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Le glyphosate affecterait la réponse immunitaire, prévient une étude

durée 06h00
21 mai 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Le glyphosate, l’ingrédient actif d’herbicides tels que le Roundup, affecterait la réponse immunitaire, notamment en perturbant le fonctionnement des cellules immunitaires qui sont les premières à monter au combat, prévient une étude publiée par un chercheur de l'Université Laval.

Si on considérait, lors de sa mise en marché dans les années 1970, que le glyphosate était sans danger pour les humains, de nombreuses études ont depuis remis en question cette supposition et il n'y a en ce moment pas de consensus au sujet des effets de cet herbicide sur la santé humaine.

Le responsable de l’étude, le professeur Martin Pelletier de la faculté de médecine de l’Université Laval, établit une comparaison avec la cigarette.

«Il a quand même fallu beaucoup de temps avant qu'on réalise que la cigarette est nocive pour la santé, a rappelé M. Pelletier, qui est aussi chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.

«Donc avec le glyphosate qui est apparu dans les années 70, et qui est utilisé abondamment présentement, eh bien les conséquences, on va les voir arriver là.»

Le professeur Pelletier et ses collègues se sont plus spécifiquement intéressés aux neutrophiles, les cellules immunitaires qui représentent la première ligne de défense de l'organisme.

Lors d'expériences en laboratoire, les chercheurs ont exposé des neutrophiles à trois concentrations de glyphosate: la concentration moyenne qu'on retrouve dans l'urine de la population adulte, la concentration qu'on retrouve chez les travailleurs agricoles, et une concentration toxique qui pourrait menacer la vie.

Ils ont constaté, dans un premier temps, qu'une exposition au glyphosate provoque chez les neutrophiles une augmentation de la production de dérivés réactifs de l’oxygène. Si cette production fait partie du fonctionnement normal des neutrophiles, une trop grande production pourrait causer des dommages aux tissus sains.

«Ça pourrait contribuer à la destruction de certains tissus ou à l'affaiblissement de certains tissus, a dit M. Pelletier. Ça a été démontré dans le passé que les (dérivés réactifs de l’oxygène) sont très dommageables. Dans une maladie auto-immune comme l'arthrite rhumatoïde, par exemple, ce sont les (dérivés réactifs de l’oxygène) qui vont dégrader le cartilage, ce qui fait en sorte que les os commencent à cogner ensemble.»

Les chercheurs ont aussi noté que l’exposition au glyphosate influençait la production d’interleukine-8, une molécule qui sert à attirer les autres cellules immunitaires vers un site d’infection.

Le niveau d’interleukine-8 est naturellement 50 % plus élevé chez les neutrophiles des femmes que chez ceux des hommes. Mais lors d'une exposition au glyphosate, le niveau d’interleukine-8 des hommes rejoint celui des femmes, ce qui pourrait vouloir dire que le glyphosate est un perturbateur endocrinien.

Il faut se souvenir que les femmes souffrent davantage de maladies auto-immunes que les hommes, a rappelé M. Pelletier, et on ne peut donc pas exclure qu'une exposition au glyphosate vienne augmenter ce risque chez les hommes.

«On s'entend que ça reste encore à démontrer, a-t-il dit, mais il y a des évidences dans la littérature que ça augmente les maladies inflammatoires chroniques. Il y a une association qui a été faite pour l'arthrite, pour l'endométriose chez les femmes.»

Le glyphosate est l’herbicide le plus vendu dans le monde. Entre 1994 et 2014, les quantités utilisées annuellement sont passées de 16 millions de kilogrammes à 79 millions de kilogrammes. Le glyphosate et ses métabolites sont détectables dans 80 % de la population. Ils se retrouvent dans de nombreux organes, dans le sang et dans le lait humain. Le corps élimine ces produits en 48 heures, mais nous en ingérons continuellement par le biais de notre alimentation.

Bien que certaines municipalités commencent à en interdire l'utilisation, on ne peut pas s'attendre à ce que le produit disparaisse du paysage de sitôt. Les consommateurs doivent donc prendre leur sort entre leurs mains, par exemple en recherchant des herbicides sans glyphosate.

«On achète des aliments, on essaie de contrôler notre alimentation, d'avoir des fruits, des légumes, des trucs comme ça, puis souvent on oublie ce qui a permis de produire ces fruits et légumes-là, donc qu'ils ont été exposés à des pesticides, des choses comme ça, a conclu M. Pelletier. Donc pour moi c'est important que le consommateur soit au courant de ce qu'il va ingérer. Il y a une possibilité que dans vos aliments vous ayez du glyphosate, puis ce glyphosate-là va avoir un effet sur vous, et c'est important de le savoir.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue Environmental Research.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne