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La Coalition avenir Québec, championne du marketing politique

durée 13h00
25 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

QUÉBEC — La Coalition avenir Québec (CAQ) est championne du «marketing politique».

Ce phénomène est décrit par l'ex-députée caquiste et professeure Émilie Foster dans son livre «Politique inc.» qui paraîtra le 28 octobre et dont La Presse Canadienne a obtenu copie.

Mme Foster y affirme que pour s'attirer des électeurs, les partis adoptent, de manière de plus en plus décomplexée, des techniques de marketing commercial: gestion de l'image, publicités, microciblage, etc.

Le taux de participation aux élections générales ayant chuté à 66 % en 2022, les partis s'efforcent de séduire les bons segments de la population qui leur sont nécessaires pour prendre et conserver le pouvoir.

«La CAQ a toujours basé ses orientations sur (...) les sondages, explique Mme Foster en entrevue. Étant donné que c'était une coalition, pour rassembler tout ce monde-là, il fallait aller où le vent va.»

Elle donne l'exemple du troisième lien et du tramway à Québec, où le gouvernement caquiste a multiplié les revirements spectaculaires, dans le but de suivre l'humeur de l'électorat.

Le soudain virage à droite de la CAQ annoncé par le premier ministre François Legault le 10 septembre dernier est un autre exemple clair de marketing politique, selon Mme Foster.

Tout comme la présentation d'une constitution québécoise à ce moment précis dans le mandat.

«La CAQ fait énormément (de marketing), soutient l'ex-élue. C'est le gouvernement. Ce sont eux qui ont le plus de moyens pour se payer des sondages en continu, monitorer l'opinion publique et ajuster ce qu'ils font.»

Selon son analyse, le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) seraient moins «orientés vers le marché», car davantage prêts à défendre des convictions qui sont impopulaires.

Par exemple, le PQ continue de porter le projet d'indépendance du Québec, malgré les mauvais sondages, tandis que le PLQ défend les droits individuels et des minorités, même lorsque l'opinion publique n'est pas derrière lui.

L'autrice croit, par contre, que ces partis augmenteront leur utilisation du marketing politique s'ils accèdent au pouvoir en 2026. L'idée, après tout, est de rester «connecté» à la population.

«Si on n'écoute pas les citoyens, et on ne fait pas du tout de sondages et de marketing politique, on devient déconnecté et élitiste. Si, à l'inverse, on ne dirige que par électoralisme, (...) en ciblant des clientèles, en adaptant le message en conséquence, (...) on est à l'autre opposé du spectre.

«Là, on est allé loin du côté du spectre où on se sert du marketing politique à l'excès et on est décomplexé. Il y a un équilibre qui doit être maintenu», soutient Mme Foster.

Dans son livre, elle souligne qu'une des principales critiques de la politique axée sur les sondages est qu'elle «mène à une uniformisation des idées» et «tend à limiter le leadership des politiciens».

Le malaise risque de s'approfondir

Des politiciens prêts à tout pour se faire élire, des faiseurs d'image omniprésents, des médias qui carburent au sensationnalisme: le livre d'Émilie Foster est au moins le deuxième cette année à traiter de ces enjeux.

En avril dernier, l'ex-correspondant parlementaire pour Radio-Canada, Alexandre Duval, avait publié l'ouvrage «Obsession: élections!» abordant l'électoralisme et autres maux qui assaillent notre démocratie.

Tout comme M. Duval, Émilie Foster n'épargne pas les médias, qu'elle accuse de trop souvent tomber dans le piège de la politique-spectacle et du sensationnalisme.

En entrevue, elle soutient que le malaise démocratique risque de s'approfondir, et dit s'attendre à ce que le taux de participation aux élections connaisse une autre baisse en 2026.

À 50 %, «la démocratie, elle est en crise et son existence est en jeu», prévient-elle.

L'experte met en garde contre certaines technologies, qui ont permis la création de bases de données très sophistiquées contenant une multitude d'informations précises sur les électeurs.

Les politiciens s'en serviraient pour faire du microciblage et des «messages codés» (dog whistle), ces propos qui semblent anodins, mais qui envoient un message spécifique à un groupe cible pour l'attirer.

Autres facteurs qui menaceraient la santé démocratique: le similitantisme (astroturfing) et la désinformation amplifiée par l'intelligence artificielle et l'hypertrucage (deepfakes).

Ces dynamiques entraîneraient «la polarisation, (...) rendant difficile la formation d'un consensus collectif et exacerbant les divisions au sein de la société», écrit Mme Foster.

Pistes de solutions

À défaut de tenir un vaste sommet sur le thème de la démocratie, le Québec devrait minimalement offrir un cours à tous ses élèves de secondaire 5, croit Émilie Foster.

Une formation sur les enjeux entourant le marketing politique devrait également être offerte à tous les futurs journalistes, ainsi qu'aux élus et au personnel politique.

Selon la professeure, il faudrait en outre réformer le parlementarisme, afin notamment de faire plus de place aux députés d'arrière-ban et aux commissions spéciales transpartisanes.

Enfin, elle rappelle la nécessité de réformer le mode de scrutin «pour que chaque vote compte», déplorant le «manque de courage» de la CAQ, qui a mis de l'avant, puis abandonné ces deux dernières idées.

Caroline Plante, La Presse Canadienne

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