La ligne grande vitesse Toronto-Québec accueillerait des dizaines de trains par jour

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Un projet de train à grande vitesse entre Toronto et Québec pourrait augmenter considérablement le nombre de trains circulant quotidiennement sur ce corridor, selon des documents internes.
La société d’État responsable du projet estime que 72 trains de voyageurs par jour pourraient traverser la région la plus densément peuplée du Canada si le réseau de 1000 kilomètres proposé est construit. Ce projet de train à grande vitesse réduirait considérablement les temps de trajet actuels et permettrait aux passagers de relier Montréal à Toronto en seulement trois heures.
Des versions préliminaires d’une note technique de 2023, obtenues par La Presse Canadienne grâce à une demande d’accès à l’information, montrent comment la société d’État, maintenant appelée Alto, étudiait les avantages du train à grande vitesse plus d’un an avant l’annonce du projet par le gouvernement.
Un porte-parole d’Alto a confirmé que la société considère toujours que 72 trains par jour constituent une «estimation raisonnable». Benoît Bourdeau a déclaré qu'Alto vise à offrir de 20 à 30 trains par jour dans chaque direction entre Toronto et Montréal, comparativement à environ huit trains par direction actuellement offerts par VIA Rail. Il a précisé que certains de ces trains seront des trains express qui ne desserviront pas toutes les gares.
«La planification actuelle prévoit des départs fréquents, généralement toutes les heures, avec la possibilité d'un départ toutes les 30 minutes aux heures de pointe, selon les itinéraires», a énoncé M. Bourdeau.
Il a toutefois souligné que les chiffres de 2023 sont des hypothèses de travail et non des décisions de service définitives.
VIA Rail indique qu'en moyenne, 39 trains transportent quotidiennement des passagers sur les différents tronçons du corridor Québec-Toronto.
En février, le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, a officiellement dévoilé les plans du réseau ferroviaire à grande vitesse, qu'il a qualifié de plus grand projet d'infrastructure de l'histoire du Canada». Les trains circuleraient à des vitesses allant jusqu'à 300 kilomètres à l'heure sur des voies dédiées, alimentés à l'électricité. Cette annonce marque un tournant par rapport au projet ferroviaire plus modeste que le gouvernement promettait depuis plusieurs années: un réseau à haute fréquence, moins coûteux et à vitesse réduite.
En septembre, le premier ministre Mark Carney a annoncé que le nouveau bureau des grands projets du gouvernement accélérerait les travaux d’ingénierie et de réglementation relatifs à la ligne ferroviaire. Le ministre des Transports, Steven MacKinnon, a annoncé la semaine dernière que le premier tronçon du réseau à grande vitesse reliera Montréal et Ottawa, et que les travaux devraient débuter en 2029.
Alto évalue le coût total du projet entre 60 et 90 milliards de dollars. Le gouvernement n’a pas encore pris de décision définitive concernant le financement de l’ensemble de la ligne.
Dès 2023, la société d’État responsable du projet envisageait déjà de passer d’un réseau à haute fréquence à un réseau à grande vitesse. À l’époque, des inquiétudes commençaient à émerger quant à l’adhésion du public à un système à haute fréquence.
Au Québec, des élus provinciaux et municipaux affirmaient ouvertement préférer un réseau à grande vitesse. Alors connue sous le nom de VIA HFR, la société a réalisé une étude préliminaire d'un système ferroviaire à grande vitesse afin d'estimer les coûts, les temps de trajet, l'achalandage et les revenus.
Un document technique, qui devait être présenté en septembre 2023 au nouveau PDG, Martin Imbleau, comparait le réseau ferroviaire voyageurs actuel de VIA Rail aux options à haute fréquence et à grande vitesse.
Bien que de nombreuses données soient caviardées, Alto a publié des extraits des ébauches du document qui indiquent que 72 trains pourraient circuler quotidiennement sur le corridor Québec-Toronto d'ici 2039.
Ces mêmes documents suggèrent que le projet initial à haute fréquence n'aurait peut-être prévu que 58 trains par jour sur ce corridor d'ici 2045, à des vitesses réduites. Ils précisent également que seuls 24 trains voyageurs circulaient quotidiennement sur les voies existantes à cette époque, même si VIA Rail affirme que ses niveaux de service ont «considérablement évolué» ces dernières années, à la suite des réductions imposées pendant la pandémie de COVID-19.
Une note d'information destinée au cabinet du premier ministre, obtenue grâce à une demande d'accès à l'information distincte, prévoit 26,5 millions de déplacements annuels sur un réseau à grande vitesse d'ici 2059, comparativement à 17,7 millions de déplacements sur un réseau à haute fréquence. Ce chiffre tombe à seulement 6,4 millions de déplacements prévus avec les services actuels de VIA Rail.
Ryan Katz-Rosene, professeur agrégé à l'Université d'Ottawa et spécialiste du transport ferroviaire à grande vitesse, explique qu'Alto mise sur l'attraction de passagers qui, autrement, voyageraient en voiture ou en avion, ainsi que de nouveaux passagers qui, sans cela, ne voyageraient pas du tout.
Mais cette demande induite «est l'une des choses les plus difficiles à évaluer», affirme-t-il.
«Nous n'avons aucune idée du contexte du marché en 2030 et 2035. Nous ignorons également tout de la concurrence, poursuit M. Katz-Rosene. Les gens auront-ils accès à des véhicules autonomes qui leur permettront de simplement monter dans leur voiture à la porte de leur domicile et de se rendre à destination?»
Cependant, Terry Johnson, président de Transport Action Canada, un groupe de défense des intérêts des transports, a déclaré qu'il existe une «demande considérable inexploitée» pour une ligne ferroviaire qui pourrait, par exemple, permettre aux Torontois de prendre le train pour Québec le temps d'un long week-end.
«Les possibilités que cela ouvrira seront tout simplement stupéfiantes», a-t-il affirmé.
Maura Forrest, La Presse Canadienne