La sécurisation culturelle selon Ian Lafrenière continue d'attirer les critiques
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Par La Presse Canadienne, 2023
MONTRÉAL — Le projet de loi sur la sécurisation culturelle que tente d'imposer le ministre Ian Lafrenière, et surtout la manière dont il s'y prend, continuent de soulever l'indignation de plusieurs représentants des Premières Nations.
À l'occasion de la première journée de consultations particulières, mardi, les épithètes «colonialiste», «paternaliste», «irrespectueux» et «insuffisant» ont été mentionnées pour décrire le projet de loi 32 intitulé «Loi instaurant l’approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux».
Cette fois, c'est la directrice générale de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL), Marjolaine Siouï, qui s'en prend au travail du ministre Lafrenière. Elle doit d'ailleurs témoigner devant la Commission des institutions en fin de la journée mercredi.
Pour Mme Siouï, les fondations sur lesquelles repose la version de la sécurisation culturelle proposée par le ministre «sont chambranlantes».
«Il faut qu'on soit capable de prendre le temps de co-développer en s'appuyant sur des principes fondamentaux qui veulent dire quelque chose pour nous», explique-t-elle en faisant référence à la vision bien différente du concept de consultation au sein des communautés autochtones.
«Pour nous, le principe de consultation veut dire retourner auprès de nos populations pour qu'elles puissent nous dire ce qu'elles attendent de la sécurisation culturelle», développe la femme d'origine wendate en entrevue à La Presse Canadienne.
«Ce n'est pas un travail vite fait, c'est un travail qui demande du temps, de la réflexion et c'est par la suite qu'on va bâtir sur une fondation solide», renchérit-elle.
Malgré cette lassitude palpable envers les autorités politiques qui continuent d'imposer des lois en empiétant dans le champ de compétence des nations autochtones, Mme Siouï n'avait pas l'intention de boycotter les consultations publiques.
«Si le Québec décide d'adopter le projet de loi, ça va avoir des impacts, donc on doit quand même aller partager les préoccupations qu'on a sur les limites du projet de loi actuel et sur ce qu'on souhaiterait voir. Sur ce qu'on aurait besoin de voir», partage la DG.
«Il faut répéter et un jour, ça va être compris. Il faut être résilient, il faut croire. Et ça, on en a beaucoup de résilience», ajoute-t-elle en refusant de baisser les bras.
Pour ce qui est du contenu du projet de loi, c'est-à-dire cinq articles étalés sur quatre pages, Marjolaine Siouï ne s'en cache pas, elle s'attendait à beaucoup plus. Elle aimerait notamment que la sécurisation culturelle soit étendue au-delà du domaine de la santé et qu'elle s'applique notamment au domaine du travail.
Dans son projet de loi, le gouvernement ne reconnaît toujours pas l'existence de la discrimination systémique et refuse d'adopter le Principe de Joyce proposé par les Premières Nations. Il se contente de demander aux établissements de santé d'«adopter une approche de sécurisation culturelle envers les Autochtones» en tenant compte «de leurs réalités culturelles et historiques dans toute interaction avec eux».
Très peu contraignant, le projet de loi demande aux établissements de santé d'agir «lorsque possible» en procédant par exemple à l'embauche de personnel autochtone, en offrant des ressources d'accompagnement, en offrant des formations à son personnel ou par «la prise en compte des réalités propres aux femmes et aux filles autochtones».
Des représentants du Bureau du principe de Joyce et de la première nation innue Takuaikan Uashat mak Mani-utenam ainsi que le Dr Stanley Vollant, la Dre Darlene Kitty et l'ancien commissaire Jacques Viens sont aussi attendus devant la commission mercredi.
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Ugo Giguère, La Presse Canadienne