La Défense nationale utilise les services infonuagiques américains

OTTAWA — Ottawa a dépensé près de 1,3 milliard $ en services infonuagiques fournis par des entreprises américaines, la majeure partie de ces fonds étant destinée à Microsoft, selon des documents récemment publiés. Ces services sont notamment utilisés pour des applications de défense dites «essentielles à la mission».

L'information a été communiquée dans une réponse du gouvernement à une question posée par le député conservateur Todd Doherty. Il a demandé aux ministères et organismes gouvernementaux combien ils avaient dépensé depuis 2021 en services infonuagiques fournis par Amazon, Microsoft et Google, et d'identifier lesquels de ces services infonuagiques couvrent des fonctions gouvernementales essentielles.

«Amazon Web Services héberge plusieurs applications essentielles à la mission qui soutiennent directement la préparation opérationnelle et la sécurité nationale», a indiqué la réponse du ministère de la Défense nationale.

Ces applications comprennent des systèmes utilisés par l'Aviation royale canadienne pour «la coordination et la maintenance des aéronefs, ainsi que des outils de connaissance de la situation utilisés par l'Armée canadienne», a précisé le ministère.

Il a ajouté que ces capacités sont «essentielles aux opérations nationales, comme les interventions d'urgence, et aux engagements internationaux».

La Défense nationale a dépensé 4,57 millions $ pour Amazon Web Services, 8 millions $ pour les services de Microsoft et 835 691 $ pour les services de Google.

Google Cloud «fournit des services d'intelligence artificielle avancés qui améliorent les capacités opérationnelles de diverses fonctions de défense», notamment le traitement linguistique en temps réel, tandis que Microsoft Azure prend en charge la plateforme de solde militaire et «héberge les outils de planification opérationnelle utilisés par l'Armée canadienne pour gérer les activités quotidiennes et les initiatives stratégiques à long terme».

Les réponses du gouvernement incluses dans le document, déposé à la Chambre des communes cette semaine, donnent un aperçu de l'ampleur de l'utilisation des services infonuagiques fournis par des entreprises américaines par le gouvernement fédéral.

Le premier ministre Mark Carney a évoqué l'idée de créer un «nuage souverain» au Canada. Il a déclaré la semaine dernière qu'un tel projet permettrait de «renforcer la capacité de calcul et les centres de données dont nous avons besoin pour soutenir la compétitivité du Canada, protéger notre sécurité et renforcer notre indépendance et notre souveraineté».

Un nuage souverain est un environnement informatique que les entreprises utilisent pour exécuter des services qui peuvent être configurés pour se conformer aux lois ou aux valeurs fondamentales d'un pays donné.

Guillaume Beaumier, professeur adjoint de science politique et d'études internationales à l'École nationale d'administration publique du Québec, a déclaré à La Presse Canadienne lors d'une précédente entrevue qu'avec un nuage souverain, les entreprises peuvent s'assurer que les données et l'infrastructure sur lesquelles leurs services fonctionnent sont confinées à leur propre pays, sans accès extérieur pour d'autres nations.

Des entreprises comme Amazon et Microsoft ont commencé à développer des nuages souverains, mais ceux-ci sont soumis au droit américain, selon M. Beaumier.

Le Cloud Act permet au gouvernement américain de demander aux entreprises américaines ayant des bureaux ou des infrastructures à l'étranger de leur transmettre les données qu'elles détiennent à l'étranger si cela est nécessaire aux fins d'application de la loi.

Cela signifie que les données canadiennes pourraient être menacées, surtout maintenant que le Canada est engagé dans une guerre commerciale avec les États-Unis, et le développement d'un nuage souverain viserait à éviter ce risque, d'après M. Beaumier.

Plus d'un milliard de dollars des dépenses totales du gouvernement en services infonuagiques ont été consacrés à Microsoft. Le gouvernement a dépensé 247,4 millions $ pour les services d'Amazon, la grande majorité étant destinée à Amazon Web Services, et environ 22 millions $ pour les services de Google.

— Avec des informations de Tara Deschamps

Anja Karadeglija, La Presse Canadienne