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La consommation d'AUT augmenterait le risque de cancer colorectal

durée 12h31
12 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Une consommation importante d'aliments ultratransformés semble augmenter le risque de formation de polypes qui pourraient se transformer en cancer colorectal, prévient une vaste étude américaine.

Plus précisément, les femmes de moins de 50 ans qui consommaient le plus d'AUT présentaient un risque 45 % plus élevé de voir ces polypes précancéreux se former dans leur colon.

«C'est quand même nouveau, toute cette association entre les aliments ultratransformés et le risque de cancer colorectal», a dit le docteur Roy Hajjar, qui est chirurgien colorectal au Centre hospitalier de l'Université de Montréal.

«Il y a eu quelques petits articles qui décrivaient une association potentielle, (...) et maintenant on fait face à cette publication américaine, avec une population significative de plusieurs milliers de femmes, qui corrobore un peu ces trouvailles.»

L'étude menée par des chercheurs de l'Institut du cancer Mass General Brigham de Boston a porté sur plus de 29 000 infirmières qui participent à la gigantesque Nurses' Health Study II et qui ont subi au moins deux colonoscopies avant l'âge de 50 ans. Des polypes précancéreux ont été détectés chez environ 2800 d'entre elles lors de ce dépistage.

Les participantes à la Nurses' Health Study II ont aussi rempli un questionnaire concernant leur alimentation tous les quatre ans, ce qui a permis aux auteurs de la nouvelle étude d'évaluer leur consommation d'aliments ultratransformés.

Les infirmières consommaient, en moyenne, 5,7 portions d'AUT par jour, soit environ le tiers de leurs calories quotidiennes. Celles qui en consommaient le plus, en moyenne dix portions par jour, augmentaient de 45 % leur risque de polypes précancéreux, comparativement à celles qui consommaient trois portions par jour.

L'association entre la consommation d'AUT et le risque de polypes se maintenait même en tenant compte de facteurs comme l'indice de masse corporelle des participantes, le diabète de type 2 ou la consommation de fibres.

Cette étude, a dit le docteur Hajjar, a ceci de différent qu'elle ne se limite pas aux aliments qu'on pense être impliqués dans le cancer colorectal, comme les viandes rouges, les viandes transformées ou encore l'alcool.

«On s'étend à pas mal d'autres aliments ultratransformés, on parle même de céréales ou de collations ultratransformées, a-t-il ajouté. Et ça, c'est inquiétant et c'est nouveau parce qu'une bonne partie de ces aliments-là contient aussi des fibres, et on sait que les fibres en général sont protectrices contre le cancer colorectal, donc ça vient compliquer encore la question un peu plus.»

On constate depuis quelques années une incidence de plus en plus élevée de différents types de cancers chez des populations de plus en plus jeunes, un phénomène qui reste encore mystérieux.

Les aliments ultratransformés pourraient être en cause dans le cas du cancer colorectal.

«Les mécanismes liés aux AUT, notamment la perturbation du microbiome, la signalisation pro-inflammatoire et les génotoxines liées à l'alimentation, peuvent être associés à des processus plus fréquents chez les patients plus jeunes», soulignent ainsi les auteurs de la nouvelle étude.

Il faut se poser la question en termes «d'exposition environnementale», a renchéri le docteur Hajjar, pour essayer de comprendre «ce qui a changé depuis 30, 40 ou 50 ans pour expliquer cette augmentation des cancers».

«Ça commence à être inquiétant, a-t-il admis. Au niveau de la pratique clinique, il y a plus de patients de moins de 50 ans à qui on diagnostique un cancer (colorectal), mais malheureusement, les mesures de dépistage ne sont pas offertes à des individus de 20 ou 30 ans.»

Aucun groupe alimentaire particulier ne semblait être à l'origine de l'association globale entre la consommation d'aliments ultratransformés et la santé intestinale, écrivent les chercheurs américains, «ce qui suggère que l'exposition combinée à plusieurs additifs alimentaires pourrait avoir un effet synergique ou cumulatif sur la santé intestinale en altérant la fonction barrière et en modifiant le microbiome».

De plus, «l'évolution des formulations des ingrédients et des méthodes de transformation complique l'attribution des risques à des additifs alimentaires spécifiques, soulignant la nécessité de mener des études supplémentaires afin d'identifier les composants responsables des effets indésirables», disent-ils.

Les aliments ultratransformés sont ceux qui ont été produits industriellement et qui contiennent des ingrédients que l’on ne trouve généralement pas dans une cuisine familiale, comme des émulsifiants, des agents de conservation, des colorants et des arômes artificiels.

Cette vaste catégorie comprend des produits tels que les boissons gazeuses, les nouilles instantanées et les croustilles, ainsi que des aliments moins évidents comme les yaourts aromatisés et les pains complets préparés dans le commerce.

Selon les données les plus récentes dont on dispose, les aliments ultratransformés représentent près de 45 % de l’apport énergétique quotidien des Canadiens de 20 ans et plus. Ils sont tellement omniprésents dans notre environnement alimentaire qu'il est pratiquement impossible d'y échapper.

«La recette magique à suivre, ce serait d'avoir une alimentation saine, de suivre les recommandations canadiennes en termes de consommation de différents aliments», a conclu le docteur Hajjar.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical JAMA Oncology. Elles s'appliquent probablement aux hommes, même si elle a été menée auprès de femmes, assurent les auteurs.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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