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L'automédication avec le cannabis pourrait mener à une aggravation des symptômes

durée 11h34
15 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les individus qui se tournent vers le cannabis pour soulager leur douleur, leur anxiété ou leur dépression risquent plutôt d'aggraver leur santé mentale, prévient une nouvelle étude britannique.

Les chercheurs ont ainsi constaté une différence importante entre les individus qui commencent à utiliser du cannabis pour le plaisir et ceux qui le font en réaction à des problèmes de santé mentale ou physique.

Si les premiers s'en tiraient plutôt bien, les seconds risquaient en revanche de se retrouver avec des niveaux encore plus élevés de paranoïa, d'anxiété ou dépression, écrivent les chercheurs de King's College London et de l'Université de Bath.

«Cette étude montre que les raisons avec lesquelles un utilisateur va motiver son début de consommation peuvent être liées à une évolution différente, plus problématique, dépendamment des raisons d'initiation, ce qui fait beaucoup de sens cliniquement», a commenté le docteur Nicolas Garel, un spécialiste du Centre de recherches du CHUM qui étudie l’utilisation des substances psychoactives dans le traitement des problèmes de santé mentale.

Les auteurs de l'étude ont interrogé quelque 3400 utilisateurs de cannabis, actuels et anciens, âgés de 18 ans et plus dans la région de Londres. Les questions ont notamment porté sur leur santé mentale et sur les raisons pour lesquelles ils avaient commencé à utiliser du cannabis et/ou continué à le faire.

Première constatation: les individus qui s'étaient tournés vers le cannabis pour soulager leur anxiété ou leur dépression étaient de plus grands consommateurs hebdomadaires que les autres. Deuxième constatation: ceux qui s'étaient tournés vers le cannabis pour autotraiter leur douleur, leur anxiété, leur dépression, des symptômes psychotiques mineurs ou une maladie rapportaient ensuite des scores plus élevés de paranoïa.

Les participants à l'étude qui ont tout d'abord commencé à utiliser du cannabis pour soulager une douleur ou un inconfort physique ont commencé à le faire plus tard que ceux qui cherchaient à soulager une douleur psychologique, écrivent les auteurs, possiblement parce que les jeunes adultes sont peu susceptibles de devoir composer avec des problèmes physiques.

Ceux qui ont débuté l'utilisation du cannabis le plus tôt sont ceux qui ont rapporté l'avoir fait pour affronter des symptômes psychotiques ou en raison de problèmes familiaux.

«Ici on parle de cannabis, mais de commencer une substance pour autotraiter des symptômes dépressifs, des symptômes anxieux ou des douleurs physiques, ce n'est généralement pas quelque chose qu'on recommande, a souligné le docteur Garel. Dans une optique d'autotraitement pour soulager des symptômes, (il y a) probablement un plus grand risque de développer des conséquences de cette consommation-là.»

Dans un premier temps, explique-t-il, les données probantes qui témoignent de l'efficacité de ces substances sont habituellement assez minces, quand elles ne sont pas carrément inexistantes.

De plus, a dit le docteur Garel, l'utilisation de ces substances peut retarder la consultation d'un professionnel de la santé. Ce délai pourra ouvrir la porte à une détérioration de la situation, résultant en un problème encore plus complexe à prendre en charge quand le patient décide finalement de demander de l'aide.

«Ça peut amener les patients à ne pas consulter les professionnels de la santé qui poseront un diagnostic puis proposeront des traitements qui ont été étudiés, validés, qui sont utilisés depuis longtemps», a dit le docteur Garel.

Quand on commence à utiliser ce type de substances pour s'autotraiter, a-t-il ajouté, ce sont «des substances qui peuvent exacerber l'état dans lequel nous sommes, y compris exacerber nos symptômes anxieux ou nos symptômes dépressifs, donc, au final, faire l'opposé de ce qui était le but initial».

Chez les consommateurs qui ont déjà des problèmes de santé mentale, a précisé le docteur Garel, «le cannabis et d'autres substances psychoactives peuvent exacerber des tableaux anxieux et des tableaux dépressifs».

Demander aux patients pourquoi ils ont commencé à consommer du cannabis pourrait donc être un moyen de dépistage facile et peu coûteux pour identifier les consommateurs qui ont besoin d'un suivi et d'un soutien plus serrés, soulignent les auteurs de l'étude.

Le docteur Garel abonde dans le même sens.

«Cliniquement, ça nous dit qu'il faut s'intéresser aux raisons d'initiation de la substance, a-t-il dit. Ça nous indique l'importance de questionner, pas juste la quantité ou la fréquence, mais les motivations qui ont mené à ça. Il faut avoir une vraie conversation ancrée dans la curiosité, une compréhension de pourquoi les gens utilisent différents types de substances psychoactives (...) pour essayer d'éviter une évolution défavorable.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal BMJ Mental Health.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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