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La fermeture par le fédéral d'une interface de soutien en santé mentale dénoncée

durée 19h04
3 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

Les experts en santé mentale et en toxicomanie critiquent la décision du gouvernement fédéral de fermer un service en ligne qui, au cours des quatre dernières années, permettait aux gens de trouver gratuitement des conseils et un soutien par des professionnels.

Santé Canada a annoncé en février qu'il cesserait de financer le site internet Espace Mieux-Être Canada et l'application Mieux-Être à compter du 3 avril.

Malgré un appel public d'un regroupement de 18 organismes de santé mentale et de toxicomanie pour que le gouvernement reconsidère sa décision, le service se termine à 23 h 59, heure avancée de l'Est, mercredi.

«Nous savons que des dizaines et des milliers, voire des millions, de Canadiens ont besoin d'un soutien en matière de santé mentale et de toxicomanie. Et cela n'a fait qu'empirer à cause de la pandémie», a déclaré Sarah Kennell, directrice nationale des politiques publiques pour l'Association canadienne pour la santé mentale — qui est l'un des membres du regroupement — dans une entrevue.

L'insécurité économique et l'anxiété face à des problèmes tels que le changement climatique sont également des facteurs de détresse mentale et les gens ont plus que jamais besoin d'un accès gratuit à l'aide, a déclaré Mme Kennell.

«Le coût est l'un des principaux obstacles cités par les gens lorsqu'ils expliquent pourquoi ils ne peuvent pas obtenir les soins dont ils ont besoin», a-t-elle fait remarquer.

Le conseil, la psychothérapie et le traitement des dépendances sont généralement privés, ce qui signifie que les gens doivent payer de leur poche ou avoir une assurance privée, qui ne couvre souvent qu'un montant limité de soins, a-t-elle expliqué.

«C'est là que Espace Mieux-Être a vraiment comblé le vide. C'est gratuit. C'est disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, et pour toute personne dans le pays qui cherche de l'aide», a soutenu Mme Kennell.

Des doutes sur la prise de relais

Santé Canada a lancé le programme le 15 avril 2020 en réponse aux conséquences néfastes de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale de la population. Le site web et l’application mettaient les gens en contact avec des professionnels, des travailleurs sociaux et des psychologues pour des soins virtuels, des sessions de "chat" et des appels téléphoniques. Le service a également fourni des informations et des ressources sur la santé mentale et la consommation de substances.

Plusieurs agences de santé mentale, dont Jeunesse, j'écoute, Homewood santé et Stepped Care Solutions, ont été engagées par le gouvernement par l'intermédiaire d'Espace Mieux-Être Canada pour fournir ces conseils et ce soutien.

Mais maintenant que la «partie urgente» de la pandémie est terminée, il est temps que cette mesure «extraordinaire» prenne fin et que les provinces et territoires prennent le relais, selon le cabinet de Ya'ara Saks, ministre de la Santé mentale et des Dépendances.

«Les provinces et les territoires sont les mieux placés pour répondre aux besoins de leurs communautés en matière de santé mentale et de toxicomanie en intégrant ces services dans l'ensemble de leur système de soins», indique le cabinet dans un communiqué, soulignant que la santé mentale est l'une des «priorités partagées» des récents accords de financement bilatéraux.

Mais il n'y a «aucune preuve» que les provinces et les territoires prennent des mesures pour remplacer les services gratuits et accessibles fournis par le programme, a fait valoir Anthony Esposti, PDG de CAPSA, une organisation qui lutte contre la stigmatisation en lien avec les troubles liés à l'usage de substances, offre un soutien par des professionnels et est un autre membre du regroupement.

«Souvent, les fonds consacrés à la santé mentale et à la toxicomanie (qui) sont transférés aux provinces sont absorbés par le système de santé physique», a noté M. Esposti.

CAPSA a pu augmenter ses séances de soutien de groupe en ligne de deux à 12 par semaine grâce au financement d'Espace Mieux-Être Canada, a-t-il plaidé.

