L'article 107 du Code du travail est inefficace, selon une dirigeante syndicale


Temps de lecture :
5 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Une rare démonstration de défiance des agents de bord d'Air Canada face à une ordonnance de retour au travail du gouvernement a démontré l'inefficacité de l'article du Code du travail canadien qui permet à un ministre d'ordonner la fin d'une grève ou d'un lock-out, selon la présidente du Congrès du travail du Canada (CTC).
Le 16 août, quelques heures seulement après que les agents de bord eurent dressé un piquet de grève après l'échec des négociations avec la compagnie aérienne, la ministre de l'Emploi, Patty Hajdu, a invoqué l'article 107 du Code canadien du travail pour ordonner un arbitrage exécutoire et ramener les agents de bord au travail. Cet article confère au ministre le pouvoir d'agir pour «favoriser la bonne entente dans le monde du travail».
Les agents de bord ont ignoré l'ordonnance et sont restés en grève jusqu'à ce qu'une entente soit finalement conclue tôt mardi, une mesure saluée par la présidente du Congrès du travail du Canada, Bea Bruske.
«Cela crée un précédent que vous pouvez défier, et vous trouverez une solution à la table de négociation, a expliqué Mme Bruske, mardi, lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne. Cela crée un précédent: l'article 107 n'est plus efficace, il est bel et bien mort.»
«La meilleure façon de régler cela est de le supprimer complètement, car les syndicats, les travailleurs et le mouvement syndical ont été enhardis par cette situation et nous ne changerons pas d'avis.»
Un article de plus en plus utilisé
L'article 107 figure dans le Code canadien du travail depuis plus de 40 ans, mais son utilisation est devenue plus courante, surtout au cours de la dernière année.
Le Congrès du travail du Canada affirme que les libéraux ont eu recours à l'article 107 à huit reprises depuis juin 2024, notamment pour empêcher une grève des mécaniciens de WestJet et mettre fin à des grèves ou des lock-out dans les deux principales compagnies ferroviaires du pays, dans les ports de Montréal et de Vancouver, et temporairement à une grève et un lock-out à Postes Canada.
Auparavant, l'article 107 n'avait été invoqué qu'à quelques reprises, selon le Congrès du travail du Canada, dont quatre fois entre 1995 et 2002. En 2011, le CTC affirme que la ministre du Travail de l'époque, Lisa Raitt, l'avait invoqué après que les agents de bord eurent rejeté deux ententes de principe, bien que les parties aient finalement volontairement accepté de soumettre leur différend à l'arbitrage exécutoire. Le CTC affirme qu'il a été invoqué une autre fois entre 2011 et 2024.
Au départ, le gouvernement ne semblait pas disposé à y recourir rapidement pour mettre fin à l'arrêt de travail chez Air Canada. Le 17 août, quelques heures avant la date limite fixée par le syndicat représentant les agents de bord pour conclure une nouvelle convention collective, Mme Hajdu a exhorté la compagnie aérienne et le syndicat à retourner à la table des négociations, laissant entendre qu'elle n'était pas prête à intervenir dans le conflit.
Mme Hajdu a déclaré à La Presse Canadienne ce jour-là qu'il était «essentiel» que les deux parties retournent à la table des négociations pour conclure une entente par elles-mêmes.
La grève a officiellement débuté peu avant 1 h samedi et, à son tour, Air Canada a mis ses agents en lock-out environ 30 minutes plus tard en raison de la grève. Peu après midi, samedi, Mme Hajdu a annoncé qu'elle invoquait l'article du Code du travail et demandait au Conseil canadien des relations industrielles d'ordonner à Air Canada et au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) de reprendre leurs activités et de régler le conflit par arbitrage exécutoire.
La ministre a déclaré avoir pris cette décision après avoir rencontré les deux parties vendredi soir, constatant que les pourparlers avaient échoué et que les parties étaient encore trop éloignées pour résoudre le conflit assez rapidement.
Mais le SCFP a défié l'ordonnance, les agents de bord sont restés sur la ligne de piquetage et le syndicat a intenté une contestation judiciaire de la décision du gouvernement.
Lundi, le Conseil canadien des relations industrielles a déclaré la grève illégale et a ordonné à la direction du syndicat de demander à ses grévistes de retourner au travail. Le gouvernement fédéral a également annoncé l'ouverture d'une enquête sur les allégations de travail non rémunéré dans le secteur aérien.
Le syndicat et Air Canada se sont rencontrés tard lundi soir et très tôt mardi matin pour annoncer la conclusion d'une entente de principe mettant fin à l'arrêt de travail.
Un précédent créé
Mme Bruske a reconnu que le refus des travailleurs d'Air Canada de respecter les ordonnances de retour au travail pourrait créer un précédent pour de futures grèves. Selon elle, bien que le gouvernement subisse «beaucoup de pression» de la part des groupes d'affaires et des clients pour éviter une interruption de travail, son ingérence «a causé plus de problèmes qu'elle n'en a résolus».
«Cela a vraiment permis à l'employeur d'éviter d'avoir à négocier sérieusement», a-t-elle avancé.
Lorsque le syndicat a décidé de défier l'ordre de retour au travail, Mme Bruske a déclaré que cela avait envoyé un «message fort»: la seule façon de résoudre le problème est de négocier à la table, «là où il fallait le faire depuis le début».
Mme Bruske a souligné que le gouvernement avait utilisé le Code du travail pour forcer le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes à voter sur une offre de Postes Canada, une offre que les travailleurs ont rejetée. Postes Canada et le syndicat retournent à la table des négociations mercredi.
«Le mouvement syndical sera à leurs côtés, quoi qu'ils décident de faire», a-t-elle assuré.
Elle a ajouté que le CTC et ses syndicats affiliés, dont le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, se sont réunis dimanche et que les dirigeants syndicaux ont été unanimes à soutenir le SCFP dans sa résistance aux ordres de retour au travail.
«La négociation est la voie à suivre»
Le président national du SCFP, Mark Hancock, a déclaré que, compte tenu de la disponibilité de l'article 107, l'entreprise semblait considérer qu'elle n'avait pas besoin de négocier et se préparait plutôt à recourir à l'arbitrage exécutoire. Une fois cet article «mis de côté», M. Hancock a déclaré que l'entreprise avait «pris les choses au sérieux» à la table des négociations et qu'une entente de principe avait été conclue.
«J'espère que cela a envoyé un message clair au gouvernement et à tous: la négociation est la voie à suivre pour obtenir une entente et une convention collective», a-t-il ajouté.
«L'article 107 n'est qu'un obstacle qui rend beaucoup plus difficile la conclusion d'une entente.»
Bien qu'il ne soit pas d'accord avec l'idée de forcer les travailleurs à retourner au travail en cas de conflit, M. Hancock a souligné que d'autres options, comme une loi de retour au travail débattue au Parlement, étaient plus démocratiques.
«Nous allons continuer à discuter de l'article 107 et j'espère que le gouvernement ne l'utilisera plus jamais, car ce n'est pas un outil utile», a-t-il soutenu.
Catherine Morrison, La Presse Canadienne