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La Cour refuse d'entériner une interprétation commune de Québec et des spécialistes

durée 18h10
11 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Le juge Pierre Nollet, de la Cour supérieure, ferme la porte de la voie de sortie qu’espéraient emprunter les médecins spécialistes et le gouvernement du Québec dans le litige qui les oppose entourant la loi 2 du ministre de la Santé, Christian Dubé.

La semaine dernière, après avoir pris connaissance de l’interprétation que donnait le Procureur général du Québec (PGQ) à certains articles de la loi 2, les avocats de la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) disaient vouloir se ranger derrière cette interprétation et tant la FMSQ que le PGQ avaient demandé au juge Nollet de la confirmer par un jugement déclaratoire.

Cette demande avait eu pour effet de mettre sur la glace la demande de sursis provisoire de la FMSQ, une mesure d’urgence visant à suspendre les articles prévoyant de lourdes peines pour les médecins qui auraient décidé de démissionner, de prendre leur retraite ou de déménager hors du Québec.

Mais le PGQ avait proposé une interprétation selon laquelle des sanctions n’auraient pu être appliquées que dans le cas où les médecins agissaient de manière concertée expressément dans le but de nuire au système de santé, à la prestation de soins ou à l’accès aux soins.

Cette interprétation avait rassuré la FMSQ et elle se disait prête, si le juge Nollet l’entérinait, à retirer sa demande de sursis provisoire et d’attendre le débat sur le fond qui, lui, doit éventuellement se tenir dans le cadre d’une demande de sursis interlocutoire.

Rien de plus qu'une opinion

Mais le juge Nollet a refusé de trancher. «L’interprétation demandée au Tribunal n’aurait que l’effet d’une opinion», écrit-il dans sa décision d’une douzaine de pages rendue mardi. «La décision du Tribunal n’aurait pas l’autorité de la chose jugée pour toute procédure engagée par le Directeur des poursuites criminelles et pénales contre un médecin ou groupement de médecins, les parties n’étant pas les mêmes», explique-t-il, laissant ainsi entendre que le DPCP pourrait poursuivre sans tenir compte de sa décision.

Le juge Nollet ne blâme pas les deux parties d’avoir cherché à en venir à une telle entente, bien au contraire. «L’idée est astucieuse et amènerait sûrement un peu de sérénité dans le débat actuel», écrit-il. Mais là n’est pas la question, ajoute-t-il: «Malheureusement, les demandes pour trancher un point de droit obéissent à certaines règles qui ne sont pas rencontrées. Elles doivent viser un objectif que le Tribunal ne croit pas atteint ici.»

Risque d'une «nouvelle controverse»

Il explique qu’«un tel jugement ne sera pas indiqué s’il ne met pas fin à l’incertitude ou à la controverse qui a donné lieu à la demande, s’il risque d’engendrer une nouvelle controverse sur sa mise à exécution ou encore si par sa demande une partie cherche à obtenir une opinion juridique du tribunal.» En d’autres termes, sa décision, même si elle allait dans le sens demandé par les deux parties, ne serait pas à l’abri d’une contestation. Pourquoi? Parce que la loi 2, dans son libellé, est imprécise: «Si la loi demeure imprécise sur certains aspects, la Cour ne peut être appelée à réécrire ou compléter la loi.»

«Les réponses aux interprétations soumises ne résoudront pas définitivement le litige sur ces points, risquent de donner lieu à de nouveaux débats, en particulier si le Tribunal devait adopter une interprétation différente de celles proposées par les parties», tranche-t-il.

Les médecins spécialistes se sont adressés au tribunal pour qu’il suspende temporairement l’application d’éventuelles pénalités. Ils estiment que plusieurs provisions de la loi 2 portent atteinte à leurs droits protégés par les Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, en l’occurrence le droit d’association et la liberté d’expression, notamment.

La suite reste en suspens

Bien que la FMSQ se disait prête à retirer sa demande de sursis provisoire si le juge se prononçait en faveur de l’interprétation offerte par le PGQ, elle n’avait cependant aucune intention de cesser sa bataille juridique sur le fond du dossier, elle qui conteste toujours la constitutionnalité de la loi 2.

La FMSQ pourrait donc revenir à la charge avec sa demande de sursis provisoire visant à suspendre d’urgence les articles qui font craindre le pire en attendant que le litige soit entendu sur le fond.

Dans un courriel envoyé à La Presse Canadienne, la FMSQ prend acte du refus du magistrat de se prononcer. «Ce risque était connu, mais le résultat n’est pas celui souhaité, puisqu’il apparaissait important d’obtenir une clarification rapide sur la portée réelle de certains articles de cette loi.»

La décision d'aller de l'avant ou non avec la demande de sursis provisoire n'est cependant pas encore prise, mais la Fédération assure qu'elle sera là pour le débat sur le fond de la question. «Les procureurs de la FMSQ poursuivent leur analyse de la décision et formuleront sous peu une recommandation quant à la suite du dossier. La Fédération demeure déterminée à contester sur le fond la loi 2, incluant ses dispositions qui portent atteinte aux droits et libertés de ses membres.»

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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