Discours haineux: les conservateurs se tirent dans le pied, croit le Bloc

Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Les conservateurs se tirent dans le pied en s'opposant corps et âme au retrait de l'article du Code criminel qui permet de tenir des propos haineux ou antisémites lorsqu'ils sont fondés sur la religion, croit le Bloc québécois, qui a vraisemblablement l'appui des libéraux.
En point de presse à Ottawa, mardi, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a jugé que les conservateurs de Pierre Poilievre vont finir par se rappeler qu'ils disaient être en faveur du «gros bon sens» et éviter de se «suicider politiquement», vu que la fin de «l'exception religieuse» fait l'objet, dit-il, d'un appui «très majoritaire» au Canada et «consensuel» partout au Québec.
C'est qu'actuellement le Code criminel permet de tenir des propos haineux pourvu que la personne ait, «de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel elle croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument».
Les conservateurs considèrent néanmoins que le retrait de la fameuse exception constituerait une attaque à la liberté d'expression et de religion.
Sur les réseaux sociaux, M. Poilievre a jugé que les bloquistes et les libéraux «criminaliseront des sections de la Bible, du Coran, de la Torah et d’autres textes sacrés». Il va jusqu'à en faire une pétition dont les signataires sont généralement invités par la suite à financer son parti politique.
Selon l'information d'abord révélée dans le National Post, les bloquistes retireraient cette exception en faisant adopter grâce aux libéraux un amendement au projet de loi C-9 qui criminalise notamment le fait d'entraver l'accès à un lieu de culte. Ils appuieraient en échange l'adoption de la pièce législative.
Mardi, le chef bloquiste a rappelé que c'est «derrière» cette disposition que s'est «caché» l'imam controversé Adil Charkaoui pour «inviter littéralement à la violence, à la haine, et même à la limite au génocide».
Lors d'une manifestation en 2023, M. Charkaoui avait appelé Dieu à se charger des «sionistes agresseurs» de la Palestine et à «n'en laisser aucun». Le directeur des poursuites criminelles et pénales avait par la suite renoncé à déposer des accusations après avoir déterminé que ce discours n'était pas haineux au sens du Code criminel.
Plus tôt mardi, le nouveau ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes, Marc Miller, a jugé que les conservateurs font fausse route en défendant de cette manière la liberté d'expression. Étant ministre, il exprimait un point de vue du cabinet.
«Chaque fois que les conservateurs défendent ce point de vue, ils sont en train de défendre des propos haineux de gens comme Adil Charkaoui, ce qui est inacceptable, a-t-il déclaré. Je ne pense pas qu'on devrait utiliser la Bible, la Torah, ni le Coran pour commettre un crime haineux.»
Ainsi, les conservateurs tentaient mardi de reprendre le marathon d'obstruction parlementaire qu'ils ont débuté la semaine dernière afin de retarder l'étude article par article de C-9, un projet de loi du gouvernement qui criminalise notamment le fait d'entraver l'accès à un lieu de culte.
Leur député Andrew Lawton avait, malgré l'exaspération des libéraux, exploité pendant plus d'une heure et demie une disposition du règlement de la Chambre des communes qui lui permet essentiellement de parler tant et aussi longtemps qu'il le souhaite, pourvu qu'il touche minimalement au sujet.
Michel Saba, La Presse Canadienne