Des robots conversationnels au service des étudiants en criminologie de l'UdeM


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Juger le risque de récidive d’un jeune criminel est un exercice périlleux. Une évaluation inadéquate peut engendrer de graves répercussions, aussi bien pour l'individu que pour la société.
Afin d’aider ses étudiants à prendre la meilleure décision possible lorsqu’ils amorceront leur carrière, l’École de criminologie de l’Université de Montréal a mis au point, en collaboration avec des ingénieurs du Conseil national de recherches du Canada, un robot conversationnel capable de simuler une entrevue avec un mineur ayant commis une infraction.
Cet agent virtuel autonome (AVA) a été utilisé par 92 étudiants dans le cadre d’un cours obligatoire sur l’évaluation du risque, au lieu des scénarios cliniques traditionnels.
«Compte tenu des limites de nos méthodes de formation à l'évaluation du risque et de l'essor des technologies de l'intelligence artificielle, on s'est intéressé à l'efficacité d'un AVA pour la formation à l’évaluation du risque. Plus précisément, on s'est intéressé à examiner l'efficacité perçue d'un AVA sur la capacité à correctement évaluer le risque», explique Ann-Pierre Raiche, une étudiante au doctorat en criminologie à l'Université de Montréal, dont la thèse s’intitule «L’efficacité d'un robot conversationnel ("chatbot") pour la formation à l'évaluation du risque de récidive des mineurs auteurs d’infractions».
Les résultats, présentés cette semaine à l’occasion du 92e Congrès de l’Acfas, ont été concluants. «L’étude souligne que l’AVA est un outil prometteur pour la formation et l'évaluation du risque de récidive, et qu’il est particulièrement utile au niveau de l'acquisition et de la compréhension des connaissances», indique Mme Raiche.
Elle rapporte que l’expérience a permis de constater que «la plupart des participants ont perçu le "chatbot" comme étant utile pour leur apprentissage, principalement au niveau de la compréhension des concepts», et que les étudiants ont trouvé «amusant» et «intéressant» de s’exercer avec l’AVA.
«Essentiellement, les participants ont trouvé que l’AVA les a aidés à mieux comprendre les différentes thématiques qui sont abordées dans le YLS-CMI», affirme la chercheuse, à la lumière des réponses fournies dans le questionnaire rempli par les participants à la fin de leurs 15 semaines de cours.
Le YLS-CMI est un instrument standardisé servant à estimer le niveau de risque de récidive des délinquants âgés de 12 à 18 ans. C’est l’outil privilégié dans les services aux jeunes contrevenants au Québec.
Inspiré de la réalité
C’est d’ailleurs en s’inspirant de l’histoire d’un adolescent membre d’un gang de rue fréquentant un Centre jeunesse que les créateurs ont conçu leur avatar, qu’ils ont baptisé Michael.
«Notre AVA incarne Michael, un jeune homme qui a reçu une peine de mise sous garde et surveillance après avoir été reconnu coupable de plusieurs chefs d'accusation: possession d'arme, déchargement d'arme, omission de se conformer à une ordonnance. Michael est basé sur un vrai jeune avec qui on a fait des entrevues, donc c'est réellement son récit, mais sa voix a évidemment été modifiée», précise Mme Raiche.
Les étudiants ont justement été impressionnés par le réalisme du personnage.
«Ils trouvaient que ça leur permettait de voir la réalité qu'ils pourraient rencontrer dans le cadre de leur travail», dit-elle, d’autant plus que les AVA basés sur l'intelligence artificielle arrivent à comprendre l'intention derrière les questions qui leur sont formulées.
«Beaucoup de personnes nous ont rapporté que ça leur permettait de voir le langage utilisé par les jeunes. Parmi les autres avantages, l’AVA leur permet de développer leur technique d'entrevue, de mettre en pratique la théorie et de concrétiser leurs apprentissages. Une grande majorité des participants ont dit que l’AVA les a aidés à mieux comprendre, par exemple, les types de questions qu'ils devaient poser», se réjouit Mme Raiche.
Trouver la bonne formule
Autre fait intéressant: ceux qui ont le plus aimé l’expérience ont obtenu les meilleures notes à l’examen final.
La doctorante en conclut que «l’efficacité perçue du "chatbot", donc si les participants ont trouvé que le "chatbot" était utile pour leur apprentissage, influence la capacité à évaluer les risques».
Elle ajoute que «les gens qui ont vraiment eu recours au plein potentiel de l'AVA, ç’a facilité leur processus d'apprentissage et ils ont eu de meilleures notes par la suite».
La technologie a cependant ses limites. «Malgré les bénéfices de l’AVA, il est important de combiner les formules pédagogiques. Les étudiants mentionnaient que l’AVA est utile, mais que les discussions de groupe, les rétroactions, les explications et les exemples de l’enseignant sont également très utiles.»
Selon Mme Raiche, il reste maintenant à identifier «la meilleure formule pour bien intégrer ces outils dans les cursus universitaires».
Sébastien Auger, La Presse Canadienne