Le ministre LeBlanc ne s'attend pas à ce que les États-Unis se retirent de l'ACEUM

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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Ottawa n'a aucune «indication» que l'administration américaine de Donald Trump s'apprête à déchirer l'entente commerciale avec le Canada et le Mexique, bien que le président des États-Unis et ses subalternes aient suggéré qu'ils pourraient songer à un retrait de l'accord de libre-échange.
«Nous on croit, basé sur nos conversations avec les Américains, (…) que, pour le moment, ce n'est pas l'objectif que les Américains ont en tête», dit Dominic LeBlanc, ministre responsable des relations canado-américaines, dans une entrevue de fin d'année avec La Presse Canadienne.
Assis dans son bureau de député de la circonscription néo-brunswickoise de Beauséjour situé à quelques pâtés de maisons du Parlement, M. LeBlanc soutient que «les Mexicains aussi» s'attendent à ce que les États-Unis procèdent à la révision de l'entente - l'ACEUM - plutôt que de la déchirer.
«C'est très encourageant», estime celui dont l'année a été marquée par de nombreux séjours à Washington afin de négocier avec les Américains dans le but d'apaiser la guerre tarifaire déclenchée par M. Trump.
Selon lui, les États-Unis ont lancé leurs consultations pour la révision de l'ACEUM «dans le calme» et l'ambassadeur américain au commerce, Jamieson Greer, a «dit qu'ils vont suivre un processus assez traditionnel dans ce genre d'ententes-là».
M. LeBlanc avoue que, par moments durant l'année, il aurait préféré être au Nouveau-Brunswick plutôt que dans la capitale américaine, tout particulièrement en période de canicule, l'été dernier.
«Passer des semaines entières ou des grandes parties de semaines à 94 degrés de chaleur à Washington puis 100 % d'humidité, ah, vous avez raison, moi j'avais hâte, je trouvais ça chaud à Washington!», lance-t-il, sourire en coin, à La Presse Canadienne.
Parler de météo semble une façon de contourner la question qui lui est posée, à savoir s'il s'est senti découragé ou tanné, par moments, du niveau de progrès dans les discussions commerciales.
«Je comprends des personnes d'affaires comme des travailleurs dans plusieurs secteurs où le vent en pleine face est plus sévère qui se disent: ‘’Il n’y a pas eu de progrès ou il n’y a pas eu, visiblement, des avancées''. Nous on partage totalement cette frustration-là», finit-il par répondre.
Néanmoins, le ministre se montre optimiste pour la révision de l'ACEUM, prévue en 2026, et d'éventuelles ententes pour alléger les droits de douanes dits «sectoriels», c'est-à-dire ceux ciblant notamment les industries de l'acier, de l'aluminium et du bois d'œuvre.
«La responsabilité qu'on a, nous, c'est d'essayer de trouver la meilleure solution, la voie de contournement (...) et comment naviguer à travers ça, mais avec un sang-froid, pas d'émotion, pas de panique», ajoute-t-il.
La relation avec le Mexique, négligée?
Au début de 2025, Donald Trump a mis à exécution sa menace de frapper le Canada et une panoplie d'autres pays de droits de douane. Au fil de l'année, Ottawa a réussi à obtenir une période de sursis et des exemptions, mais a aussi vu l'ampleur de plusieurs droits de douane s'aggraver.
Tout au long de la saga tarifaire, M. LeBlanc s'est rendu aux États-Unis pour tenter de calmer le jeu, souvent accompagné du greffier du conseil privé, Michael Sabia, et du chef de cabinet du premier ministre Mark Carney, Marc-André Blanchard.
Ce n'est que plus récemment qu'il s'est rendu au Mexique, qui fait partie de l'ACEUM, mais qui est aussi, note le ministre, le troisième partenaire commercial en importance pour le Canada.
«Je pense qu'on n'a pas suffisamment, comme pays, apprécié le potentiel extraordinaire avec le Mexique en termes de relations économiques bilatérales», dit-il.
Est-ce à dire que le Canada a négligé le Mexique? «Je ne sais pas si j'aurais utilisé le mot ''négligé''. On n'a peut-être pas pris le temps ou l'énergie de nous engager avec nos vis-à-vis mexicains jusqu'à ce que M. Carney soit allé là en septembre», répond-il.
Effectivement, le premier ministre s'est rendu à Mexico au début de l'automne pour rencontrer la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum. Puis, la semaine dernière, M. LeBlanc est allé au Mexique pour poursuivre les discussions.
«C'est une économie croissante. C'est une économie de plus en plus industrialisée. Puis on a aussi les mêmes défis dans la révision de l’ACEUM», soutient le ministre.
Ce dernier se dit «encouragé» par le fait qu'il dirigera, en février prochain, une mission commerciale bilatérale au Mexique. «Le ministère du Commerce international m'a dit (...) que c'est de loin la mission bilatérale où il y a le plus d'inscriptions jamais vues», se réjouit-il.
Ainsi, il conclut qu'il y a «beaucoup plus d'énergie et de focus sur la relation Canada-Mexique qu'il n'y en avait au début de l'année».
Pendant ce temps, les discussions avec l'administration Trump pour un ou plusieurs accords mettant fin à la guerre tarifaire sont toujours suspendues. En octobre dernier, M. LeBlanc a dû interrompre son travail de négociation avec Washington après que M. Trump eut décidé de tout mettre sur la glace puisqu'il était profondément irrité par une publicité du gouvernement de l'Ontario.
«C'est sûr qu'on était déçus parce qu'on avait l'impression qu'on avançait dans un niveau de détail qui était absent auparavant», dit le ministre.
Encore une fois, il revient sur son «sang-froid», mentionnant que l'administration Trump est le gouvernement qu'a élu la population américaine. «Pour, nous de penser à d'autres scénarios hypothétiques est totalement une perte de temps», conclut-il.
Il n'en reste pas moins que M. LeBlanc n'hésite pas à qualifier d'amicale sa relation avec le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick.
C'est d'ailleurs cet élu américain qui l'a invité à passer une soirée complète de canicule, l'été dernier, dans le jardin de sa résidence à Washington. Personne n'a enlevé son veston.
«Tout le monde était complètement en sueur», ricane le ministre. Lui et MM. Sabia ainsi que Blanchard, qui l'accompagnaient, en rigolent encore à ce jour. «Je leur ai dit: ''C'est comme si vous aviez pris des douches dans vos habits''!»
Émilie Bergeron, La Presse Canadienne