Gull-Masty promet de réformer la Loi sur les Indiens, mais veut voir plus large

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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, a déclaré mercredi à des centaines de chefs réunis à Ottawa qu'elle s'engageait à réformer le statut des Premières Nations en vertu de la Loi sur les Indiens, mais qu'elle désapprouvait les modifications apportées par les sénateurs à un texte de loi qu'elle avait autrefois appuyé.
S'exprimant lors de la réunion de trois jours de l'Assemblée des Premières Nations, Mme Gull-Masty a souligné qu'en tant que femme crie, elle occupait une position unique en appliquant une loi qui confère au gouvernement fédéral un pouvoir sur la vie des membres des Premières Nations. Elle a affirmé comprendre les préoccupations des chefs concernant la loi dans sa forme actuelle.
Le projet de loi S-2, déposé au Sénat avec l'appui du gouvernement libéral, visait à éliminer certaines inégalités entre les sexes dans la Loi sur les Indiens et à permettre à environ 6000 personnes d'obtenir le statut de membre des Premières Nations.
Certains sénateurs et dirigeants des communautés autochtones ont cependant estimé que le projet de loi n'allait pas assez loin.
Le mois dernier, les sénateurs ont modifié la loi afin d'éliminer la «limite de la deuxième génération», qui interdisait la transmission du statut après plus de deux générations lorsqu'un seul parent possède ce statut.
La version amendée privilégie plutôt la règle du parent unique, permettant ainsi le transfert du statut des Premières Nations à un enfant si l'un de ses parents est inscrit.
Mme Gull-Masty a indiqué que «la règle du parent unique est une étape du processus» visant à mettre fin à la discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens.
«Mais cette solution ne reflète pas le caractère unique de ce que nous sommes tous en tant que membres des Premières Nations ici au Canada», a-t-elle souligné.
«Je tiens également à affirmer très clairement que je dois m'efforcer de vous proposer plus d'une solution. Je suis là pour travailler avec vous, au sein de votre communauté, afin de définir la voie à suivre et de mettre au point les outils dont vous avez besoin», a ajouté la ministre.
Le sénateur Paul Prosper, qui a contribué à amender le projet de loi au sein du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, a déclaré aux chefs plus tôt dans la journée que les témoins entendus par ses collègues lors de l'étude du projet de loi étaient presque unanimes quant à la nécessité d'abroger la limite de deux générations.
Il a rapporté que certains politiciens perçoivent les modifications apportées aux critères d'admissibilité au statut comme une préoccupation avant tout financière, puisque le financement par habitant des Premières Nations devrait augmenter si davantage de membres étaient reconnus par le gouvernement fédéral.
«Il y a en nous un profond sens de la justice que nous devons respecter, non pas pour nous-mêmes, mais pour les générations futures, nos communautés et nos nations», a-t-il affirmé.
«Je vous en prie, écrivez, faites pression, parlez à vos députés, aux ministres concernés et faites-leur savoir que nous n'accepterons plus cette situation, que nous avons besoin de changement dès maintenant», a ajouté M. Prosper.
Un report «inacceptable»
Lors d'une autre conférence de presse, un groupe de chefs de l'Ontario a déclaré mercredi que le gouvernement fédéral devrait immédiatement redéposer le projet de loi sur l'eau potable qui n'avait pas été adopté avant le déclenchement des élections au printemps dernier.
Le premier ministre Mark Carney a annoncé mardi aux chefs à Ottawa qu'un nouveau projet de loi sur l'eau potable serait déposé au printemps.
La grande cheffe de la Première Nation Anishinabek, Linda Debassige, a fait savoir qu'un tel report était «inacceptable».
«Les Premières Nations ont trop attendu», a-t-elle martelé lors d'une conférence de presse sur la colline du Parlement.
La ministre Gull-Masty avait annoncé l'été dernier qu'un nouveau projet de loi sur l'eau serait présenté cet automne.
La version précédente du projet de loi sur l'eau potable, le C-61, a franchi l'étape de la deuxième lecture et a été approuvée par les comités de la Chambre des communes, mais elle n'a pas été débattue en troisième lecture avant la fin de la 44e législature en raison des élections. Tous les projets de loi non adoptés au moment du déclenchement d'élections sont automatiquement retirés de l'ordre du jour.
Le projet de loi C-61 aurait affirmé le droit inhérent des Premières Nations à la compétence sur l'eau – y compris l'eau potable et les eaux usées –, établi des normes nationales minimales pour les services d'eau potable et d'eaux usées sur les territoires des Premières Nations et fourni un financement pour respecter les exigences minimales fixées par un règlement d'action collective sur l'eau potable conclu en 2021.
Mme Debassige, qui a participé à l'élaboration du projet de loi C-61, a indiqué que les chefs ont entendu dire que le gouvernement envisageait de supprimer certaines protections qui figuraient dans le précédent projet de loi.
«Nous entendons dire que le gouvernement envisage de retirer la protection des sources d'eau de la loi. Nous entendons dire qu'il y aura des suppressions en ce qui concerne les citernes et les puits, ainsi que les règlements et les normes qui s'y rapportent», a-t-elle déclaré.
Le gouvernement fédéral signalait 38 avis d'ébullition d'eau à long terme en vigueur sur les territoires des Premières Nations en date du 15 octobre. Vingt-sept de ces avis sont en Ontario. L'avis d'ébullition d'eau dans la Première Nation de Neskantaga est en vigueur depuis 30 ans.
Le chef de la Première Nation de Neskantaga, Gary Quisess, a rapporté que les membres de sa communauté utilisent depuis des décennies des bouteilles d'eau de 1,5 litre pour boire, cuisiner et se laver.
Il a déploré que le gouvernement ontarien cherche à faire avancer le projet minier du Cercle de feu sur les terres de Neskantaga.
«Ce sont nos terres ancestrales, et pourtant, on nous traite comme des pays du tiers monde. Je vis dans un pays du tiers monde et on essaie de nous imposer des projets. Nous n'avons pas à vivre ainsi. De nombreux projets profitent de nos terres pendant que nous souffrons du manque d'eau», a déclaré M. Quisess.
L'accès à l'eau potable figure parmi les questions abordées lors de l'assemblée spéciale des chefs qui se tient cette semaine à Ottawa, au même titre que la réforme des services de protection de l'enfance et la nouvelle politique canadienne pour les grands projets d’intérêt national.
Mardi, M. Carney a promis de rencontrer les dirigeants des Premières Nations côtières après que ces derniers ont voté à l'unanimité pour faire pression sur le gouvernement fédéral afin qu'il maintienne l'interdiction des pétroliers en Colombie-Britannique et retire l'accord conclu avec l'Alberta qui ouvre la voie à un nouvel oléoduc.
Par ailleurs, mercredi matin, des chefs réunis à Ottawa ont rendu hommage à Elijah Harper, une figure emblématique de l'opposition à l'Accord du lac Meech.
Membre de la Première Nation de Red Sucker Lake, M. Harper avait dénoncé cet accord, reprochant l'absence de consultation auprès des Premières Nations.
Alessia Passafiume et David Baxter, La Presse Canadienne