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Les bouteilles d'eau sont une source importante de nanoplastiques, rappelle une étude

durée 10h43
10 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les consommateurs d'eau embouteillée avalent chaque année 90 000 particules microplastiques de plus que les personnes qui boivent l'eau du robinet, prévient une nouvelle analyse réalisée par une chercheuse montréalaise.

Sarah Sajedi a calculé, en passant au peigne fin plus de 140 articles scientifiques sur le sujet, que la population gobe en moyenne entre 39 000 et 52 000 particules microplastiques par an.

Mais ceux qui font le choix de boire de l'eau embouteillée - vraisemblablement parce qu'ils croient que c'est meilleur pour leur santé - ne réalisent probablement pas qu'ils multiplient plutôt leur exposition à des particules dont l'impact potentiel sur la santé est tout aussi inquiétant qu'il est mal compris, a-t-elle déploré.

«Les gens savent que boire beaucoup d'eau est bon pour la santé, et ils associent ça avec boire une eau plus propre, a expliqué Mme Sajedi, qui a été suffisamment interpellée par le problème des déchets plastiques qu'elle est revenue aux études après une pause de plus de trente ans pour compléter un doctorat sur le sujet à l'Université Concordia.

«Ils pensent que les bouteilles d'eau sont plus propres et plus sécuritaires, mais ce n'est vraiment pas le cas.»

L’eau embouteillée peut, à elle seule, représenter une exposition annuelle aux particules de microplastiques équivalente à l’exposition générée par toutes les autres sources combinées, selon certaines études.

Ces bouteilles sont souvent fabriquées de plastique de très mauvaise qualité. Des particules de microplastiques ou même de nanoplastiques sont libérées lorsqu'elles sont fabriquées, manipulées, stockées et transportées, ou encore lorsqu’elles se décomposent tout au long de leur cycle de vie, par exemple en étant exposées à la lumière du soleil ou aux fluctuations de température.

De plus, contrairement à d’autres types de particules de plastique qui passent par la chaîne alimentaire avant de pénétrer dans le corps humain, celles-ci sont ingérées directement à la source.

«Il y a dix ans, on ne disposait pas de la technologie nécessaire pour étudier les nanoplastiques, donc on se concentrait sur les microplastiques, a dit Mme Sajedi qui, avant son retour aux études à un âge où d'autres envisagent la retraite, a cofondé la société ERA Environmental Management Solutions, un important fournisseur de logiciels spécialisés dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l’environnement.

«On parle d'une exposition chronique. On ne dit pas que vous allez mourir si vous buvez une bouteille d'eau. Mais si vous en buvez pendant dix ou vingt ans... il va y avoir une accumulation.»

La situation est particulièrement inquiétante pour les jeunes (pourtant bien éduqués) qui comptent parmi les principaux consommateurs de ce genre de produit, a ajouté Mme Sajedi. Non seulement commencent-ils leur exposition très tôt dans la vie, mais celle-ci survient à un moment où ils sont en pleine croissance.

On a constaté, au cours des dernières années, une explosion chez une population plus jeune des cas de certaines maladies - du cancer colorectal aux troubles neurodégénératifs - qu'on retrouvait auparavant, surtout chez les gens plus âgés.

Le phénomène reste pour le moment inexpliqué et aucune étude n'a encore tracé de lien de causalité entre cette recrudescence et une exposition aux micro ou aux nanoplastiques. Mais en attendant que l'énigme ait été élucidée, cette hypothèse en vaut une autre, croit la chercheuse.

«Quand j'étais plus jeune, il y avait des buvettes partout, on ne voyait pas de gens qui transportaient des bouteilles d'eau avec eux un peu partout, l'eau était essentielle et toujours disponible, a dit Mme Sajedi, qui publiera prochainement deux autres études sur le sujet. Si le gouvernement intervient et ramène les buvettes, ça sera moins à la mode de traîner sa bouteille d'eau.»

Impacts sur la santé

Les particules de micro et de nanoplastiques proviennent de la dégradation d’articles de plastique plus gros. La taille des microplastiques va d’un micromètre (soit un millionième de mètre) à environ cinq millimètres. On mesure la taille des nanoplastiques en milliardièmes de mètre. En guise de comparaison, la circonférence d’un cheveu humain est d’environ 70 micromètres.

Les particules de nanoplastiques sont tellement infimes qu’elles peuvent entrer dans la circulation sanguine (par exemple, en franchissant la barrière intestinale) et se rendre directement aux organes.

L’impact sur la santé humaine de ces particules est encore mal compris, mais on les a retrouvées dans les quatre coins du corps humain, du cerveau aux testicules en passant par les poumons, le cœur, le foie et le placenta. Elles interfèrent possiblement avec le fonctionnement de ces organes. Elles pourraient aussi avoir des propriétés cancérogènes, être une source de stress oxydatif et imiter l’action de certaines hormones (ce qu’on appelle des perturbateurs endocriniens).

On sait également que les microplastiques peuvent causer de l’inflammation, ce qui aura comme effet «d’ouvrir» des barrières cellulaires qui resteraient autrement fermées — des barrières comme la barrière hématoencéphalique censée protéger le cerveau des indésirables.

Une étude américaine publiée plus tôt cette année prévenait ainsi que le cerveau humain contient en moyenne une cuillerée de microplastiques et de nanoplastiques, et qu’on ne peut pas exclure que cela ait un lien avec l’explosion des cas de démence.

Cette quantité, ajoutaient les chercheurs américains, est de trois à cinq fois plus élevée chez les individus qui ont reçu un diagnostic de démence. Pire encore, on retrouve de sept à trente fois plus de microplastiques et de nanoplastiques dans le cerveau que dans n’importe quel autre organe.

On a constaté une hausse alarmante de 50 % des concentrations de microplastiques et de nanoplastiques dans le cerveau entre 2016 et 2024, ce qui correspond à l’explosion exponentielle de la quantité de particules de plastique dans l’environnement.

Les particules de micro et de nanoplastiques sont omniprésentes et personne n'y est immunisé, a prévenu Mme Sajedi, qui martèle l'importance de l'éducation du public.

«Il faut éviter de parler de tout en même temps, sinon les gens cessent d'écouter et ils nous disent qu'il faut bien mourir de quelque chose, a-t-elle dit. Si j'essaie de tout combattre, je vais perdre, alors je me concentre sur les bouteilles de plastique, qui sont une source énorme (de microplastiques et de nanoplastiques).»

Et une fois que les gens auront compris le message au sujet des bouteilles, on peut espérer qu'ils commenceront à extrapoler vers d'autres produits, a ajouté Mme Sajedi, qui cite en exemple sa décision d'acheter uniquement des confitures dans un pot de verre.

En plus de laisser les bouteilles d'eau de plastique sur les étagères des détaillants, on recommande par exemple d’abandonner les contenants de plastique au profit des contenants d’acier ou de verre pour entreposer et/ou réchauffer la nourriture.

Certains récipients en plastique peuvent libérer jusqu’à 4,22 millions de particules de microplastiques et 2,11 milliards de particules de nanoparticules de plastique à partir d’un seul centimètre carré de surface plastique dans les trois minutes suivant le chauffage par micro-ondes, indique un texte publié par le journal Brain Medicine.

Les conclusions de la nouvelle étude ont été publiées par le Journal of Hazardous Materials.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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