Le Conseil de discipline impose six mois de radiation à Amir Khadir

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — L’ex-député solidaire Amir Khadir devra accrocher son stéthoscope pour une période de six mois.
Le conseil de discipline du Collège des médecins impose au microbiologiste et infectiologue une radiation de six mois pour avoir continué à prescrire des antibiotiques pour une durée de plus de 28 jours malgré un engagement de cesser cette pratique pris auprès du syndic adjoint en 2020.
«Le syndic adjoint (Dr Michel) Joyal a donné la chance au coureur (l’intimé), mais il ne l’a pas saisie», souligne le Conseil de discipline dans sa décision de 41 pages.
Plaidoyer de culpabilité
Amir Khadir ne s’en était pas caché d’ailleurs; il avait plaidé coupable aux 12 chefs de la plainte déposée par un autre syndic adjoint, le docteur Steven Lapointe, au premier jour de l’audience devant le Conseil, le 28 octobre dernier.
Avec la radiation de six mois, le Conseil se trouve à avoir tranché la poire en deux. Le syndic adjoint réclamait une radiation de 12 mois alors que le docteur Khadir avait plaidé pour une radiation d’un mois.
Le syndic adjoint avait déposé en preuve les dossiers de 12 patients ayant reçu une antibiothérapie de plus de 28 jours pour traiter les conséquences de la maladie de Lyme, une approche thérapeutique qui n’est ni approuvée, ni éprouvée par la communauté médicale.
Amir Khadir a mené ces traitements là où il exerce, à la clinique de consultation externe de l’Hôpital Pierre-Le-Gardeur, à Terrebonne, sur la couronne nord de Montréal.
Engagement
L'intervention du docteur Joyal était survenue dans le cadre d’une première enquête disciplinaire et celui-ci avait fait signer en 2020 un engagement au docteur Khadir qui acceptait alors de ne plus procéder à ce traitement. Cette limitation devait prendre fin lorsqu’un protocole de recherche en bonne et due forme sur le traitement par antibiotiques prolongé de la maladie de Lyme chronique serait mis en place ou si ce traitement devait éventuellement être reconnu par la communauté médicale.
Par la suite, Amir Khadir avait bel et bien entrepris des démarches multiples auprès des autorités gouvernementales et universitaires pour fonder un centre, une clinique spécialisée et mettre sur pied un protocole de recherche. La Clinique des maladies à transmission vectorielles avait même vu le jour et le docteur Khadir y consacrait une bonne part de sa pratique.
Cependant, il avait poursuivi sa pratique d’antibiothérapie avant d’avoir obtenu toutes les autorisations requises et en dépit de l’engagement qu’il avait signé de ne plus le faire sans que toutes les conditions requises ne soient remplies.
«Erreur de jugement lamentable»
Le Conseil de discipline souligne que, dans son témoignage, Amir Khadir a reconnu «qu’il est allé trop vite et qu’il a commis 'cette erreur de jugement lamentable' de continuer à prescrire des antibiothérapies de plus de 28 jours».
Le docteur Khadir avait aussi dit «regretter de ne pas avoir été plus sage et de ne pas avoir procédé avec plus de prudence envers ses patients (…) ajoutant qu’il s’en veut et qu’il n’aurait jamais dû violer l’engagement signé en 2020».
150 patients
Un nouveau signalement avait été déposé à son endroit en janvier 2024 par la Direction de l’inspection professionnelle après analyse de celle-ci de trois dossiers montrant qu’il avait à nouveau prescrit des antibiotiques pour plus de 28 jours à ces patients, menant ainsi à une nouvelle enquête du syndic adjoint. Au final, le docteur Khadir avait reconnu avoir prescrit une antibiothérapie prolongée à quelque 150 patients.
Le docteur Steven Lapointe avait choisi 15 dossiers de manière aléatoire pour fins d’analyse, constatant que dans dix d’entre eux, le docteur Khadir avait contrevenu à l’engagement pris auprès du docteur Joyal en 2020.
«Un médecin qui néglige de respecter un engagement souscrit auprès d’un syndic de l’Ordre envoie le message au public que l’une des instances de l’Ordre responsable d’assurer sa protection est incapable de réglementer la pratique de ses membres et de veiller adéquatement à la légitimité des services qu’ils dispensent au public», affirme le Conseil.
«L’intimé a donc rompu ses promesses solennelles souscrites auprès du Bureau du syndic de l’Ordre, lesquelles visaient à protéger le public», poursuit le Conseil.
Risques d'effets secondaires
Celui-ci note qu’Amir Khadir a lui-même témoigné à l’effet que «ces thérapies pourraient toucher le foie ou même engendrer une résistance aux antibiotiques. Les effets secondaires du traitement prodigué par l’intimé sont difficiles à évaluer, car celui-ci demeure non éprouvé par la communauté médicale et scientifique au Québec. Les conséquences possibles du non-respect de l’engagement sur la santé des patients sont hautement significatives et sérieuses.»
Reprenant l’aveu fait au syndic adjoint selon lequel il aurait administré ce traitement à quelque 150 patients, «même si l’on prend la moitié de ce nombre, pour prévoir une marge d’erreur, il demeure alors possible qu’entre 75 et 150 patients aient reçu une prescription d’antibiothérapie de l’intimé alors qu’il lui a été prohibé de le faire. Ce constat augmente la gravité objective de l’infraction commise par l’intimé», note le Conseil.
Amir Khadir exerce la médecine depuis 1997. Il a été élu à l’Assemblée nationale en 2008 sous la bannière de Québec solidaire et a quitté la politique en 2018.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne