Le Canada pourrait jouer un rôle important dans la guerre ou la paix en Ukraine


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le gouvernement canadien surveille de près les tentatives du président américain Donald Trump de jouer les médiateurs dans la guerre en Ukraine.
Le Canada s'est porté volontaire pour contribuer au maintien de la paix en Ukraine, si un accord de cessez-le-feu est conclu entre le président russe Vladimir Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour mettre fin à la guerre déclenchée par Moscou en 2014.
La façon dont la guerre se terminera pourrait avoir des répercussions pendant des décennies.
«Cela a un impact et des ramifications sur la sécurité mondiale et sur la paix dans le monde», a déclaré Marcus Kolga, chercheur principal à l'Institut Macdonald-Laurier.
Voici un aperçu des enjeux pour le Canada et de la manière dont Ottawa pourrait être appelé à apporter son aide.
Quel est l'état des négociations ?
Le 15 août, le président Trump a accueilli Vladimir Poutine à un sommet en Alaska, mettant fin à des années d'isolement occidental de la Russie et de son dirigeant. Quelques jours plus tard, M. Trump a également reçu le président Zelensky et des dirigeants européens à la Maison-Blanche.
L'Ukraine a soutenu avoir besoin de «garanties de sécurité» de la part d'autres pays, afin de garantir que la Russie ne lancera pas une nouvelle invasion. Moscou a quant à lui demandé que l'Ukraine soit exclue de groupes comme l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ou l'Union européenne.
Le Canada participe depuis plus de deux ans aux négociations sur les moyens de parvenir à un accord de paix en Ukraine. Ces pourparlers ont donné naissance, l'automne dernier, à la «Coalition des volontaires», un groupe de pays qui ont proposé de contribuer au financement ou à la dotation en personnel d'une force de maintien de la paix sur le territoire ukrainien.
Outre le Canada, ce groupe comprend la plupart des pays européens, ainsi que le Japon et l'Australie. Le plus haut gradé de l'armée canadienne a également participé aux négociations de l'OTAN pour coordonner d'éventuelles contributions militaires.
M. Trump a déclaré que les États-Unis n'enverraient pas de troupes en Ukraine, mais que le pays pourrait fournir un soutien aérien pour maintenir la paix.
Comment notre soutien se compare-t-il à celui des autres ?
L'Institut Kiel, qui mesure les contributions mondiales à l'Ukraine, classe le Canada au cinquième rang des pays les plus généreux en dollars bruts et au onzième rang en termes de produit intérieur brut.
Les États-Unis sont le principal donateur en dollars bruts, suivis de l'Allemagne, du Royaume-Uni et du Japon. Les Pays-Bas, la plupart des pays scandinaves et les pays baltes sont ceux qui fournissent la plus grande part de soutien, proportionnellement à leur taille économique.
Selon l'outil de suivi, le Canada a engagé plus de 19,7 milliards $ pour soutenir l'Ukraine, tandis qu'Ottawa évalue ce montant à 22 milliards $, incluant l'aide militaire, humanitaire et financière. C'est plus par habitant et en dollars que la France et l'Italie.
Une grande partie du soutien d'Ottawa prend la forme de prêts, qui permettent au gouvernement ukrainien de financer ses opérations et de contracter des dettes.
Le Canada joue un rôle majeur dans les initiatives humanitaires, notamment la réinstallation des enfants ukrainiens enlevés par la Russie, le maintien des services de santé maternelle ainsi que la détection de mines terrestres et le déminage.
Allons-nous envoyer des troupes en Ukraine ?
Le premier ministre Mark Carney n'a pas précisé vendredi comment le Canada pourrait apporter son aide, mais a souligné que l'Ukraine aurait besoin d'un soutien terrestre, aérien et maritime.
«La situation est fluide et délicate, je ne vais donc pas entrer dans les détails», a-t-il dit aux journalistes.
«Toute garantie de sécurité repose sur une armée ukrainienne robuste. Cela implique des armes, de la formation et une viabilité.»
Stephen Saideman, professeur à l'Université Carleton, a déclaré que le Canada était limité dans son soutien militaire. «Nous n'avons pas grand-chose à leur offrir», a-t-il indiqué.
On ignore si des soldats canadiens seront présents sur le terrain en Ukraine, étant donné l'absence de cessez-le-feu et le refus de Vladimir Poutine de déployer des troupes de l'OTAN en Ukraine.
Même si cela était possible, le Canada devrait redéployer des centaines de soldats de la mission de l'OTAN en Lettonie, stationnés près de la frontière russe, afin de dissuader Moscou d'envahir le pays.
«Si l'on veut disposer d'une véritable force de combat, il faudrait essentiellement prendre ce qui se trouve en Lettonie et le transférer en Ukraine, et les Lettons ne seraient pas ravis», a expliqué M. Saideman.
Le Canada dirige une mission de formation pour les troupes ukrainiennes depuis 2015 et pourrait probablement poursuivre cette formation pour l'Ukraine et tout pays envoyant des soldats de la paix.
«En cas de cessez-le-feu, nous pourrons les former en Ukraine. Cela représenterait donc quelques centaines de soldats», a dit le professeur Saideman, ajoutant que certaines forces d'opérations spéciales pourraient également aider l'Ukraine.
Il a précisé que le Canada ne dispose pas de capacités de patrouille aérienne importantes ni de navires capables de sécuriser la mer Noire ou le ciel ukrainien.
Marcus Kolga a ajouté qu'Ottawa pourrait également intensifier ses efforts financiers contre la Russie, par exemple en renforçant les mesures visant à confisquer les avoirs russes dans des banques étrangères afin de financer l'effort de guerre ukrainien, ou en sanctionnant les États qui soutiennent l'économie de guerre russe.
Pourquoi est-il dans notre intérêt d'aider l'Ukraine ?
M. Kolga a déclaré qu'il existe une menace réelle pour l'Arctique canadien si Vladimir Poutine reçoit le message qu'il peut conquérir des territoires et gagner le respect en annexant des terres.
«Il se réarmera. Il reconstituera ses forces, qui sont déjà importantes, a-t-il détaillé. Il pourrait réessayer ailleurs. Tous les signaux sont là.»
M. Kolga a noté que la Russie a rénové ou construit des dizaines de bases militaires dans l'Arctique. Moscou a formulé des «revendications maximalistes» sur les eaux arctiques qui chevauchent des zones revendiquées par Ottawa.
«Nous pouvons freiner tout cela en veillant à ce que l'Ukraine gagne.»
M. Kolga soutient que les pays occidentaux auraient dû accroître leurs armements en Ukraine avec moins de limites plus tôt dans le conflit, afin de vaincre la Russie, au lieu de fournir des «aides au compte-gouttes» qui ont prolongé la guerre.
«Nous ne serions pas dans la situation difficile où nous nous trouvons aujourd'hui», a-t-il soutenu.
Les pays occidentaux ont exprimé leur crainte de provoquer une confrontation directe avec la Russie, qui possède l'arme nucléaire. La Russie a depuis réorienté son économie vers l'armement et le commerce avec des pays qui n'ont pas sanctionné Moscou, comme la Chine, l'Inde et le Brésil.
Une victoire de l'Ukraine «porterait un coup sévère» à Vladimir Poutine et au «néo-impérialisme» russe dans l'Arctique et en Russie, a dit M. Kolga.
Dylan Robertson, La Presse Canadienne