Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

L'Université de Sherbrooke bâtira une école dans un camp de réfugiés ougandais

durée 09h30
27 mai 2023
La Presse Canadienne, 2023
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — En kirundi, la langue parlée au Burundi, «kazoza» signifie «avenir». Et c'est dans l'espoir d'en offrir un à des dizaines de milliers d'adolescents vivant dans un camp de réfugiés de l'Ouganda qu'un projet baptisé Kazoza anime professeurs et étudiants de l'Université de Sherbrooke, qui œuvrent afin de leur offrir une éducation de niveau secondaire.

Originaire du Burundi, le professeur à la Faculté d'éducation Jean Gabin Ntebutse considère la transmission du savoir comme «ce qu'il y a de plus précieux à offrir». 

Touché par la crise sociopolitique survenue en 2015 dans son pays natal, où plus de 400 000 ressortissants, y compris des membres de sa famille, ont dû se réfugier à l'étranger pour échapper à la répression, il souhaite outiller les dizaines de milliers de jeunes Africains pour que ceux-ci puissent améliorer leur sort.

«[Nelson] Mandela disait que l'éducation était l'arme la plus puissante pour changer le monde», souligne le professeur, qui ne manque pas de rappeler à ses étudiants la chance qu'ils ont d'avoir accès aussi facilement à une éducation de qualité quand ailleurs dans le monde, certains doivent marcher jusqu'à 15 kilomètres chaque jour pour aller à l'école, ou sont contraints d'abandonner leurs études faute de ressources.

Clientèle hétérogène

Des milliers de réfugiés se sont retrouvés au camp de Nakivale, en Ouganda. Existant depuis 1959, l'endroit accueille quelque 173 000 réfugiés de 11 nationalités, dont 58 % sont des jeunes.

Or, il n'existe au camp qu'une seule école secondaire, dont les classes ont une capacité d'accueil de 200 élèves, bien loin des conditions qu'on retrouve dans les environnements d'apprentissage québécois, souligne le professeur Ntebutse.

Initiative menée par la Faculté d'éducation et la Faculté de génie de l'université sherbrookoise, Kazoza vise donc à construire une école et à y implanter un parcours éducatif de qualité. L'équipe composée de professeurs, d'experts, mais aussi d'étudiants, espère que l'établissement puisse accueillir ses premiers élèves en 2025.

«On aimerait scolariser environ 2000 élèves [par année], explique le professeur Ntebutse. Mais il faut tenir compte de l'homogénéité qui existe au sein de ces jeunes; certains n'ont pas complété leur scolarité primaire, d'autres pourraient davantage bénéficier d'une formation professionnelle. Il y a beaucoup d'avenues qui pourraient être intéressantes et nous sommes en train d'y réfléchir avec ceux qui représentent ces personnes.»

La question de la langue d'enseignement se pose également, l'Ouganda étant un pays anglophone, mais de nombreux réfugiés étant francophones. «Il faudra bien sûr respecter les exigences au niveau national, mais il y a une volonté d'aider les élèves à garder le français [comme langue principale]», ajoute M. Ntebuste.

Un laboratoire inédit

L'école Kazoza représente pour les universitaires sherbrookois un laboratoire inédit pour bonifier leur formation en y ajoutant un volet de coopération internationale. 

Une première mission exploratoire a eu lieu ce printemps. M. Ntebutse était accompagné de la professeure Nathalie Roy de la Faculté de génie, du directeur général du Carrefour de solidarité internationale Étienne Doyon et du directeur général du Groupe de coopération internationale de l’Université de Sherbrooke (GCIUS), Anthony Desrochers.

Celui-ci, qui termine sa deuxième année au baccalauréat en géomatique, a pu cerner les différentes implications du projet qui prendront la forme de stages pour plusieurs de ses collègues de la communauté étudiante.

«Pour l'avoir vécu moi-même, j'ai vu à quel point un stage sur le terrain en coopération internationale est enrichissant comme expérience, témoigne le jeune homme. C'est à moi de faire en sorte que d'autres puissent vivre un stage aussi riche à leur tour.

«Contrairement à un stage en entreprise, le succès du projet repose sur la capacité des étudiants à entreprendre une fois sur place et à mener leur stage à terme», poursuit-il. 

Les membres du GCIUS seront d'abord amenés à planifier la construction du bâtiment, alors que les étudiants de la Faculté d'éducation pourront y faire des stages dans le cadre de programmes de mobilité à l'international. Le modèle financier du projet pourra pour sa part être étudié et bonifié par des étudiants en administration.

«Ce projet offre de nombreuses perspectives, aussi bien au niveau de la conception et la construction de l'école que de la formation des enseignants, mais aussi du point de vue de la recherche, indique M. Ntebutse. On pourra, par exemple, étudier la persévérance scolaire.

«Les étudiants qui s'impliqueront dans le projet vont en sortir grandis, eux aussi, croit M. Ntebutse. Que ce soit au niveau de la prise de conscience des enjeux tels que l'accès à l'éducation, les inégalités sociales ou le vivre-ensemble, ou bien en sentant qu'ils contribuent à changer le monde.»

Le tout sera notamment financé par la Fondation de l'Université de Sherbrooke, qui a ciblé Kazoza comme l'un des projets porteurs. Des donateurs ont aussi témoigné de leur appui à l'initiative, si bien que son instigateur est plutôt confiant pour la suite des choses.

«La mobilisation ne fait que commencer, mais on a déjà beaucoup d'appuis, se réjouit M. Ntebuse. On est très optimistes.»

———

Cette dépêche a été rédigée avec l'aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.

Marie-Ève Martel, La Presse Canadienne