Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Le nouvel examen de l'Ordre des infirmières est une catastrophe pour les francophones

durée 16h24
12 mai 2023
La Presse Canadienne, 2023
durée

Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — Le nouvel examen choisi par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) soulève de nombreuses inquiétudes sur divers enjeux, dont celui de la langue. Le «NCLEX-RN» s'est avéré une catastrophe pour les francophones du Nouveau-Brunswick, à tel point que les étudiantes ont réclamé de pouvoir passer l'examen québécois.

En réaction au rapport du commissaire à l'admission aux professions, qui a critiqué sévèrement la méthodologie encadrant son examen, l'OIIQ a annoncé jeudi qu'il voulait adopter un nouveau format d'épreuve connu sous l'acronyme anglais NCLEX-RN. Il s'agit de l'examen standardisé américain aussi utilisé dans les autres provinces canadiennes.

Or, le seul exemple francophone dont on dispose est celui du Nouveau-Brunswick, où les résultats sont si catastrophiques que les candidates infirmières ont réclamé de pouvoir passer l'examen québécois.

«C'est une histoire carrément d'horreur de A à Z avec la communauté acadienne et francophone», résume simplement le président de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Cédric Alexandre Doucet.

Il explique que depuis son adoption en 2015, l'examen NCLEX-RN a d'abord été très mal traduit avant de connaître certaines améliorations. 

Malgré cela, les candidates francophones demeurent désavantagées parce qu'elles n'ont pas accès aux mêmes documents préparatoires que leurs collègues anglophones.

En date de 2020, 38 % des candidates francophones au Canada avaient échoué à leur premier essai à l’examen NCLEX contre 14 % pour l'ensemble des candidates canadiennes.

Il s'agissait de la meilleure performance des étudiantes francophones depuis l'adoption de cet examen au pays.

L'enjeu est si grave que la Société de l'Acadie et la Fédération étudiante du Campus universitaire de Moncton (FÉCUM) ont entrepris des poursuites judiciaires contre l'Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick (AIINB), l'ordre néo-brunswickois. Elles lui reprochent de contrevenir à la charte canadienne en bafouant les droits des francophones.

Ironiquement, M. Doucet dit espérer que l'implantation du NCLEX-RN au Québec permettra enfin d'avoir des ressources suffisantes pour faire traduire tous les documents préparatoires de manière adéquate.

Du côté de l'OIIQ, la directrice des admissions et du registrariat, Chantal Lemay, affirme que l'ordre «est tout à fait conscient de cet enjeu-là» et qu'il travaille déjà avec l'organisme américain qui produit l'examen «pour justement s'assurer qu'au niveau du français, ça va répondre à nos attentes».

Elle soutient que des représentants de l'OIIQ se sont rendus plusieurs fois à Chicago pour observer les items en français utilisés pour concevoir le NCLEX-RN par le Conseil national américain des ordres d'infirmières (NCSBN).

«Il n'y a pas d'enjeux qui ont été notés jusqu'à présent au niveau de la qualité de la traduction. Il n'y a certainement pas d'enjeux qui empêchent les étudiantes de répondre à des questions», assure-t-elle.

Selon Mme Lemay, il reste tout de même certains éléments à corriger avec l'institution américaine, dont le vocabulaire portant sur certains médicaments ou outils techniques par exemple.

C'est une inquiétude que soulève la coordonnatrice du département et responsable de programme de soins infirmiers du Cégep de Granby, Nancy Bonneau.

«Il va falloir s'assurer que la terminologie scientifique est adaptée à notre réalité et que s'ils parlent de molécules, bien qu'on ait des molécules comparables.»

Au-delà des bonnes intentions de l'OIIQ, il reste qu'il exprime le désir d'utiliser un outil en anglais, conçu aux États-Unis. Une idée que le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, qualifie de «complètement déconnectée de notre réalité québécoise».

«Il me semble que de tout temps on a cherché, au Québec, à avoir une approche qui soit vraiment adaptée à notre réalité», observe-t-il en déplorant n'avoir jamais été consulté à ce sujet.

L'OIIQ dit vouloir soumettre une demande officielle à l'Office des professions du Québec dans le but d'adopter son nouveau format d'examen à compter du printemps 2024.

Au cabinet de la ministre de l'Enseignement supérieur, Pascale Déry, on se contente de répondre que la «volonté de l'OIIQ devra être analysée par l'Office des professions». 

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Ugo Giguère, La Presse Canadienne