La troisième voie québécoise : entre fédéralisme et souverainisme
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Par La Presse Canadienne, 2024
QUÉBEC — Mario Dumont serait-il le précurseur politique de François Legault ? C’est ce qu’affirment les auteurs du livre «À la conquête du pouvoir», Pascal Mailhot et Éric Montigny. Avec l’Action démocratique du Québec (ADQ), Mario Dumont a défriché le chemin pour une troisième voie au Québec entre fédéralisme et indépendantisme qu’a ensuite emprunté François Legault pour prendre la tête de l’État québécois.
L’ouvrage de 300 pages retrace l’histoire politique du Québec depuis l’échec de l’accord du lac Meech en 1990 pour expliquer les mutations de l'échiquier politique québécois et comment la troisième voie a émergé. Bien que Meech ravivera la flamme indépendantiste qui culminera au deuxième référendum de 1995, il est aussi à l'origine de la création de l’ADQ en 1994 «par un groupe de dissidents nationalistes du Parti libéral du Québec (PLQ), mené par Mario Dumont et Jean Allaire».
Le livre montre aussi comment l’option indépendantiste s’est essoufflée avec la victoire du «Non» au référendum de 1995 et la déclaration malheureuse de l’ancien premier ministre péquiste Jacques Parizeau au sujet «des votes ethniques».
Le résultat du 30 octobre 1995 aura aussi pour effet de propulser la troisième voie, dont l’ADQ a été la première incarnation. La troisième voie «prône une décentralisation des compétences fédérales en même temps qu’une autonomie renforcée de l’État québécois. Elle cherche à traduire la volonté du Québec de se forger une identité politique propre, tout en faisant entendre une voix forte au sein de la fédération canadienne», écrivent les deux auteurs.
Malgré des débuts laborieux, le parti de Mario Dumont parvient à former l’opposition officielle en 2007 avec 41 députés. L'élection suivante, en 2008, sera toutefois un revers important pour le parti qui se retrouve avec seulement sept élus à l’Assemblée nationale. Mario Dumont quitte la direction du parti dans la foulée de cette débâcle.
La CAQ prend le relais
Il faudra attendre l’arrivée de la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault pour voir la troisième voie prendre le pouvoir au Québec. L’ancien ministre de l’Éducation quitte le Parti québécois en 2009. Il ne s’éloignera pas longtemps de la politique puisqu’il fonde la CAQ en 2011.
Les deux auteurs prennent soin de rappeler que la décision de Legault de mettre de côté l’indépendance avec son nouveau parti lui attire des critiques de son ancien camp, notamment du député péquiste de Marie-Victorin, Bernard Drainville et de l’ancien conseiller politique du chef bloquiste Gilles Duceppe, Stéphane Gobeil. Ironie du sort : les deux hommes ont aujourd’hui joint les rangs de la CAQ. Et ils ne seront pas les seuls : bon nombre de péquistes vont se rallier à François Legault.
«Puis l’ADQ fusionnera avec la Coalition avenir Québec de François Legault, qui prendra le relais de cette troisième voie et marquera un changement significatif dans le paysage politique québécois», soutiennent Pascal Mailhot et Éric Montigny dans leur livre.
Et le reste de l’histoire est bien connu : la CAQ remporte un gouvernement majoritaire lors de l’élection de 2018 mettant fin à plusieurs décennies de bipartisme entre le PQ et les libéraux. François Legault obtiendra une majorité encore plus importante en 2022 en faisant élire 90 députés.
«Mario Dumont a ouvert le sentier, créant lui-même le parcours que lui dictait son instinct. Pas à pas, il l’a élargi, semant l’idée d’une option différente dans l’esprit d’un nombre croissant d’électeurs. Suivant la même direction, François Legault a rassemblé autour de lui une équipe de gouvernement et il a bâti un mouvement politique d’envergure», peut-on lire dans l’ouvrage.
Une thèse sous-jacente du livre soutient que la troisième voie, sans être indépendantiste, doit défendre un nationalisme québécois pour avoir du succès politiquement. Les auteurs terminent d'ailleurs leur livre en pointant deux politiques nationalistes de la CAQ : La loi 21 sur la laïcité de l’État et la loi 96 sur le français.
L’ouvrage fait œuvre utile en mettant en lumière un angle d’analyse qui a été peu exploré au Québec. Des entrevues avec plusieurs personnalités politiques – dont les anciens premiers ministres Lucien Bouchard, Bernard Landry et Jean Charest – renforcent la crédibilité de l'exercice.
Mais la troisième voie incarnée aujourd’hui par la CAQ est-elle là pour rester ? «La troisième voie, c'est un mouvement structuré qui va au-delà de la personne de François Legault. L'électorat qui soutient l'ADQ est très semblable à celui qui soutiendra la CAQ par la suite (...) C'est un courant qui va se perpétuer très certainement», assure Pascal Mailhot en entrevue avec La Presse Canadienne.
Pour sa part, Éric Montigny affirme qu’on voit aujourd’hui «une multitude de clivages qui s'entrecroisent et qui favorisent un éclatement de l’électorat et du système partisan. Ça se traduit, malgré le mode de scrutin qui normalement favoriserait plus le bipartisme, par un multipartisme qui est durable».
Les auteurs :
Pascal Mailhot a travaillé au cabinet de Lucien Bouchard et de Bernard Landry avant de se lancer dans l’aventure de la CAQ avec François Legault. Il a été l’un de ses conseillers durant une vingtaine d’années.
Éric Montigny a travaillé au cabinet de Robert Bourassa à l’époque de l’accord du lac Meech. Il quitte le PLQ en 1992 et sera ensuite l’un des membres fondateurs de l’ADQ.
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Pascal Mailhot et Éric Montigny, «À la conquête du pouvoir: Comment une troisième voie politique s’est imposée au Québec», Boréal, 2024, 304 p.
–Le livre sera disponible en librairie le 19 mars.
Thomas Laberge, La Presse Canadienne