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Le nouvel envoyé spécial de l'Inde plaide en faveur d'un accord commercial global

durée 16h19
17 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Le nouvel envoyé de l'Inde au Canada affirme qu'Ottawa devrait abandonner la recherche d'un accord commercial restreint et plutôt viser un accord global de commerce et d'investissement avec le pays le plus peuplé du monde.

Dans une longue entrevue accordée à La Presse Canadienne, le haut-commissaire de l'Inde, Dinesh Patnaik, a également soutenu que les entreprises canadiennes devraient élargir leurs liens commerciaux et d'investissement avec l'Inde dès maintenant, sans attendre que les gouvernements signent un accord commercial officiel.

«Nous sommes davantage intéressés par un ensemble complet que par un accord peu ambitieux. Nous voulons une ambition plus élevée, a-t-il dit lors d'une entrevue jeudi. Un accord commercial est une chose que nous ne devrions pas attendre. Nous devrions commencer à obtenir ce que nous pouvons, les premiers gains.»

Le Canada et l'Inde sont en pourparlers commerciaux depuis 2010. Ces négociations ont été suspendues puis reprises plusieurs fois, avant d'être complètement interrompues par Ottawa en 2023, après que le gouvernement fédéral a accusé New Delhi d'avoir joué un rôle dans l'assassinat d'un militant sikh canadien à Surrey, en Colombie-Britannique.

Le gouvernement Carney a fait de la relance des relations avec l'Inde une priorité, notamment lors d'une visite en Inde de la ministre des Affaires étrangères Anita Anand au début du mois, au cours de laquelle les deux pays ont publié une déclaration commune intitulée «Renouveler l'élan vers un partenariat plus fort». Cette déclaration mentionnait le commerce à plusieurs reprises.

Cette déclaration marquait un changement de ton majeur par rapport à l'année précédente, lorsque le Canada avait expulsé six diplomates indiens de haut rang après que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a accusé New Delhi d'être responsable de meurtres, d'extorsions et de coercitions à grande échelle au Canada. À l'automne 2023, l'Inde a levé la protection diplomatique de la plupart des envoyés canadiens.

M. Patnaik a assuré que malgré les «légers contretemps» dans les relations diplomatiques ces dernières années, «les échanges commerciaux n'ont pas ralenti».

«Mais à l'inverse, les échanges commerciaux n'ont jamais atteint les sommets qu'ils auraient dû atteindre, entre un pays du G7 et la quatrième économie mondiale», a-t-il ajouté.

Avant l'apparition du froid diplomatique en 2023, le Canada et l'Inde avaient déjà revu à la baisse leurs ambitions en matière de négociations commerciales, passant d'un accord économique global à la recherche d'un accord limité à des secteurs spécifiques.

Les négociations commerciales lancées en 2010 incluaient un Accord de partenariat économique global (APEG), mais en 2023, les négociations s'intensifiaient en vue d'un accord commercial des premiers progrès (ACPP), qui aurait pu se suffire à lui-même ou déboucher sur un accord global ultérieur. Aucun des deux pays n'a officiellement déclaré quels secteurs étaient sur la table.

L'Inde a signé les deux types d'accords avec différents pays. Par exemple, l'Australie a signé un accord limité en 2022, qui incluait des secteurs comme le charbon, les lentilles et les terres rares, et envisageait d'entamer des négociations en vue d'un accord plus large.

M. Patnaik a expliqué que l'Inde souhaitait «interagir dans tous les secteurs» avec le Canada par le biais d'un accord allant au-delà du commerce de biens spécifiques, comme les lentilles canadiennes et les textiles indiens.

Il a ajouté qu'un accord commercial générerait d'énormes avantages économiques s'il incluait des secteurs de services comme l'éducation et des domaines culturels comme le cinéma.

«Il est temps pour nous d'envisager les choses sous un angle différent, a-t-il dit. Je ne veux pas réduire le commerce aux seuls achats et ventes, mais plutôt à ce cadre économique plus large où nous avons des investissements, des collaborations en matière de ressources humaines, de recherche scientifique, d'innovation, de haute technologie — tout.»