«J'ai reçu de nombreuses lettres de personnes qui utilisent le service (disant) que, vous savez, supprimer ce service est plus que malheureux. C'est dangereux», a déclaré M. Esposti.

Depuis février, lorsque CAPSA a appris que le programme Espace Mieux-Être Canada prenait fin, l'organisation s'est efforcée de trouver d'autres sources de financement. Même s'ils ne pourront pas maintenir 12 séances par semaine, ils pourront en gérer sept, a affirmé le PDG.

En plus du volet financier, Espace Mieux-Être Canada a fourni un «guichet unique» vers lequel les personnes ayant besoin de soutien en matière de santé mentale peuvent se tourner, peu importe où elles vivent au Canada, a ajouté M. Esposti.

C'est «très précieux pour les personnes» en détresse qui tentent de naviguer dans ce qui est par ailleurs «un système très déroutant et fracturé», a-t-il précisé.

Plus de quatre millions de personnes ont utilisé Espace Mieux-Être depuis son lancement, selon les informations publiées sur le site.

La perte du site est «profondément préoccupante», a signifié mercredi le député néo-démocrate Gord Johns dans un courriel adressé à La Presse Canadienne.

«Les Canadiens ont besoin de plus de soutien en matière de santé mentale, pas de moins, et les libéraux doivent dire aux gens quelles mesures de soutien en santé mentale accessibles et gratuites remplaceront Mieux-Être et Espace Mieux-Être», a déclaré M. Johns, porte-parole du NPD en matière de santé mentale et de réduction des méfaits.

Quiconque visite la page web de Espace Mieux-Être Canada après sa fermeture «trouvera des liens vers des ressources clés en matière de santé mentale qui ont été consultées via le portail d'Espace Mieux-Être, comme Jeunesse, j'écoute, qui continuera d'être disponible», indique le communiqué de la ministre de la Santé mentale et des Dépendances.

«Les Canadiens pourront accéder à d'autres informations clés sur des ressources, des soutiens et des services en santé mentale, comme ceux qui sont offerts dans leur province ou territoire de résidence, en visitant le site www.canada.ca/santé-mentale», indique aussi le communiqué.

Mais ce site exige que les utilisateurs passent par plusieurs étapes dans leur recherche – un obstacle que Mme Kennell considère comme inacceptable.

«Franchement, je pense qu'il est honteux que nous dirigions les gens vers canada.ca/santé mentale. Je pense que c'est terriblement inadéquat, a-t-elle martelé. Leur dire d'aller sur un site web gouvernemental où ils doivent ensuite creuser trois ou quatre niveaux pour peut-être trouver quelque chose qui pourrait être gratuit, je pense que c'est juste une démonstration que nous n'en faisons pas assez pour répondre aux besoins. Nous laissons vraiment tomber les Canadiens.»

Où obtenir de l'aide

Si vous ou quelqu'un que vous connaissez pensez au suicide, appelez ou envoyez un SMS au 988. L'aide est disponible 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Jeunesse, j'écoute continue de fournir une assistance et des ressources gratuites 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Téléphonez au 1-800-668-6868. Les enfants et les jeunes peuvent envoyer un SMS au 686868 et les adultes peuvent envoyer un SMS au 741741.

La Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être est disponible 24 heures sur 24, sept jours sur sept pour les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, au 1 855 242-3310 ou par clavardage en ligne à www.espoirpourlemieuxetre.ca.

L'Association canadienne pour la santé mentale offre un programme de coaching gratuit appelé Retrouver son entrain pour aider les jeunes et les adultes de 15 ans et plus à gérer la mauvaise humeur, la dépression légère à modérée, l'anxiété, le stress ou l'inquiétude. Visitez retrouversonentrainqc.ca.

D’autres endroits où obtenir de l’aide sont répertoriés sur www.canada.ca/sante-mentale.

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La couverture santé de La Presse Canadienne reçoit le soutien d'un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu.

Nicole Ireland, La Presse Canadienne