Des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l'âge retrouvent la vue


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Un appareil mis au point par des chercheurs européens et américains a permis à des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l'âge de retrouver la vue.
Le système PRIMA (pour 'photovoltaic retina implant microarray') «combine un implant photovoltaïque sous-rétinien et des lunettes qui projettent une lumière proche de l'infrarouge vers l'implant afin de restaurer la vue dans les zones d'atrophie rétinienne centrale», expliquent les auteurs de l'étude dans les pages du prestigieux New England Journal of Medicine.
La vision des participants s'est suffisamment améliorée pour qu'ils puissent effectuer des tâches visuelles comme la lecture et l'écriture, ajoutent-ils.
«C'est une énorme avancée, à mon avis, a commenté la docteure Sarah Chorfi, qui est ophtalmologue au Centre hospitalier de l'Université de Montréal et dont l'enthousiasme était palpable lorsque La Presse Canadienne a discuté de cette innovation avec elle.
«Du point de vue de la rétine, de la recherche pour les gens qui ont de la basse vision, pour moi, c'est une excellente nouvelle. Je pense que c'est révolutionnaire.»
Plus spécifiquement, les participants à cette étude souffraient d'atrophie géographique due à la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Il s'agit de la phase finale de la maladie, pendant laquelle le patient perd de manière irrémédiable sa vision centrale ― mais conserve au moins une certaine vision périphérique ― en raison de la détérioration d'une petite section de sa rétine. Certains patients décrivent vivre avec un disque noir dans chaque œil.
L'atrophie géographique due à la dégénérescence maculaire liée à l'âge serait la principale cause de cécité irréversible et toucherait plus de cinq millions de personnes à travers le monde. Elle touche principalement les personnes âgées.
«Ces gens-là ne peuvent plus voir de façon centrale parce que leurs photorécepteurs ne fonctionnent plus, a expliqué la docteure Chorfi. Donc, ces chercheurs se sont dits, c'est pas grave, il n'y a plus de photorécepteurs, on va insérer une puce dans la rétine à l'endroit où il y avait les photorécepteurs pour passer outre ces photorécepteurs et envoyer directement un signal dans le reste de la rétine.»
Ainsi, lors de la nouvelle procédure, un chirurgien insère une minuscule puce photovoltaïque de 2 millimètres carrés, de l'épaisseur d'un cheveu humain, sous la rétine.
On peut comparer cette puce à un panneau solaire qui capte la lumière et la transforme en courant électrique, à la différence près que ce courant permet ensuite de voir au lieu de faire fonctionner le téléviseur. C'est ce que font naturellement les photorécepteurs.
Les patients portent ensuite des lunettes équipées d'une caméra vidéo intégrée qui envoient un faisceau infrarouge d'images vidéo à l'implant situé à l'arrière de l'œil. L'implant les transmet alors à un petit processeur de poche pour les améliorer et les rendre plus claires.
Les images sont enfin renvoyées au cerveau du patient, via l'implant et le nerf optique, ce qui lui permet de retrouver la vue.
«Dans cette étude portant sur 38 participants atteints d'atrophie géographique due à la DMLA, le système PRIMA a restauré la vision centrale et a permis une amélioration significative de l'acuité visuelle entre le début de l'étude et le 12e mois», ont expliqué les auteurs.
Les patients doivent toutefois travailler pendant plusieurs mois pour «rééduquer» leur cerveau et apprendre à interpréter correctement les images.
Ce n'est pas la première fois que cette stratégie est utilisée, a dit la docteure Chorfi, mais il manquait jusqu'à présent une étape importante: celle du raffinement du courant électrique pour permettre une vision relativement claire. Jusqu'à présent, la vision qui était restaurée «n'était aucunement une vision assez bonne pour permettre de lire ou faire un mot croisé».
Les auteurs de l'étude ont vraisemblablement surmonté cette difficulté, en plus sans que leurs patients ne doivent prendre de médication à long terme puisque «la puce est bien tolérée», a-t-elle indiqué.
Cette réussite, a souligné la docteure Chorfi, est en bonne partie attribuable aux travaux d'autres chercheurs qui avaient essayé des stratégies similaires, tout comme la prochaine avancée qui sera annoncée aura une dette envers les auteurs de cette étude.
C'est comme ça que la science progresse, a-t-elle rappelé, «un bloc à la fois, surtout au niveau des yeux parce que c'est tellement complexe, mais là, c'est un gros bloc qui vient d'être ajouté».
On peut donc espérer d'autres annonces porteuses d'espoir, non seulement pour les patients atteints de DMLA, mais aussi pour ceux qui souffrent de maladies comme la rétinite pigmentaire ou la dystrophie maculaire, a-t-elle estimé.
«Je suis autant excitée parce que pour moi, le fait d'avoir réussi à faire, ça ouvre énormément de portes pour le futur, a dit la docteure Chorfi. C'est la version 1.0 de leur innovation et (...) je pense que vraiment il y a place à améliorer leur innovation à eux, donc oui, ce sont de très bonnes nouvelles.»
D'autant plus, a-t-elle ajouté en conclusion, que la compagnie derrière cette innovation travaillerait déjà à améliorer la résolution des images, ce qui serait «un peu comme passer de la télévision que nous avions dans les années 1990 à celle que nous avons aujourd'hui».
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne