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Face à la pénurie de médicaments, les vétérinaires réclament des changements

durée 15h38
27 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

RÉGINA — Les vétérinaires canadiens n'ont plus accès à 40% des médicaments qu'ils utilisaient auparavant, un chiffre que la présidente de l'association nationale juge préoccupant.

Tracy Fisher, présidente de l'Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV), explique que les médicaments pour animaux — des chats et chiens aux moutons et bovins — sont de plus en plus difficiles à trouver.

Selon elle, la réglementation canadienne dissuade les fabricants de médicaments d'entreprendre les démarches nécessaires à l'homologation de leurs produits, même si ces médicaments sont disponibles dans d'autres pays.

Elle ajoute que le manque de médicaments à disposition des vétérinaires engendre des problèmes de bien-être animal.

«Si vous avez un animal malade et que vous ne pouvez pas le soigner, alors que vos confrères à l'étranger ou ailleurs le peuvent, c'est extrêmement frustrant», a énoncé Mme Fisher lors d'une récente entrevue.

Elle a également souligné que le manque de médicaments peut avoir des répercussions sur le système alimentaire. Par exemple, un nouveau médicament pour traiter les vaches laitières pourrait ne pas être disponible au Canada, obligeant les vétérinaires à utiliser un médicament plus ancien et moins efficace.

«La vache risque de ne pas pouvoir faire partie du système d'approvisionnement en lait pendant cette période», a indiqué Mme Fisher.

«Dans le pire des cas, l'éleveur perd sa vache. Cela a un impact sur ses revenus. Et chaque fois que cela arrive, les coûts augmentent pour les producteurs (…) et ces coûts sont répercutés sur nous», a-t-elle ajouté.

Sawyer Daley, technicienne vétérinaire agréée, a signalé qu'un médicament essentiel pour traiter les poux chez les bovins n'est plus disponible.

Mme Daley, qui travaille dans le sud de l'Alberta, a déclaré ne pas comprendre pourquoi elle ne peut pas se procurer ce produit, car il est toujours disponible aux États-Unis.

«Nous perdons l'accès à des produits parfaitement sûrs et éthiques pour une utilisation sur les animaux», a-t-elle annoncé cette semaine à Regina, lors de Canadian Western Agribition, le plus grand salon de l'élevage du Canada.

«C'était un excellent produit, mais en raison des différences de réglementation entre les États-Unis et le Canada, sa commercialisation a été arrêtée.»

Tracy Fisher a dit qu'un autre médicament destiné à traiter les problèmes urinaires chez les chiens allait également devenir indisponible.

«Si ce médicament est retiré du marché, il sera difficile de soigner ce problème chez de nombreux animaux, a-t-elle exposé. Si vous possédez un chien assez grand qui urine partout dans la maison, cela va devenir un problème très sérieux.»

Mme Fisher a développé que le problème découle des modifications réglementaires apportées par Santé Canada en 2017.

Elle a précisé que l'agence avait imposé de nouvelles normes d'inspection cette année-là, exigeant que les installations de fabrication à l'étranger soient inspectées par des fonctionnaires canadiens.

Les fabricants ne veulent pas payer pour ces inspections, a-t-elle rajouté, car le marché canadien est petit et ils ont déjà obtenu les autorisations nécessaires dans d'autres pays.

Depuis, de nombreux médicaments sont devenus indisponibles au Canada.

«Nous avons perdu 40% des médicaments que nous avions dans les années 1980», a déploré Mme Fisher.

Santé Canada a écrit dans un communiqué que ces changements visaient à renforcer la surveillance des produits de santé animale. La faible part du Canada sur le marché mondial peut entraîner des retards d'accès, a ajouté Santé Canada.

«Santé Canada poursuit ses consultations auprès des intervenants de l'industrie, des professionnels vétérinaires et des partenaires provinciaux et territoriaux afin de cerner les obstacles et de trouver des solutions», a écrit Santé Canada.

L'agence a également précisé avoir mis en place de nouvelles mesures pour faciliter la mise en marché des produits, notamment en priorisant les examens, en autorisant l'approbation conditionnelle et en encourageant le dialogue entre l'industrie pharmaceutique, les vétérinaires et les agriculteurs.

«Santé Canada continuera de tirer parti de ces progrès», a-t-elle affirmé.

L'association des vétérinaires exhorte Ottawa à collaborer avec les organismes de réglementation internationaux, notamment ceux des États-Unis et d'Europe, afin de simplifier le processus d'approbation des médicaments.

Selon Mme Fisher, le Canada devrait autoriser la commercialisation des produits s'ils ont été approuvés dans deux autres pays fiables dotés de réglementations rigoureuses en matière de sécurité.

«Ces médicaments répondent déjà aux normes en vigueur en Europe, au Royaume-Uni et aux États-Unis», a expliqué Mme Fisher. «Il faut éliminer les lourdeurs administratives et les procédures bureaucratiques qui freinent ces démarches.»

Le ministre fédéral de l'Agriculture, Heath MacDonald, a annoncé cette semaine aux journalistes avoir rencontré des vétérinaires à ce sujet.

«Nous allons travailler main dans la main pour déterminer les mesures à prendre», a-t-il affirmé à Regina.

Sawyer Daley a indiqué qu'il fallait davantage de chercheurs ayant une formation vétérinaire, notamment en élevage.

«Je souhaite une plus grande impartialité dans l'élaboration des politiques et la prise de décisions grâce à une meilleure représentation des spécialistes de la médecine des grands animaux», a-t-elle conclu.

Jeremy Simes, La Presse Canadienne

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