Des échanges commerciaux de plus en plus instables

Le Canada et l'Inde s'efforcent de diversifier leurs échanges commerciaux, loin des États-Unis, de plus en plus instables. Le président américain Donald Trump a imposé au Canada des droits de douane, qu'il a liés au flux infime de fentanyl transfrontalier, et des droits de douane de 50 % sur les produits indiens afin de faire pression sur New Delhi pour qu'elle cesse d'acheter du pétrole russe.

Mais le Canada était déjà en retard sur ses pairs en matière de commerce avec l'Inde avant même le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, a expliqué M. Patnaik.

Il a souligné que depuis le début des négociations commerciales avec Ottawa en 2010, New Delhi a signé des accords avec le Royaume-Uni, l'Australie et les Émirats arabes unis et est «sur le point d'en signer un» avec l'Union européenne.

«Si les négociations commerciales avec le Canada n'avaient pas été interrompues, nous aurions probablement conclu un accord commercial avec le Canada, a-t-il ajouté. Nous progressons avec le reste du monde et nous ne voulons pas avoir moins d'ambitions avec le Canada.»

L'Inde est depuis longtemps considérée par les analystes commerciaux comme un pays protectionniste, exerçant un contrôle strict sur les importations et la portée des entreprises étrangères, tout en privilégiant la production nationale. Le pays affiche un excédent commercial avec de nombreux pays occidentaux, en partie grâce à l'essor des centres d'appels et des systèmes informatiques externalisés.

Le pays impose également des conditions commerciales qui compliquent la tâche des entreprises étrangères, comme les règles de fumigation imposées aux pois et aux lentilles canadiens en 2017.

Le cahier d'information préparé par le service extérieur canadien pour le ministre du Commerce, Maninder Sidhu, lors de sa prise de fonction ce printemps, soulignait les avantages et les inconvénients d'une intensification des échanges commerciaux avec l'Inde.

«L'Inde offre d'importantes opportunités à moyen terme, malgré son caractère difficile pour les exportateurs», indique le cahier d'information de mai. Dans ce document, Affaires mondiales Canada accuse l'Inde d'exercer des pressions sur l'ordre commercial mondial sur lequel le Canada s'appuie, notamment sur les règles définies par l'Organisation mondiale du commerce.

«Les négociations d'intérêt majeur, comme celles sur l'agriculture, sont depuis longtemps dans l'impasse. Une poignée de membres obstructionnistes, menés par l'Inde, bloquent régulièrement les résultats négociés et souhaités par la plupart des membres», indique le document à propos de l'OMC.

M. Patnaik a indiqué que l'Inde «fera tout ce qui est nécessaire pour accroître ses échanges commerciaux» avec le Canada.

«Si nous pouvons simplement modifier les lois et travailler secteur par secteur, autant le faire», a-t-il ajouté.

M. Patnaik a également suggéré que l'Inde souhaite dépasser les conflits commerciaux sur des questions telles que la fumigation et les pesticides.

«Le commerce, c'est essentiellement l'ouverture, pas l'imposition de barrières. Pas de barrières non tarifaires, pas de problèmes sanitaires et phytosanitaires», a-t-il souligné.

Il a également présenté son pays comme une démocratie pluraliste qui partage des valeurs et des liens diasporiques importants avec le Canada.

L'organisation américaine à but non lucratif Freedom House attribue à l'Inde un score de 63 % en matière de libertés, évoquant des préoccupations concernant les politiques discriminatoires, la persécution religieuse et le harcèlement des groupes de la société civile sous le premier ministre indien Narendra Modi. Elle affirme également que le pays est une véritable démocratie multipartite avec des élections libres et équitables.

«Nous sommes deux démocraties avec des économies complémentaires, des sociétés ouvertes, la diversité, le pluralisme, la démocratie, l'État de droit, la liberté de la presse — tout ce qui nous unit. Nous devrions donc être beaucoup plus proches, a expliqué M. Patnaik. Trouvons des moyens d'avoir une interaction beaucoup plus intense, beaucoup plus stratégique, beaucoup plus étroite que celle que nous avons actuellement.»

Dylan Robertson, La Presse Canadienne

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