 2022.

Ce qu'il ne fera pas, c'est changer qui il est.

Pierre Poilievre est un personnage clivant. Ses résultats personnels dans les sondages sont aujourd'hui bien inférieurs à ceux du parti qu'il dirige, un peu comme ceux de Justin Trudeau il y a un an.

«Il n'est pas universellement aimé, mais les personnes qui soutiennent M. Poilievre le soutiennent vraiment», a déclaré Mme Harrison.

M. Woodfinden estime que M. Poilievre «a encore de bonnes chances» de devenir premier ministre.

«S'il y parvient, ce sera parce qu'il se concentre sans relâche sur les questions qui comptent réellement dans la vie quotidienne de nombreuses personnes», a-t-il affirmé.

Il a ajouté que les élections avaient mis en évidence une fracture générationnelle au sein de l'électorat, et que M. Poilievre devait «redoubler d'efforts» sur les points qui lui ont été favorables.

«Il existe actuellement un fossé entre les électeurs qui ne fait que s'aggraver; opposant ceux pour qui ce pays fonctionne et ceux pour qui ce n'est pas le cas», a déclaré M. Woodfinden.

Mme Harrison a convenu que les conservateurs devraient rester concentrés sur les questions qui leur ont valu le soutien d'environ 41 % des électeurs, soit la criminalité, l'immigration et le logement.

«Si nous nous disputons sur la rapidité ou la lenteur avec laquelle le gouvernement agit, cela n'est pas efficace. Nous devons attirer l'attention sur ce que les libéraux ne font pas», a-t-elle soutenu.

M. Brodie a ajouté que les conservateurs devaient également mettre davantage en avant les talents au sein de leur parti, au-delà de leur chef.

M. Poilievre lui-même a convenu qu'il s'agissait d'une bonne stratégie.

«Je pense que si vous regardez cette session parlementaire, notre équipe s'est montrée sous son meilleur jour», a-t-il déclaré vendredi dernier.

«Nos députés conservateurs ont mené la charge sur les questions d'accessibilité financière, de sécurité et d'unification de notre pays. C'est une évolution très encourageante.»

Au cours des prochaines semaines au moins, le parti devrait continuer à mettre M. Poilievre au premier plan, alors qu'il se prépare à un examen obligatoire de son leadership lors du congrès du parti à Calgary à la fin du mois de janvier.

M. Poilievre a fait appel à Hamish Marshall, ancien membre du personnel de Stephen Harper et directeur de campagne d'Andrew Scheer, pour mener les efforts visant à renforcer le soutien des délégués participant au congrès. Il est attendu qu'il obtienne la majorité des votes.

Après la «terrible déception» de 2025, a expliqué M. Brodie, le véritable test pour l'avenir de M. Poilievre sera la rapidité avec laquelle les prochaines élections auront lieu.

Si les libéraux décident de retourner aux urnes en 2026, ce sera une bonne nouvelle pour le chef conservateur, a-t-il avancé.

Mais si M. Carney parvient à maintenir le Parlement en place pendant quelques années, en recrutant davantage de députés conservateurs pour obtenir la majorité, ou en faisant fonctionner la minorité à son avantage, le défi de M. Poilievre deviendra plus difficile, a prévenu M. Brodie.

«Le temps passe très vite au gouvernement. Le temps passe très lentement dans l'opposition. Chaque jour semble une éternité dans l'opposition», a-t-il déclaré.

Sarah Ritchie, La Presse Canadienne

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