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Hémodialyse: moins d'incidents cardiovasculaires avec des acides gras, dit une étude

durée 11h24
18 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les patients traités en hémodialyse subissent moins d'incidents cardiovasculaires s'ils prennent aussi des suppléments d'acides gras, montre une étude dirigée par une chercheuse torontoise et publiée par le très influent New England Journal of Medicine.

L'effet protecteur constaté touchait aussi bien les événements graves que les incidents moins sérieux, et il a été vu chez tous les sujets, qu'ils aient ou non des antécédents cardiovasculaires.

De manière encore plus précise, l'incidence d'événements cardiovasculaires chez les participants qui prenaient des acides gras et qui avaient déjà été victimes d'un événement cardiovasculaire était équivalente à l'incidence chez les participants du groupe contrôle qui n'avaient jamais subi un tel événement.

«Les patients sous hémodialyse ont un taux de survie inférieur à celui de la population générale et la plupart d'entre eux décèdent des suites d'une maladie cardiaque», a commenté la docteure Rita Suri, qui dirige la division de néphrologie du Centre universitaire de santé McGill et est scientifique à l’Institut de recherche du CUSM.

«La communauté néphrologique s'efforce depuis plusieurs décennies de trouver des moyens d'améliorer la survie de ces patients. Il s'agit ici de l'un des premiers essais cliniques à avoir un effet aussi spectaculaire.»

Les chercheurs ont mené cette étude entre novembre 2013 et juillet 2019 dans vingt-six sites du Canada et de l'Australie, auprès de quelque 1230 patients adultes sous hémodialyse. Environ la moitié des sujets sont été assignés au groupe acides gras, pendant que l'autre moitié constituait le groupe contrôle.

Le critère d'évaluation principal était un ensemble de tous les événements cardiovasculaires graves, y compris les morts cardiaques subites et non subites; les infarctus du myocarde mortels et non mortels; les maladies vasculaires périphériques conduisant à une amputation; et les accidents vasculaires cérébraux mortels et non mortels.

Les critères d'évaluation secondaires comprenaient les causes de décès non cardiaques; les composantes individuelles du critère d'évaluation principal; et un premier événement cardiovasculaire ou décès, quelle qu'en soit la cause.

Au cours des 3,5 années de suivi, le taux d'événements cardiovasculaires graves était significativement plus faible dans le groupe ayant reçu de l'huile de poisson que dans le groupe placebo, disent les auteurs.

Concrètement, le taux d'événements cardiovasculaires graves était environ 40 % inférieur chez les sujets ayant reçu quatre grammes d'acides gras polyinsaturés n-3 par jour par rapport à ceux ayant reçu un placebo, peut-on lire dans le NEJM.

«Les résultats de cet essai randomisé concordent avec ceux d'une méta-analyse (...) et ceux d'études observationnelles qui suggéraient que la supplémentation orale en acides gras n-3 pouvait réduire le risque d'événements cardiovasculaires ou de décès cardiovasculaire chez les patients sous hémodialyse», assurent la docteure Charmaine E. Lok, du University Health Network de Toronto, et ses collègues.

Les chercheurs formulent plusieurs hypothèses pour expliquer cet effet protecteur, mais ils soulignent que, «étant donné que les patients traités par hémodialyse présentent de faibles taux d'acides gras n-3, les propriétés cardioprotectrices des acides gras n-3 peuvent être particulièrement bénéfiques».

Ils rappellent aussi que les personnes traitées par hémodialyse d'entretien «présentent un profil métabolique, rhéologique, inflammatoire et cardiovasculaire distinct qui peut être exacerbé par le traitement lui-même».

Le risque d'événements cardiovasculaires est jusqu'à vingt fois plus élevé chez les patients sous hémodialyse que dans la population en général, a dit la docteure Suri.

«Plusieurs de ces patients présentent les mêmes facteurs de risque courants de maladies cardiaques que la population générale, comme le diabète, l'hypertension artérielle, le tabagisme, a-t-elle expliqué. Mais les patients dialysés présentent des facteurs de risque supplémentaires qui peuvent contribuer à un risque élevé de décès, à savoir une forte charge de ce que l'on appelle les maladies inflammatoires.»

Lorsque les reins ne fonctionnent pas efficacement, a-t-elle ajouté, les hormones inflammatoires grimpent en flèche, ce qui peut contribuer à la maladie cardiovasculaire. L'hémodialyse elle-même peut aussi engendrer un rythme cardiaque irrégulier, «ce qui peut mener à la mort».

Mais même si ces résultats sont très enthousiasmants, a dit la docteure Suri, on ne pourra pas simplement recommander aux patients sous hémodialyse de commencer à prendre des suppléments d'acides gras n-3, puisqu'on ne sait pas si les produits disponibles sur le marché sont identiques à ceux utilisés dans le cadre de cette étude.

Il y a aussi l'obstacle du coût, a-t-elle rappelé, puisque ces suppléments – qui peuvent être assez dispendieux – ne sont pas remboursés par la RAMQ ou les assurances privées, ce qui les placera hors de la portée de certains patients.

Cela étant dit, a conclu la docteure Suri, «il est très encourageant de savoir que nous pourrions désormais avoir la possibilité d'offrir ce traitement à nos patients afin de prévenir les événements cardiovasculaires et d'améliorer leur état général».

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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