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Le lieu de résidence n'est pas ce qui influence le plus le bonheur des aînés

durée 05h00
17 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les préjugés dont sont victimes les personnes âgées sont un obstacle majeur à leur épanouissement, d'autant plus que l'âgisme qu'ils subissent est également internalisé, soulèvent deux nouvelles études sur le vieillissement. On y apprend aussi — contrairement à la croyance populaire — que le lieu de résidence n’est pas le facteur le plus déterminant quant au bonheur des aînés.

L'âgisme est sans doute la forme de discrimination qui est la plus tolérée au Canada, et ça va influencer directement le bonheur des aînés et leur participation sociale, mentionne Mélanie Levasseur, professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.

Elle a mené une étude qui a comparé le bonheur de près de 1000 Québécois autonomes âgés de 75 à 100 ans qui vivent dans des résidences privées pour aînés (RPA) et ce qu'elle appelle des domiciles conventionnels.

La seconde étude dont il est question a été menée par la professeure Martine Lagacé, de la Faculté des Arts de l’Université d’Ottawa, en collaboration avec quatre universités canadiennes. Cette série d'études longitudinales a interrogé plus de 3000 Canadiens âgés de 70 ans et plus.

Un mythe souvent véhiculé est que les personnes âgées veulent absolument vivre à domicile et qu'il n'y a aucune ouverture à la vie en résidence. Or, les résultats de l'étude de Mme Levasseur indiquent que le niveau de bonheur est similaire indépendamment si les aînés vivent en banlieue ou en ville, en domicile conventionnel ou en résidence privée. Leur bonheur est principalement influencé par l'épanouissement, c'est-à-dire le sentiment d'être entendu et de se réaliser.

«Cette étude démontre bien, justement, que l'on peut être heureux, peu importe le milieu de vie. Que ce n'est pas les mêmes facteurs aussi qui influencent le bonheur si on est à domicile versus en résidence pour personnes aînées», commente la professeure Levasseur.

En effet, en RPA, il y a plus de possibilités de socialisation, ce qui contribue de façon importante au bonheur des personnes âgées, alors qu’en domicile conventionnel, l’intégration dans la communauté importe davantage.

On entend souvent que les personnes âgées veulent rester chez elles le plus longtemps possible et certains types de résidence, comme les CHSLD, ont mauvaise presse, en particulier depuis la pandémie de COVID-19.

Bien que l'échantillon de l'étude de l'Université de Sherbrooke ne comprenne pas de personnes vivant en CHSLD, Mme Levasseur est d'accord pour dire que dans «l'esprit des Québécois et des Canadiens vieillissants, il y a une dichotomie entre le domicile conventionnel et tous les autres types de résidences». Plusieurs mettent dans le même panier les RPA et les CHSLD et c'est là qu'il faut faire attention et apporter des nuances. «Il n'y a pas une seule personne aînée, il n'y a pas un seul profil, il n'y a pas un seul milieu de vie non plus», souligne-t-elle.

Il faut par ailleurs impliquer la personne aînée dans le processus décisionnel de changer de milieu de vie, car cela va faire une grande différence pour elle, par rapport à si ce sont d'autres personnes qui prennent la décision à sa place.

L'âgisme fait se sentir plus vieux

Les deux études qui donnent la parole aux personnes âgées — qui ont été financées par la Fondation Luc Maurice — démontrent que l’âgisme affecte négativement les aînés, jusque dans leur perception d’eux-mêmes. Cela réduit leur bonheur et leur qualité de vie.

L'étude canadienne visait à mesurer non seulement à quel point les aînés sentaient qu'ils étaient l'objet de préjugés (par exemple être trop vieux pour apprendre, ne pas être une personne productive), mais aussi s'ils étaient d'accord avec ces préjugés.

«Ce que le modèle montre, c'est que plus je crois que je suis l'objet de préjugés, plus je donne une vérité à ces préjugés, plus ça me fait sentir vieux. Donc, même si j'ai 75 ans, si je suis d'accord avec ces trucs âgistes-là, je me sens comme 80-85 ans. Et le fait de se sentir plus vieux que son âge a aussi un effet négatif sur leur satisfaction de vie, puis sur leur réseau social», explique Mme Lagacé.

En même temps, les résultats préliminaires de la première phase de l'enquête longitudinale montrent qu’en général, les hommes comme les femmes se sentent presque 15 ans plus jeunes que leur âge réel. Autre fait saillant: l’âge moyen où l’on perçoit une personne comme étant une «personne âgée» est de 72 ans, alors qu'il était de 60 ans dans les années 1950.

Les aînés sondés dans l'étude se sont fait demander quel âge ils ressentaient avoir. Tout le monde s'est rajeuni d'une dizaine d'années, souligne Mme Lagacé. «C'est la bonne nouvelle parce que ça vient dire finalement que les aînés, même si on essaye de leur imposer des préjugés, ils luttent contre ça», dit-elle.

«Ceux qui étaient d'accord avec les préjugés âgistes, eux, ça les faisait vieillir. [...] Quand on tient compte de l'effet de l'âgisme, c'est comme si l'âgisme venait contrecarrer l'effet positif de se sentir plus jeune. Ce n'est pas super nouveau cette démonstration, mais ça vient encore une fois cogner sur le clou de l'importance de lutter contre les effets extrêmement coûteux de l'âgisme pour la santé des aînés, pour comment ils se sentent au niveau de leur capacité de participer socialement, leur satisfaction de vie.»

Une formation dans le cours de Culture et citoyenneté québécoise?

Mmes Levasseur et Lagacé ont toutes les deux fait valoir l'importance d'inclure les aînés dans les décisions qui les concernent, notamment au niveau politique, et d'aller au-delà de simples consultations. «C'est extrêmement important si on veut qu'ils regagnent une certaine valeur en lien avec leur rôle dans la société», soutient Mme Levasseur.

«C'est au cœur de ces deux études, renchérit Mme Lagacé. L'idée, c'était d'être avec les aînés, de leur donner une voix. Parce que souvent, on le sait, on va parler pour eux et ils ne seront pas impliqués finalement.»

Une autre recommandation importante pour les chercheuses est de développer des formations pour contrer l’âgisme et de les offrir dans le cursus scolaire des élèves, par exemple dans le nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise. D'autres formations pour contrer l'âgisme devraient aussi s'adresser aux professionnels de la santé qui gravitent autour des personnes âgées.

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne

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