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Écocamionnage relancé, mais tout indique que la cible de réduction de GES sera revue

durée 16h02
2 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

Les groupes en faveur de l’électrification des transports ont accueilli très favorablement l’annonce, faite sans fanfare mardi matin, de la relance du programme Écocamionnage assorti d’une enveloppe de 145 millions $ pour les trois prochaines années.

Ce programme, qui vient soutenir l’électrification du transport routier, avait été interrompu durant 15 mois, au grand dam de l’industrie du camionnage qui ne savait plus trop sur quel pied danser en matière de soutien à l’amélioration de son bilan carbone

«Écocamionnage, ç’a permis de retirer l'équivalent de plus de 15 000 véhicules légers des routes du Québec», s’est réjoui le ministre de l’Environnement, Bernard Drainville, lors des consultations sur la révision de la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), à Québec. M. Drainville a cependant laissé entendre qu’il s’apprête à revoir à la baisse la cible québécoise de réduction des GES.

Mauvaise décision

Les groupes témoignant n’ont toutefois pas manqué de blâmer le gouvernement Legault d’avoir interrompu Écocamionnage durant plus d’un an. Alexis Laprés-Paradis, de Propulsion Québec, a expliqué que cette interruption avait, d’une part, ralenti la progression vers la cible de réduction de GES. D’autre part, a-t-il ajouté, il y a eu un impact financier «que ce soit pour des concessionnaires de camions qui devaient garder les camions sur leur terrain qui n'étaient pas vendus. Il y a également eu un impact au niveau de la prévisibilité. Donc, il y a eu des emplois qui ont été perdus chez certains constructeurs de camions de la province. (…) Donc, ç’a été assez dommageable pour l'économie de l'électrification des transports pendant les 15 derniers mois.»

Quant aux interrogations sur l’autonomie requise pour le camionnage, M. Laprés-Paradis a expliqué que «50 % des camions au Québec parcourent moins de 200 kilomètres par trajet. Donc, 200 kilomètres, c'est une autonomie qui est tout à fait dans les rangs de ce que l'électrification des véhicules moyens-lourds peut offrir aujourd'hui».

À ses côtés, Daniel Breton, de Mobilité électrique Canada, a fait valoir que l’électrification des transports a déjà commencé à donner des résultats. «Entre 2015 et 2024, alors que le parc de véhicules légers a augmenté de 7 %, les ventes nettes d'essence pour véhicules légers ont diminué de 10 %», a-t-il indiqué.

Faux surplus

Outre le blocage des fonds d’Écocamionnage, il a dénoncé l’interruption de la phase 3 du Circuit électrique, qui vise l’installation de bornes de recharge. «Un pourcentage significatif des fonds de 514 millions $ qui devaient être consacrés à la recharge ont été bloqués depuis le début de l'année, causant ainsi des pertes d'emploi et retardant la transition énergétique.»

Ce sont là des exemples, selon lui, qui démontrent que le surplus de 1,8 milliard $ du Fonds d’électrification et de changement climatique (FECC) que le ministre des Finances, Eric Girard, a transféré au Fonds des générations dans son dernier énoncé économique n’était pas un surplus, mais bien de l’argent destiné à la lutte aux changements climatiques qui n’a pas été investi à cette fin.

Ce transfert avait également été dénoncé précédemment par l’organisme Vivre en ville, dont le directeur général, Christian Savard, a dit croire que ce genre manœuvre alimentait le cynisme de la population face à l’effort de réduction des GES. «On a dit aux gens qu'il y avait un marché du carbone et que l'argent du marché du carbone était pour servir à la lutte contre les changements climatiques, diminuer les gestes et s'adapter. On n'a jamais dit que c'était pour être mis sur la dette. Donc, selon nous, pour maintenir la confiance dans ce marché du carbone-là, il faut s'assurer de réinvestir cet argent-là dans la lutte contre les changements climatiques.»

«D'ailleurs, pour la suite des choses, s'il y a des surplus dans le FECC, tant ou si longtemps qu'on n'a pas atteint notre cible, qu'on n'a pas adapté le Québec, il faut le réinvestir dans les changements climatiques», a-t-il tranché.

Délai trop court

Quant au principal sujet de cette commission parlementaire, soit la révision de la cible de réduction des GES, les trois organismes ont plaidé pour le maintien de la cible de réduction de 37,5 % des GES d’ici 2030.

Bernard Drainville a toutefois donné toutes les indications à l’effet que cette cible ne sera pas maintenue. Il a notamment invoqué les reculs d’objectifs non seulement du côté américain avec l’administration de Donald Trump, mais aussi de l’élimination de la taxe carbone du gouvernement fédéral de Mark Carney, la suspension par celui-ci d’une annonce éventuelle de cible en matière d’électrification des transports, de reculs en Colombie-Britannique et en Ontario. «Ces instruments-là, les autres juridictions autour de nous les abandonnent les uns après les autres», a-t-il fait valoir.

Mais il est revenu à plusieurs reprises sur le coût pour atteindre cette cible. «On a mis une trentaine d'années pour atteindre la moitié de la réduction de 37,5. On est à -19 %. Puis là, on mettrait cinq ans pour atteindre l'autre moitié? Ça, pour moi, c'est un rythme très rapide. Et quand je crains le coût économique, c'est davantage à ça que je fais référence. C'est la vitesse avec laquelle on devra réaliser ces réductions.»

«Est-ce qu'on veut vraiment imposer à notre société et à notre économie d'atteindre le deuxième 50 % dans un très court laps de temps. Est-ce que ça ne risque pas de produire des dommages économiques qui vont faire mal à notre population, qui vont faire mal souvent à des secteurs déjà vulnérables, au sein de populations qui sont déjà fragilisées dans les régions, notamment les régions ressources?»

«Je suis convaincu que les Québécois ne sont pas prêts à s'appauvrir dans le cadre de cette lutte contre le réchauffement climatique. Si on leur dit: 'êtes-vous prêts à vous appauvrir pour lutter contre les GES?', je suis convaincu que la majorité va dire, une forte majorité va dire, 'ben non. Qu'est-ce que tu me demandes là?'»

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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