Le futur port de Contrecoeur est jugé inutile et nuisible par des résidents

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Par La Presse Canadienne, 2025
Des dizaines de résidents de Contrecœur ont manifesté dimanche pour montrer leur opposition au projet d’agrandissement du port de Montréal dans cette ville de la Montérégie.
Ils considèrent que cette idée est néfaste pour la santé et l’environnement tout en étant inutile.
Hélène Reeves, porte-parole du mouvement Vigie citoyenne Port de Contrecœur, estime que c’est une vision économique «assez archaïque, parce qu'on ne peut plus continuer de faire de l'économie qui détruit l'environnement alors qu’on est en pleine crise climatique».
Elle a été outrée d’entendre le premier ministre François Legault dire, lors de l’annonce de l’agrandissement du port de Montréal, que «le fleuve Saint-Laurent est une autoroute qui nous permet de déplacer les marchandises par bateau en émettant moins de gaz à effet de serre par tonne transportée que n’importe quel autre moyen de transport».
«On ne peut pas continuer à traiter le Saint-Laurent comme une autoroute pas assez exploitée. C'est inquiétant de l’entendre dire ça. Le fleuve Saint-Laurent, c'est une réserve d'eau potable, un milieu vivant, un écosystème précieux. On ne peut pas le détruire», insiste Mme Reeves.
Elle dénonce le fait que l’augmentation du trafic maritime dans cette partie du fleuve entraînera «toutes sortes de conséquences très graves qui, malheureusement, n'ont pas été bien évaluées, comme l'érosion des berges qui est dramatique dans le secteur».
Cette citoyenne engagée déplore également «la destruction d'une forêt mature centenaire et de berges exceptionnelles», et ajoute que les répercussions sur la santé et le bruit ainsi que sur la qualité de l’air et de l’eau potable demeurent inconnues à ce jour.
Elle a «le sentiment que les scientifiques n’ont pas été écoutés comme ils auraient dû l’être».
Au moment de l’annonce, en février dernier, François Legault avait déclaré que, «dans le contexte actuel, avec l’incertitude économique engendrée par l’administration Trump, il est plus que jamais nécessaire d’augmenter la capacité de nos ports pour resserrer nos liens avec nos partenaires, en particulier en Europe et en Asie».
Le port de Contrecœur fait aussi partie de la liste des projets d’infrastructure que le premier ministre fédéral Mark Carney espère voir approuvés et réalisés de façon accélérée dans le cadre de la Loi visant à bâtir le Canada.
Ses opposants jugent que ce n’est pas un projet d’intérêt national tel que défini dans les objectifs de la loi C-5 pour accroître l’autonomie canadienne, «car il ne fera qu’accroître la dépendance économique du Canada envers des pays étrangers, tout en ne protégeant pas l’environnement, ce qu’il est tenu de faire».
Mme Reeves réclame que la loi C-5 ne soit pas utilisée «pour contourner l’application des lois environnementales du Canada et du Québec».
Elle trouve que l'Administration portuaire de Montréal (APM) et les deux ordres de gouvernement abusent du prétexte des droits de douane américains pour justifier leur volonté d’aller de l’avant avec ce projet.
«C’est comme si l'on profitait de l’urgence que tout le monde sent parce que Trump a décidé de mettre des tarifs à l’importation, ce qui fait que les manufacturiers se disent qu'ils vont devoir développer de nouveaux marchés, sauf que celui de l'Europe est déjà pas mal saturé», souligne la porte-parole de Vigie citoyenne Port de Contrecœur.
«Il n'y a rien qui dit que, parce que vous voulez développer des marchés autres que celui des États-Unis, vous allez y parvenir, poursuit-elle. Le port va être prêt dans 4-5 ans, alors on sera peut-être dans une situation complètement différente.»
Elle propose plutôt d’en faire un parc national fédéral. «Ce serait beaucoup plus logique étant donné sa proximité avec la réserve faunique des îles de Contrecœur. C’est assez difficile de concevoir comment on peut faire un mégaprojet industriel comme celui-là à côté de la réserve faunique des îles de Contrecœur sans avoir des impacts très graves sur la survie de cette réserve.»
Où est l’urgence?
Mme Reeves croit qu’il n’y a aucune urgence à réaliser le projet, puisque les statistiques de l’APM concernant le volume de conteneurs manipulés au port de Montréal révèlent qu’il était le même en 2024 qu’en 2014.
Elle affirme que le projet ne devrait pas se concrétiser à partir d’«hypothèses formulées par les manufacturiers dans un sondage d’Exportation et développement Canada sur leurs intentions de diversifier leurs marchés» et qu’«il faut des données beaucoup plus probantes pour détruire un environnement aussi exceptionnel sur les berges du Saint-Laurent».
Mme Reeves fait ainsi référence aux résultats d’une récente enquête d’Exportation et développement Canada selon laquelle 71 % des exportateurs envisagent d’étendre leurs activités à de nouveaux marchés au cours des deux prochaines années.
Son groupe demande un moratoire jusqu’à ce que l’Agence d'évaluation d'impact du Canada, un organisme qui relève du ministère fédéral de l’Environnement, dépose son rapport sur l’état de santé du fleuve Saint-Laurent. Le processus est toujours en cours.
Malgré toutes les récriminations de la population, des travaux préparatoires sont déjà amorcés.
L’APM souhaite utiliser le site de Contrecœur pour augmenter de 60 % sa capacité de manutention de conteneurs. On prévoit que jusqu’à 1,5 million de conteneurs par année pourraient transiter par ce futur terminal et que le site pourrait recevoir jusqu'à 1200 camions par jour.
Deux postes à quai, une aire de manutention de conteneurs, une cour ferroviaire intermodale, un portail d’accueil pour les camions et des installations de soutien doivent notamment être construits.
Ces travaux d'expansion impliquent aussi de draguer le fond du fleuve Saint-Laurent dans l'aire de distribution du chevalier cuivré, une espèce de poisson menacée.
Sébastien Auger, La Presse Canadienne