Enbridge et Cenovus visés par une plainte pour écoblanchiment


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Par La Presse Canadienne, 2025
CALGARY — Un groupe de défense des actionnaires a déposé une plainte pour écoblanchiment auprès de l'autorité de surveillance des marchés financiers de l'Alberta. Il allègue que Cenovus, l'un des plus grands producteurs de sables bitumineux au Canada, et Enbridge, le plus grand exploitant d'oléoducs de pétrole brut du pays, ont induit les investisseurs en erreur dans leurs informations environnementales.
Investisseurs pour l'Accord de Paris, qui cherche à responsabiliser les sociétés cotées en bourse quant à leurs engagements climatiques, soutient que ces sociétés ont enfreint la loi sur les valeurs mobilières de l'Alberta «en fournissant des informations inexactes et incomplètes, de longue date et généralisées» concernant leurs engagements de carboneutralité.
«En utilisant abondamment la terminologie de la carboneutralité dans leurs communications, Cenovus et Enbridge ont laissé croire aux investisseurs raisonnables et au public que leurs modèles d'affaires sont alignés sur la transition énergétique vers la carboneutralité, ce qui menace en réalité leurs activités existantes et leurs projets d'expansion des combustibles fossiles», a déclaré le groupe dans ses observations à la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta (ASC).
L'organisation a indiqué avoir choisi de porter plainte auprès de l'ASC plutôt que devant le Tribunal de la concurrence fédéral, en vertu des nouvelles règles anti-écoblanchiment, car «les investisseurs ont un intérêt majeur à une application crédible et rapide de la législation sur les valeurs mobilières».
Elle ajoute que rien dans les modifications apportées à la Loi sur la concurrence, entrées en vigueur l'année dernière, ne remplace l'obligation des autorités de réglementation des valeurs mobilières de lutter également contre l'écoblanchiment. Elle cite les directives des Autorités canadiennes en valeurs mobilières, un organisme national de coordination, qui stipulent que les informations environnementales devraient être soumises aux mêmes normes que les rapports financiers.
En vertu des modifications apportées à la Loi sur la concurrence, les parties privées, y compris les groupes environnementaux, peuvent désormais déposer une plainte directement.
Michael Sambasivam, analyste principal chez Investisseurs pour l'Accord de Paris, a toutefois soutenu que cela ne devrait pas être nécessaire.
«Nous ne pensons pas que la responsabilité de l'application de la loi pour ce type de plaintes devrait incomber aux citoyens et aux groupes privés.»
Il a expliqué que son groupe s'était concentré sur les deux entreprises afin de couvrir deux segments distincts du secteur de l'énergie: Cenovus produit le produit brut, tandis qu'Enbridge le transporte. Selon M. Sambasivam, les deux entreprises comportaient également «certaines des violations les plus flagrantes des principes de sécurité canadiens» dans les déclarations des entreprises examinées.
Après l'entrée en vigueur des dispositions anti-écoblanchiment du Bureau de la concurrence, Cenovus a été l'une des entreprises du secteur des sables bitumineux à retirer ses déclarations de carboneutralité de son site web. L'incertitude quant à savoir si l'entreprise a abandonné ces engagements constitue une «forme de divulgation incomplète interdite par la Loi sur les valeurs mobilières de l'Alberta», selon la plainte.
La plainte fait également état de pressions publiques qui, selon elle, contredisent les engagements climatiques.
Des informations potentiellement inexactes
De hauts dirigeants des deux entreprises figuraient parmi les signataires d'une lettre ouverte adressée ce printemps par des dirigeants de l'industrie pétrolière et gazière au nouveau premier ministre, Mark Carney, qui exhortait notamment Ottawa à supprimer son plafond d'émissions de gaz à effet de serre et sa taxe sur le carbone industriel.
Enbridge reste déterminée à atteindre la carboneutralité de ses activités d'ici 2050 tout en fournissant l'énergie dont les gens dépendent, a déclaré le porte-parole de l'entreprise, Jesse Semko, dans un communiqué envoyé par courriel.
L'entreprise a réduit ses émissions de 22 % par rapport à son niveau de référence de 2018 grâce à une efficacité accrue, à l'achat d'électricité à plus faible intensité de carbone et à des investissements dans les énergies renouvelables, a-t-il ajouté.
«Nous restons également engagés en faveur de l'exactitude et de la transparence, et nous garantissons les informations que nous partageons dans nos rapports et nos communications.»
Investisseurs pour l'Accord de Paris soutient que les émissions liées à l'utilisation finale des combustibles fossiles produits et expédiés devraient être prises en compte dans les rapports sur la neutralité carbone, et pas seulement les émissions liées à l'exploitation.
Cenovus n'a pas répondu à une demande de commentaires.
Le groupe demande à l'ASC d'enquêter sur les informations climatiques actuelles et passées de Cenovus et d'Enbridge afin d'en évaluer l'exactitude et la pertinence. L'enquête devrait tenir compte des données probantes de ses pairs et de ses concurrents, a précisé le groupe.
Il souhaite également que l'ASC collabore avec d'autres organismes provinciaux de réglementation des valeurs mobilières pour élaborer des lignes directrices concernant les déclarations de carboneutralité des sociétés canadiennes cotées en bourse.
Une porte-parole de la commission affirme que celle-ci et ses homologues ont aidé les entreprises à préparer des informations sur les risques climatiques importants, tout en évitant tout langage pouvant être considéré comme de l'écoblanchiment. Elle a dit ne pas commenter les examens des plaintes reçues.
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Lauren Krugel, La Presse Canadienne