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La fumée représente un défi pour les producteurs alimentaires canadiens

durée 15h13
15 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

La fumée qui envahit régulièrement le ciel canadien pendant l’été représente un défi supplémentaire pour les producteurs agricoles qui doivent déjà faire face à une sécheresse chronique dans certaines régions et à un excès d’humidité dans d’autres.

Lundi et mardi, une épaisse brume sèche a recouvert une grande partie des Prairies, du centre et de l'est du Canada, alors que des feux de forêt faisaient rage dans le nord de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Ontario.

Environnement Canada a émis des avertissements sur la qualité de l’air, conseillant aux gens de rester à l’intérieur, ce qui n’est pas une option pour ceux qui cultivent les aliments dont dépendent les Canadiens.

Quant à l’impact de la fumée sur les cultures, la situation est complexe, affirme Ashley Ammeter, spécialiste de l’agriculture à la Manitoba Crop Alliance.

«L’un des grands défis avec lesquels nous sommes aux prises est que, même si certains de ces feux de forêt deviennent plus fréquents, ils restent relativement imprévisibles, ce qui rend difficile l’étude adéquate de leurs effets», ajoute-t-elle.

La brume sèche peut refléter et interférer avec la lumière du soleil, ce qui pourrait perturber la photosynthèse. L’impact sur les rendements dépend du type de culture — le soja s’en sortirait probablement mieux que le maïs — et du moment des journées enfumées, explique Mme Ammeter.

L’ozone produit lorsque la lumière du soleil est exposée aux polluants contenus dans la fumée peut également endommager les tissus végétaux et les feuilles, réduisant potentiellement les rendements.

À l’inverse, la fumée peut disperser la lumière du soleil de manière à ce qu’elle pénètre mieux la canopée d’une culture haute, comme le maïs. Elle peut également réduire les températures, un avantage ou un inconvénient, selon que les conditions météorologiques récentes ont été chaudes ou fraîches.

D’une manière ou d’une autre, le producteur ne peut pas faire grand-chose.

«Comme pour beaucoup de choses en matière de météo et d’agriculture, on est très à la merci des événements. En gros, il faut simplement s’y faire», constate Mme Ammeter.

Dans l’ensemble, l’impact de la fumée est considéré comme relativement mineur, ajoute-t-elle. La sécheresse — un enjeu majeur ces dernières années dans les Prairies — et l’excès d’humidité sont bien plus problématiques.

Des abeilles apathiques

Paul Gregory, de l’entreprise Interlake Honey Producers, située à environ 150 kilomètres au nord de Winnipeg, affirme que la fumée des feux de forêt est une mauvaise nouvelle pour tous les apiculteurs.

Les insectes ont évolué pour réagir en cas de fumée, explique M. Gregory, qui est également vice-président de l’Association des apiculteurs du Manitoba.

«Ils deviennent dociles, mais ils cessent de butiner. Et lorsqu’ils cessent de butiner, bien sûr, il n’y a plus de nectar qui arrive», dit-il.

« Ils se contentent donc de rester dans les parages. Ils ne font pas grand-chose, car ils se disent: “Hé, on va peut-être devoir quitter la maison à cause d’un feu de forêt imminent.” Cela a donc un impact sur notre production de miel.»

M. Gregory précise qu’il prévoit une baisse de 30 à 40 % de la production de miel d’une année sur l’autre.

La fumée aggrave les problèmes existants liés à la sécheresse.

«Les années sèches, la production de nectar est nettement moindre, précise-t-il. Nous avons quand même une récolte, car les fleurs fleurissent, mais si la culture est soumise à un stress, la floraison sera plus courte.»

Quant à la protection de la santé des travailleurs de l’exploitation apicole — principalement des ouvriers du Nicaragua —, M. Gregory ne peut que raccourcir les journées de travail lorsque la qualité de l’air est mauvaise.

Du bétail affecté

Les mêmes symptômes que les humains ressentent souvent les jours de fumée — yeux irrités, gorge irritée ou difficultés respiratoires — peuvent également affecter les animaux d’élevage, selon la Dr Leigh Rosengren, vétérinaire en chef à l’Association canadienne des bovins.

«Mais, bien sûr, nous n’avons pas la possibilité de mettre le bétail à l’abri ou d’évacuer facilement les zones touchées. Nous les surveillons donc de près et les examinons attentivement afin de détecter tout problème respiratoire ou toute irritation des yeux ou du nez, c’est-à-dire des voies respiratoires», ajoute-t-elle.

Tout signe évident de difficulté chez un animal justifie une visite chez le vétérinaire, signale la Dr Rosengren. Sinon, les producteurs peuvent s’assurer que le bétail dispose d’une eau propre et sans cendres, qu’il reçoit une alimentation qui renforce son système immunitaire et qu’il ne subit pas de stress excessif dû à des manipulations, des interactions et des déplacements trop fréquents.

Le Dr Guillaume Lhermie, vétérinaire et enseignant en économie de la santé animale à l’Université de Calgary, explique qu’il est souvent difficile de déterminer si un animal est malade, mais que les agriculteurs peuvent être attentifs à un essoufflement ou à des difficultés de déplacement. Si les symptômes sont graves, un traitement anti-inflammatoire peut être nécessaire.

«La prévention est en réalité assez difficile», affirme-t-il.

D’un point de vue commercial, la perspective qu’un incendie de forêt s’approche d’une ferme ou d’un ranch est beaucoup plus perturbatrice, car il n’est pas facile de rassembler des milliers de bovins et de les mettre rapidement en sécurité, convient le Dr Lhermie.

Un autre défi est la combustion de l’herbe.

«Cela signifie que vous pourriez avoir des difficultés à trouver de nouveaux pâturages et de nouvelles sources d’alimentation pour le mois prochain, ce qui représente également une perturbation majeure pour l’économie agricole», ajoute le Dr Lhermie.

M. Gregory, l’apiculteur manitobain, souligne que ce qu’il constate dans son entreprise lui fait prendre conscience que les effets du changement climatique sont désormais bien réels.

«C’est très triste d’observer que c’est le climat que nous léguons à nos petits-enfants et à nos enfants», conclut-il.

Lauren Krugel, La Presse Canadienne

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