Le microbiome intestinal des femmes atteintes de fibromyalgie est différent

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Le microbiome intestinal des femmes atteintes de fibromyalgie est différent de celui des femmes en santé, confirme une nouvelle étude publiée par des chercheurs espagnols qui pourrait avoir des implications pour d'autres problèmes de douleur chronique.
Les femmes atteintes de fibromylagie, précisent les auteurs, «présentent une flore intestinale moins diversifiée et des profils microbiens différents».
Ces résultats suggèrent que «la flore intestinale pourrait constituer une cible potentielle pour de futures stratégies diagnostiques et thérapeutiques, bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour établir des relations causales», disent les auteurs.
«Lorsque nous examinons la fibromyalgie, nous constatons que, malgré le fait que la plupart des milliers de bactéries qui vivent en nous sont similaires chez les patients atteints de fibromyalgie, une poignée d'entre elles sont différentes», a résumé le docteur Amir Minerbi, un ancien chercheur de l'Université McGill qui dirige aujourd'hui l'Institut de médecine de la douleur du Campus médical Rambam à Haïfa, en Israël.
La fibromyalgie est une maladie chronique qui provoque des douleurs généralisées, de la fatigue, des troubles du sommeil et des problèmes cognitifs en raison d'une sensibilité accrue du système nerveux central à la douleur.
Elle est souvent déclenchée par une blessure, une infection ou un stress. On ne dispose d'aucun moyen de la guérir, mais les symptômes sont habituellement pris en charge par une combinaison d'exercices, de thérapie, de médicaments et de changements de mode de vie.
Des expériences menées par le docteur Minerbi et ses collègues, dont plusieurs sont toujours à McGill, ont révélé l'existence de «deux mécanismes qui permettent aux bactéries présentes dans l'intestin d'influencer la douleur ressentie en dehors de l'intestin».
Dans un premier temps, ces bactéries peuvent activer le système immunitaire et causer une inflammation qui rendra le système nerveux central du patient plus sensible à la douleur. De plus, ces bactéries peuvent produire des métabolites qui entreront dans la circulation sanguine qui influenceront notre réaction à la douleur.
«Certains de ces métabolites ont la capacité de modifier notre sensibilité à la douleur, a expliqué le docteur Minerbi. Certains nous protègent de la douleur. Et lorsqu'ils font défaut, nous sommes plus sensibles à la douleur.»
Des souris en santé à qui on a transplanté la flore intestinale de patients atteints de fibromyalgie ont d'ailleurs développé une douleur chronique, a-t-il ajouté. En revanche, ces souris ont été «guéries» en moins de deux semaines quand on leur a transplanté le microbiome intestinal de sujets en santé.
On s'approche donc très près de pouvoir démontrer que la flore intestinale cause, du moins en partie, la douleur chronique de certains individus, a dit le docteur Minerbi.
«Si ces bactéries peuvent causer des douleurs, elles peuvent peut-être aussi nous aider à traiter la douleur», a-t-il indiqué.
Le docteur Minerbi a mené, à Haïfa, une toute petite étude auprès de quinze femmes atteintes de fibromyalgie à qui on a transplanté la flore intestinale de femmes en santé. Les résultats ont été impressionnants: la douleur ressentie par ces femmes est passée, en moyenne, d'un niveau de 8 à un niveau de 3,5, et, dans certains cas, le soulagement a perduré pendant plusieurs mois.
«Et nous ne disposons actuellement d'aucun autre traitement médical capable d'obtenir des résultats aussi impressionnants, même pas proche», a-t-il souligné.
Ses collègues et lui mènent maintenant une étude randomisée beaucoup plus importante pour mieux comprendre comment on pourrait utiliser «ces bonnes bactéries pour traiter la douleur et d'autres symptômes de la fibromyalgie».
On pourrait par exemple envisager, au lieu de remplacer le microbiome en entier, de viser seulement ces bactéries qui sont sur- ou sous-exprimées, a-t-il dit. Encore mieux, «peut-être qu'on pourrait seulement administrer les métabolites manquants», a ajouté le docteur Minerbi.
Et peut-être qu'on découvrira en cours de route que tout cela s'applique non seulement à la fibromyalgie, mais aussi à d'autres troubles de douleur chronique, a espéré le chercheur.
«Nous avons publié une autre étude en 2025 qui montre que dans une autre affection appelée syndrome douloureux régional complexe, (...) nous observons également des modifications dans la composition du microbiome intestinal, a conclu le docteur Minerbi. Nous essayons donc maintenant d'étudier de manière plus large différentes affections douloureuses et de voir si ce que nous observons est spécifique à la fibromyalgie ou plus général et concerne d'autres affections douloureuses chroniques, car cela pourrait être important pour le traitement et le diagnostic.»
Les conclusions de cette étude ont été publiées par Scientific Reports.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne