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La Cour suprême conclut que l'adresse IP doit être protégée contre la fouille abusive

durée 13h09
1 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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2 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — La Cour suprême du Canada affirme que la police a besoin d'une autorisation judiciaire pour obtenir l'adresse IP d'un ordinateur, car ce numéro d'identification constitue un «lien crucial entre un internaute et son activité en ligne», et qu'il s'agit d'une fouille.

Le plus haut tribunal du pays a rendu vendredi une décision très partagée, à cinq contre quatre, dans une affaire qui avait débuté en 2017, lorsque la police de Calgary enquêtait sur des transactions frauduleuses en ligne dans un magasin d'alcool.

La société tierce de traitement des paiements du magasin de vins et spiritueux avait remis de façon volontaire à la police deux adresses IP – les «identifiants numériques» attribués par un fournisseur de services Internet.

La police a ensuite obtenu une ordonnance judiciaire obligeant le fournisseur de services Internet à divulguer le nom et l'adresse des clients liés à ces adresses IP.

La police a enfin obtenu des mandats pour perquisitionner deux résidences, ce qui a conduit à l'arrestation d'Andrei Bykovets, qui a été par la suite reconnu coupable de plusieurs chefs d'accusation.

La juge de première instance avait rejeté l'argument selon lequel la demande de la police visant à obtenir les adresses IP violait la garantie de la Charte canadienne des droits et libertés contre «les perquisitions et saisies abusives». Elle a conclu qu’un internaute n’avait pas d’«attente raisonnable au respect de sa vie privée» à l’égard de son adresse IP.

La Cour d'appel de l'Alberta a confirmé cette décision, mais à deux juges contre une, ce qui a incité M. Bykovets à porter sa cause devant le plus haut tribunal du pays.

La Cour suprême, dans son arrêt majoritaire, a accueilli l’appel de M. Bykovets, annulé les déclarations de culpabilité et ordonné la tenue d’un nouveau procès.

La juge Andromache Karakatsanis, qui a rédigé l'arrêt majoritaire, explique que l'adresse IP est «la clé donnant accès à l’activité Internet d’un utilisateur et, ultimement, à son identité». Cette adresse «suscite donc une attente raisonnable au respect de la vie privée» et «une demande d’adresse IP faite par l’État constitue une fouille» au sens de la Charte.

Les adresses IP ne sont pas de simples chiffres dénués de sens, écrit-elle. En tant que lien qui relie l'activité Internet à un emplacement spécifique, elles peuvent trahir des informations profondément personnelles, y compris l'identité de l'utilisateur de l'appareil, sans jamais déclencher l'exigence d'un mandat de perquisition.

La juge Karakatsanis conclut donc que si la disposition de la Charte interdisant les fouilles abusives «doit protéger de manière significative la vie privée en ligne des Canadiens et des Canadiennes dans le monde actuel qui est très largement numérique», elle doit aussi protéger leurs adresses IP.

Jim Bronskill, La Presse Canadienne