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La nouvelle cuvée de députés indépendants est sereine, mais indécise pour l'avenir

durée 10h11
25 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Avec neuf députés indépendants, on aura rarement vu autant d’élus sans affiliation partisane à l’Assemblée nationale. Si plusieurs d’entre eux se disent sereins et impressionnés par l’étendue de leurs responsabilités, ils reconnaissent que leur force de frappe est limitée, surtout à l’approche des élections de 2026. La Presse Canadienne s’est entretenue avec trois d’entre eux.

«J'ai été surprise par le pouvoir qu'un député indépendant a», confie la députée de Rimouski, Maïté Blanchette Vézina, qui a claqué la porte du caucus caquiste, après avoir été exclue du conseil des ministres.

Même si elle admet que les députés indépendants ont moins de temps de parole, elle souligne qu'ils peuvent avoir un certain pouvoir d'obstruction. Elle peut gérer elle-même ses questions et ses prises de positions, contrairement à avant où c'est le parti qui prenait toute la place.

«Je deviens avec les deux mains sur le volant. Moi, j'apprécie ce rôle-là», a-t-elle soutenu en entrevue après la fin de la session parlementaire, sa première où elle n'est pas députée du gouvernement.

Le député d'Abitibi-Est, Pierre Dufour, qui a été exclu du caucus caquiste après avoir critiqué l'absence d'un ministre de sa région au cabinet, avance même que certains de ses anciens collègues de la Coalition avenir Québec (CAQ) lui ont posé des questions sur le travail de député indépendant.

«Il y a des députés de la CAQ qui s'informent, puis qui essaient de voir s'ils ne seraient pas mieux, justement, dans un rôle de député indépendant», a-t-il relaté.

Quant à lui, il dit qu’il ne se plaisait pas à «faire la fameuse plante verte en commission parlementaire». Selon lui, les députés d’arrière-ban du gouvernement «font office de quorum pour s'assurer de mener les votes au Parlement».

La députée de Laporte, Isabelle Poulet, qui a été exclue du caucus caquiste après avoir vraisemblablement tâté le terrain auprès des libéraux, abonde dans le même sens que ses collègues: «Quand on arrive au gouvernement, tous les discours, tout est comme cuit dans le bec», a-t-elle expliqué au bout du fil.

«C'est moi qui vais décider si je vais être conjointe sur un avis de motion ou si je vais consentir, c'est moi qui décide. Et moi, c'est cet élément-là que je trouve vraiment intéressant.»

Au début du mois, Mme Poulet a déposé un premier projet de loi sur l'accès des organismes ayant des projets d'économie sociale aux subventions de Santé Québec. Et elle promet qu'il y en a aura d'autres.

Des limites au rôle

Tous le reconnaissent, toutefois, leur rôle est limité. «Il y a vraiment une complexité importante du fait qu'on n'est pas dans un groupe parlementaire», a admis Mme Blanchette Vézina, évoquant des problèmes du côté des budgets alloués, et du temps de parole.

M. Dufour souligne aussi que le leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, a peu de chances «d’appeler» le projet de loi – c’est-à-dire qu’il chemine aux différentes étapes à l’Assemblée nationale.

«T’es pas au pouvoir? Bin regarde, dépose-le ton projet de loi, je vais t’écouter, je vais te dire qu’on va faire des consultations, mais je l’appellerai pas», a-t-il illustré.

L'avenir demeure incertain

Si les trois députés interrogés par La Presse Canadienne ont l'intention de terminer leur mandat, la suite demeure incertaine. Ils refusent de rentrer au bercail sous la Coalition avenir Québec de François Legault. Ils ne confirment pas qu’ils seront de nouveau sur les rangs lors des élections de 2026.

Mais ils se disent ouverts à examiner ce que proposent les autres partis. «Moi, je me suis lancée dans le vide, j'attends de voir les portes qui vont s'ouvrir. Il y a une porte qui s'est fermée avec le gouvernement. Mais quand une porte se ferme, il y en a toujours une autre qui se rouvre», a expliqué Isabelle Poulet.

«Moi, ça fait 20 ans que je fais de la politique, 17 au municipal, trois au provincial, et j'adore faire de la politique. Je ne me vois pas faire autre chose que ça», a-t-elle soutenu.

De son côté, Mme Blanchette Vézina s’est rapprochée du Parti conservateur du Québec d'Éric Duhaime; elle prononcera même un discours au congrès du parti en janvier.

«Je sais qu'ils (les conservateurs) auraient la volonté que j'annonce que je vais me lancer avec le Parti conservateur. Mais pour l'instant, je souhaite terminer mon mandat comme indépendante», a-t-elle confié lors d'une entrevue accordée avant l'annonce de son discours.

En entrevue avec La Presse Canadienne lors de cette annonce, elle a réitéré que sa réflexion n’était toujours pas terminée, et qu’elle participerait au congrès pour des visées transpartisanes.

Quant à Pierre Dufour, il avait eu des conversations avec l'ex-chef libéral Pablo Rodriguez, que ce dernier décrivait comme son «ami».

«Ce n'est pas simple. Les gens peuvent penser qu'on peut facilement dire: "Go, on change de famille politique", mais c'est pas simple comme ça.»

Un phénomène rare

Il est très rare que les députés indépendants ont une longue carrière sans se lier à des partis éventuellement. «Dans les élections, on vote pour un représentant d'un parti politique. Il y a très peu d'indépendants, voire pas du tout d'indépendants, c'est très rare», a indiqué le directeur du Département de science politique de l'Université Laval et professeur titulaire Thierry Giasson.

«C'est lié à notre système politique qui est fondé sur la représentation de partis politiques, qui ont les ressources pour organiser les campagnes et les déployer sur le terrain, ce dont la plupart des candidats indépendants ne bénéficient pas», a-t-il expliqué.

M. Giasson affirme que le nombre de députés indépendants est anormalement élevé et il ne croit pas que nous assistions présentement à une érosion des partis politiques.

Mis à part les trois députés mentionnés plus haut, on compte parmi les indépendants les ex-caquistes Youri Chassin, Lionel Carmant et Christian Dubé, les ex-députées libérales Marwah Rizqy et Sona Lakhoyan Olivier, ainsi que l'ex-solidaire Vincent Marissal.

M. Giasson rappelle qu'en 2011, le Parti québécois avait perdu du même coup quatre députés bien en vue qui contestaient le leadership de la cheffe Pauline Marois. «Et ça va avoir secoué de façon importante le leadership de Pauline Marois, mais elle va rester, elle ne s'en ira pas et elle va remporter l'élection qui va suivre», a-t-il relaté.

Il note que les cas où un député indépendant a remporté une circonscription se comptent sur le doigt d'une main, au Québec et au Canada.

Au Québec, l'ex-animateur André Arthur avait réussi ce pari à deux reprises aux élections fédérales, dans Portneuf—Jacques-Cartier. «On est dans le registre de l'hyper exceptionnel», a nuancé M. Giasson.

Vicky Fragasso-Marquis, La Presse Canadienne

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