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Le Canada réfléchit à quel rôle jouer dans le Gaza d'après-guerre

durée 15h11
5 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Alors que des militaires canadiens sont déjà déployés dans la bande de Gaza pour surveiller le cessez-le-feu, le gouvernement fédéral affirme étudier comment il pourrait au mieux soutenir les Palestiniens du territoire dans l'éventualité où un accord de paix mènerait à l'autonomie.

«Aucune décision n'a encore été prise quant au niveau des ressources ni au type d'aide que nous pourrions fournir», a déclaré Alexandre Lévêque, sous-ministre adjoint à Affaires mondiales Canada, devant le Comité permanent des affaires étrangères de la Chambre des communes mardi.

«Le ministère travaille sur des options à présenter aux ministres et au premier ministre afin de déterminer où nous pouvons être le plus utiles. Nous possédons des domaines d'expertise.»

M. Lévêque a précisé que le Canada a «déployé du personnel civil et militaire» au Centre de coordination civilo-militaire, une installation en Israël où travaillent des représentants des pays qui appuient l'accord de paix négocié le mois dernier par le président américain, Donald Trump. Le Centre, qui regroupe des responsables militaires israéliens et américains, surveille le cessez-le-feu et travaille à sa mise en œuvre dans le cadre des prochaines étapes du plan de paix.

«Nous sommes intégrés, par le biais d'une présence civile et militaire, à cette cellule chargée d'observer et de documenter le déroulement quotidien du cessez-le-feu», a indiqué M. Lévêque.

Alors que le Hamas et l'armée israélienne s'accusent mutuellement de violations du cessez-le-feu, le sous-ministre adjoint à Affaires mondiales Canada a précisé qu'Ottawa restait prudemment optimiste quant à son efficacité.

«Le cessez-le-feu a déjà connu quelques faux départs, mais dans l'ensemble, il tient bon, a-t-il témoigné. Il faudra une attention constante de la part des dirigeants mondiaux afin de maintenir la pression sur toutes les parties et ainsi garantir sa pérennité.»

Avec une mission de l'ONU?

Les pays ayant du personnel au centre de surveillance en Israël souhaitent en faire une force internationale de stabilisation. Washington prévoit de demander à l'Organisation des Nations unies (ONU) de lancer une telle mission, qui pourrait inclure des opérations de maintien de la paix ou un volet désarmement.

M. Lévêque a soutenu qu'il était encourageant que les États-Unis souhaitent que cela se fasse par l'intermédiaire du Conseil de sécurité de l'ONU, car cela renforce le soutien aux institutions multinationales.

Il a ajouté qu'une mission de l'ONU «a beaucoup plus de chances d'obtenir la crédibilité et la légitimité que le monde attend, et augmentera donc également la probabilité de contributions militaires de nature pacifique, ou du moins d'observation».

Le sous-ministre adjoint a expliqué aux députés que le gouvernement fédéral ne savait pas exactement comment il pourrait aider les Palestiniens dans la bande de Gaza, puisque le conflit n'est pas terminé. Il a suggéré que l'expertise du Canada en matière de déminage et de soins médicaux dans les zones de conflit pourrait être utile.

Les pillages et la criminalité dans l'enclave devraient diminuer une fois que d'importantes quantités de nourriture et de médicaments seront de nouveau disponibles, d'après M. Lévêque. Pour l'instant, a-t-il précisé, l'agriculture et l'activité économique sont impossibles dans le territoire palestinien.

Il n'a pas laissé entendre que le Canada déploierait des troupes au sol dans le cadre d'une mission de maintien de la paix de l'ONU, même si le premier ministre Mark Carney n'a pas exclu cette possibilité. M. Carney a participé le mois dernier à un important sommet en Égypte afin de discuter des moyens de concrétiser le plan de paix de Donald Trump.

M. Lévêque a souligné que le Canada participe depuis des années à la formation des forces de sécurité palestiniennes et a indiqué que cette collaboration pourrait être étendue dans le cadre d'un plan de stabilisation.

«Il existe une base solide pour démarrer. Il faudrait l'intensifier (…) afin de former les forces de sécurité palestiniennes, puis de les déployer à Gaza», a-t-il dit. À plus long terme, a-t-il ajouté, le Canada pourrait contribuer à «la consolidation des institutions palestiniennes essentielles, notamment en matière de transparence, d'état de droit et de gouvernance démocratique. Et cela commence par des élections qui devraient avoir lieu dans les prochaines années.»

La députée libérale Anita Vandenbeld a souligné que le Canada avait acquis de l'expérience dans la mise en place d'institutions de gouvernance d'après-guerre au Kosovo et au Timor oriental.

Engagements diplomatiques

Les députés ont demandé à M. Lévêque quelles conditions le Canada avait obtenues de l'Autorité palestinienne en échange de sa reconnaissance d'un État palestinien et l'ont pressé de questions quant à son engagement à tenir des élections l'année prochaine sans la participation du Hamas.

Interrogé par la députée conservatrice Shelby Kramp-Neuman sur la possibilité que le Canada retire sa reconnaissance de l'État palestinien si aucune élection n'avait lieu d'ici 2027, M. Lévêque a affirmé que cette décision était irrévocable.

«Selon ma compréhension du droit et du droit international, une fois qu'un État est reconnu, il ne peut être 'déreconnu'. C’est une mesure, une décision, qui ne se prend qu’une seule fois», a-t-il expliqué.

L’Autorité palestinienne a indiqué à La Presse Canadienne qu’une élection ne pourra avoir lieu qu’une fois que des bureaux de vote pourront ouvrir en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza – ce qui, selon elle, nécessiterait la paix à Gaza pendant au moins douze mois.

La députée conservatrice Tamara Kronis a interpellé les responsables d’Affaires mondiales Canada, leur demandant d’expliquer pourquoi M. Carney avait déclaré que le Canada arrêterait le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’il entrait au pays. M. Nétanyahou fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

Mme Kronis a souligné que la Cour pénale internationale (CPI) ne lance de mandats d’arrêt que lorsqu’un État ne dispose pas d’un système judiciaire fonctionnel. Elle a demandé pourquoi le Canada présumerait que la CPI a compétence sur son territoire alors qu’Israël possède des tribunaux indépendants et des tribunaux militaires.

«Il n’appartient pas à Affaires mondiales Canada d’évaluer la validité du mandat d’arrêt», a répondu Rebecca Netley, conseillère en droit international à Affaires mondiales Canada.

«Je ne dirais pas que la CPI a conclu qu’Israël avait failli en tant qu'État. Je dirais que la CPI a conclu, selon sa propre perspective – celle de la complémentarité qu'elle valorise et interprète – qu'elle n'eût pas constaté de preuves qu'une enquête a été menée.»

Alexandre Lévêque a également indiqué que les sanctions imposées à certains dirigeants israéliens et colons violents en Cisjordanie semblent porter leurs fruits, citant une baisse des appels à l'annexion de terres palestiniennes et une légère diminution des violences.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne

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