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Des syndicats de la fonction publique critiquent le programme de retraites anticipées

durée 15h30
19 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Les syndicats fédéraux accusent le gouvernement fédéral de créer un dangereux précédent, voire de commettre un «vol à la limite de la légalité», en finançant une mesure d'incitation à la retraite anticipée pour les employés par le biais du Régime de retraite de la fonction publique.

Ce plan, annoncé dans le budget de novembre, survient alors que les ministères procèdent à des suppressions d'emplois pour respecter les réductions budgétaires imposées.

Au début du mois, le gouvernement fédéral a commencé à envoyer des lettres contenant des informations sur son programme de retraite anticipée à près de 68 000 fonctionnaires susceptibles d'y être admissibles.

Le gouvernement affirme qu'il tente d'augmenter le taux d'attrition et d'éviter de licencier des travailleurs plus jeunes en proposant un programme volontaire permettant aux travailleurs de prendre leur retraite plus tôt sans subir de pénalité au niveau de leur pension.

Le budget indique que le gouvernement a l'intention de mettre en œuvre le programme de retraite anticipée d'un an dès janvier, bien qu'une loi soit encore nécessaire pour faire avancer le projet.

Une copie numérique de la lettre, communiquée à La Presse Canadienne, indique que le programme ne sera accessible qu'à certains employés qui en feront la demande selon les conditions fixées par le Conseil du Trésor.

«Ces paramètres seraient conçus pour maintenir les services essentiels et la continuité des activités, précise la lettre. Par conséquent, l'acceptation de la demande de participation d'un employé ne serait pas garantie.»

«Extraordinaire et dangereux»

Nathan Prier, président de l'Association canadienne des employés professionnels, a déclaré qu'il était «très bien» de protéger les emplois des jeunes, mais que ces jeunes travailleurs sont aussi ceux qui, tout au long de leur carrière, paieront la moitié du coût du programme par leurs cotisations au régime de retraite.

«Dans le même ordre d'idées, le gouvernement utilise l'argent des fonctionnaires comme s'il s'agissait du sien, ce qui s'apparente à du vol», a soutenu M. Prier.

Sean O'Reilly, président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, a affirmé que le gouvernement «remplace en fait les obligations de départ financées par l'employeur par des dispositions de retraite anticipée financées par les employés».

«Utiliser les excédents de retraites des travailleurs pour financer leur départ crée un précédent extraordinaire et dangereux, a-t-il soutenu. Cela risque de vider la fonction publique de sa substance au pire moment possible.»

Le syndicat s'inquiète également de la récente décision du gouvernement de transférer un excédent d'environ 0,9 milliard $ du fonds de pension vers son fonds consolidé, où il sera conservé avec les excédents transférés l'année dernière, tandis que les prochaines étapes sont examinées.

La Loi sur la pension de la fonction publique stipule qu'il existe un excédent non autorisé lorsque les actifs du régime dépassent 125 % de ses engagements, et oblige le gouvernement à prendre des mesures pour ramener l'excédent en dessous de ce seuil.

M. O'Reilly a toutefois déclaré que le gouvernement ne pouvait pas utiliser cet argent comme il l'entendait.

«L'excédent existe grâce aux cotisations égales des employés et des employeurs, combinées à de solides performances d'investissement. Il s'agit d'une rémunération différée gagnée par les fonctionnaires, et non d'un revenu discrétionnaire pour le gouvernement», a-t-il expliqué.

Sharon DeSousa, présidente nationale de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, a déclaré que tout programme de départ anticipé doit être négocié avec le syndicat, car «personne ne devrait être contraint de renoncer à des droits durement acquis».

«Nous faisons pression sur le gouvernement pour qu'il nous rencontre et nous communique tous les détails afin que nous puissions évaluer correctement ce que cela signifie pour les travailleurs», a-t-elle dit.

Le cycle des retraites pourrait être bousculé

Catherine Connelly, professeure et titulaire d'une chaire de recherche en gestion au département des ressources humaines et de la gestion de l'Université McMaster à Hamilton, a estimé que les syndicats ont raison de s'inquiéter de la mesure d'incitation à la retraite anticipée prévue, qu'elle qualifie de «problématique».

«Une fois qu'une organisation propose une telle mesure, les employés hésitent à prendre leur retraite à moins d'en bénéficier eux-mêmes. Ils attendent pour prendre leur retraite dans l'espoir qu'une autre mesure incitative leur sera proposée à l'avenir, a-t-elle expliqué. Ainsi, beaucoup de gens prendront leur retraite maintenant, mais moins de gens le feront plus tard.»

Mme Connelly a ajouté qu'il n'est pas rare que les «meilleurs éléments» acceptent l'incitation, prennent leur retraite, puis recommencent à travailler ailleurs.

«Vous pouvez perdre beaucoup de mémoire institutionnelle importante et de travailleurs qualifiés», a-t-elle souligné.

Mme Connelly a indiqué que les caisses de retraite ne disposent d'excédents que parce que le marché boursier est en forte hausse par rapport à l'année dernière.

«Ces rendements ne sont probablement que temporaires», a dit Mme Connelly, qui a mentionné que la plupart des employeurs du secteur privé n'offrent pas de pensions.

«Les marchés sont actuellement très volatils et pourraient facilement perdre une grande partie de leur valeur à tout moment. C'est en raison de cette volatilité que les fonds de pension ne devraient être utilisés que pour les pensions.»

Mohammad Kamal, directeur des communications au Cabinet du président du Conseil du Trésor, a affirmé que la «solide situation financière» du fonds a permis au gouvernement d'élargir l'admissibilité au programme d'incitation à la retraite anticipée, permettant ainsi aux employés admissibles de prendre leur retraite anticipée sans aucune pénalité.

«Le nouveau gouvernement canadien reconnaît l'importance de la contribution des fonctionnaires», a-t-il déclaré.

M. Kamal a également soutenu que le gouvernement gérait l'excédent non autorisé conformément à la loi et au cadre qui régit le régime.

«C'est le signe d'un système de retraite solide qui dépasse les attentes», a-t-il fait valoir.

Catherine Morrison, La Presse Canadienne

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