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École à l'hôpital: une manière de «poursuivre la normalité» pour les enfants malades

durée 10h15
13 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTREAL — Comme tous les élèves québécois, des enfants hospitalisés ont pu reprendre l'école il y a quelques semaines grâce aux services de scolarisation proposés dans des hôpitaux de la province.

Jeudi matin, au 2e étage du Centre mère-enfant Soleil du CHU de Québec - Université Laval (CHUL), les deux enseignantes du service scolaire se préparaient à leur journée de travail.

«C'est ponctué de plein d'imprévus, une journée», raconte Caroline Bisson, qui enseigne à cet hôpital depuis quatre ans.

Mme Bisson ne donne pas des cours devant une classe remplie d'élèves. Elle se déplace plutôt de chambre en chambre pour venir enseigner le français et les mathématiques aux enfants qui sont hospitalisés.

Que ce soit pour quelques jours après une arrivée aux urgences ou pour une durée plus longue lorsqu'un enfant est traité en oncologie, tous les jeunes de la première année du primaire au secondaire 5 sont admissibles à ces services de scolarisation.

Généralement, l'enseignante arrive dans le portrait à partir du cinquième jour d'hospitalisation au Centre mère-enfant Soleil. Elle peut toutefois être appelée à se présenter avant, notamment lors d'un diagnostic en oncologie.

Il en est de même du côté du CHU Sainte-Justine, à l'Hôpital de Montréal pour enfants et au Centre de réadaptation Marie-Enfant, dans la métropole, où un service similaire est proposé.

«La minute que les enfants sont pris en charge par l'équipe médicale, les infirmières pivots acheminent une requête pour assurer qu'il n'y ait pas de rupture au niveau du suivi scolaire», indique Annie Caron, directrice du service scolaire en milieu hospitalier du Centre de services scolaire de Montréal.

À ce moment-là, l'enseignant à l'hôpital communique avec celui à l'école où l'enfant est scolarisé afin de connaître le plan de travail et d'éventuelles évaluations à programmer.

«Les écoles d'origine souvent, (ce) qu'on va me dire, c'est que l'enfant se concentre sur la maladie», souligne Mme Caron.

«Ça, c'est une pensée d'adulte», explique Mme Bisson, qui entend souvent le même discours.

«Mais l'enfant, lui, il va se dire, "eh, en plus d'être malade, je ne vais pas en plus manquer mon année, ça veut dire que l'année prochaine, je vais redoubler, je ne serai plus avec mes amis". Pour eux, l'école, c'est important de continuer», poursuit-elle.

S'adapter constamment

L'école à l'hôpital est différente d'un élève à l'autre et d'une journée à l'autre, indique Mme Bisson.

«On essaie de donner une heure par jour et on essaie de garder toujours le même créneau horaire», précise-t-elle.

Du côté de Montréal, il s'agit généralement d'une session des deux matières par jour pour le secondaire et d'une heure par jour pour le primaire.

Tout dépend néanmoins de l'état de l'enfant et de ses traitements. Parfois, une session peut être interrompue quelques minutes pour prendre les signes vitaux ou se poursuivre le temps qu'il soit branché à une chimiothérapie, illustre l'enseignante qui œuvre au CHUL.

À Montréal, ce sont près de 1000 élèves qui sont desservis annuellement par ce service scolaire.

Du côté de Québec, 298 premières rencontres ont été réalisées pour l'année scolaire 2024-2025 et 178 enfants ont été suivis particulièrement, selon Christine Garcia, directrice pour l'unité de scolarisation du Centre mère-enfant Soleil, qui dépend du Centre de services scolaire des Découvreurs.

En fin d'année dernière, 24 étudiants ont par ailleurs été accompagnés dans les épreuves ministérielles au CHUL.

Une attention particulière est également apportée à ces élèves à Montréal. Les deux services scolaires disposent d'ailleurs de dérogations du ministère de l'Éducation afin de pouvoir administrer les épreuves au moment où l'enfant est dans les meilleures dispositions.

«On va administrer avec les règles du ministère à l'intérieur de l'hôpital, mais après ça, on va envoyer pour la correction», ajoute Mme Garcia.

Des enseignants pas comme les autres

Tout le monde ne peut enseigner au sein d'un hôpital. Il est nécessaire d'avoir un baccalauréat en adaptation scolaire.

C'est le cas de Caroline Bisson, qui a enseigné à «toutes les clientèles qui pouvaient se faire en adaptation scolaire» afin de faire le saut dès qu'un poste s'est libéré au CHUL.

«À un moment donné, je me suis dit que j'ai assez de bagage pour être capable», témoigne-t-elle.

La directrice Christine Garcia mentionne que cela prend des profils particuliers, qui sont capables d'enseigner aussi bien en primaire qu'en secondaire.

«Ça prend des gens qui n'ont pas peur des milieux hospitaliers, qui n'ont aussi pas peur des parents, c'est une grosse composante. On est vraiment assis dans le nid familial, puis il faut avoir une certaine réserve, de l'empathie, puis, en même temps, avoir des objectifs», souligne-t-elle.

En plus de s'adapter, il faut être en mesure de détecter les signes de fatigue ou la pression qu'un enfant peut se mettre vis-à-vis de l'école.

«Moi, j'essaie de garder une vision. C'est un élève que j'ai, ce n'est pas un patient. C'est un élève qui est à l'école», explique Mme Bisson.

Parfois, les enseignants sont confrontés à des événements très difficiles, comme la perte d'un de leurs élèves.

«De voir qu'un élève malheureusement nous quitte, (...) c'est sûr que ça atteint l'enseignant. Et puis, on n'a pas de boule de cristal, il y a des années malheureusement où plusieurs enseignants font face à ce type de contexte», reconnaît Annie Caron.

Mais de belles histoires peuvent aussi survenir, comme le service scolaire montréalais qui a eu son premier diplômé que les enseignants suivaient depuis le primaire ou encore un jeune qui a écrit un livre, maintenant publié, pour raconter son histoire.

«On donne un sens à nos apprentissages, on permet de poursuivre la normalité, c'est notre mission première au service scolaire», rappelle Mme Caron.

Les équipes sont aussi disponibles une fois les épisodes de soins terminés, lorsqu'il faut s'assurer des conditions pour le retour à l'école de l'enfant et mettre en place des adaptations, comme un horaire progressif.

«Dans le fond, l'école, on a l'impression que c'est la bâtisse, mais l'école, ce n'est pas une bâtisse. L'école, c'est toute l'équipe d'intervenants qui donne les prestations d'enseignement à l'élève», estime Mme Garcia.

Audrey Sanikopoulos, La Presse Canadienne

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