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Des Inuit du Nunavut sont brimés par le gouvernement, dit une arbitre

durée 20h28
10 mai 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

IQALUIT, Nunavut — Un arbitre s'est rangé du côté de l'organisation représentant les Inuits du Nunavut, jugeant que les plans des gouvernements fédéral et territorial visant à accroître l'emploi des Inuits dans le territoire ne respectent pas les engagements de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Une partie de l'entente de 1993 vise à accroître l'emploi inuit dans la fonction publique du Nunavut à des niveaux représentatifs de la population inuite du territoire — 85 %.

Dans un différend qui a été soumis à l'arbitrage en 2020, Nunavut Tunngavik Inc., ou NTI, a fait valoir que les plans des gouvernements n'étaient pas entièrement conformes à cet accord.

Dans une première décision, l'arbitre Constance Hunt a donné raison à l'organisation inuit. Elle a constaté que les plans actuels des gouvernements ne fixent pas d'objectifs à long terme qui expliquent comment chaque ministère atteindra et maintiendra des emplois inuits représentatifs, et qu'il est difficile de déterminer dans quelle mesure et où des progrès ont été réalisés.

Elle a également déclaré que les plans du gouvernement du Nunavut n'utilisent pas les codes de la Classification nationale des professions et ne traitent pas de l'emploi régulier à temps partiel.

«Cette décision marque un tournant dans la vie des Inuits du Nunavut et dans l'avancement de notre position sociale et économique au sein du territoire du Nunavut et rappelle aux gouvernements de se conformer à leurs obligations légales en vertu de l'Accord du Nunavut », a déclaré le président de la NTI, Aluki Kotierk, dans un communiqué. 

«En tant que société qui vivait autrefois sur la terre, nous savions à quel point chaque personne est importante, quel que soit le rôle qu'elle joue. Et maintenant que nous vivons dans des communautés où beaucoup trop d'Inuits sont au chômage, le sentiment d'être sans valeur ou de ne pas avoir autant de valeur devient un lourd fardeau... et cela ronge notre estime de soi», a-t-il ajouté.

Les Inuits sont considérablement sous-représentés dans la fonction publique du Nunavut, qui est le plus gros employeur du territoire. Le taux d'emploi des Inuits du gouvernement du Nunavut est demeuré autour de 50 % depuis 2012, tandis qu'un rapport de 2018 sur la main-d'œuvre inuite du Nunavut indiquait que 40 % des employés fédéraux sur le territoire étaient des Inuits. Un employé fédéral a témoigné lors de l'arbitrage qu'il est passé à 48 % au cours des dernières années.

Ce rapport a révélé que la représentation des Inuits était la plus élevée dans les postes administratifs et avait tendance à être plus faible dans les rôles de gestion, de supervision, scientifiques et professionnels. Il a identifié les responsabilités familiales, le manque d'opportunités dans les communautés d'origine des personnes, la santé et les traumatismes historiques comme des obstacles.

«Il y a tellement de choses qui sont impliquées dans l'embauche d'Inuits au sein du gouvernement, leur maintien en poste et leur promotion, a rappelé Marie Belleau, conseillère juridique en chef chez NTI, lors d'une conférence de presse mercredi. Tout cela nécessite des étapes actives et ambitieuses où cela doit vraiment être une priorité.»

«C'est réalisable et c'était l'objectif et les étapes étaient déjà énoncées dans l'Accord du Nunavut en 1993 lorsque l'accord a été signé», a-t-elle relevé.

Le gouvernement fédéral a préparé neuf plans d'emploi des Inuits pour ses ministères et une ébauche d'un plan pangouvernemental. Le Nunavut a publié 14 plans pour ses ministères et un plan directeur pour avoir 54 % d'emplois inuits d'ici 2020 et 58 % d'ici 2023.

Aucun de ces plans n'établit d'objectifs pour atteindre 85 % d'emplois inuits ni ne précise comment cela serait maintenu.

Les gouvernements ont fait valoir que les objectifs à long terme sont moins fiables et plus difficiles à atteindre.

Le Dr Michael Prince, professeur Lansdowne de politique sociale à l'Université de Victoria, a témoigné pendant l'arbitrage qu'en vertu des dispositions actuelles, il ne prévoyait pas que des niveaux d'emploi représentatifs pourraient être atteints avant la fin du siècle.

Mme Belleau a déclaré que NTI a proposé des solutions et dispose maintenant de 60 jours pour en discuter avec les gouvernements fédéral et territorial. C'est un processus confidentiel, dit-elle, et cela pourrait entraîner des dommages pécuniaires.

«Nous recherchons évidemment des mesures qui peuvent améliorer les efforts des gouvernements dans la réalisation de plans d'emploi adéquats pour les Inuits», a-t-elle avancé.

«Je pense que le plus grand résultat, le plus grand résultat positif de cela, serait que les obligations soient réellement remplies, donc nous ne nous retrouverons pas dans des années à essayer à nouveau de comprendre comment nous pouvons faire comprendre aux gouvernements à quel point il est important de vivre à la hauteur des obligations », a renchéri M. Kotierk.

Si les parties ne parvenaient pas à un accord, le différend reviendrait à l'arbitrage pour déterminer les remèdes.

Le territoire n'a pas fourni de commentaire immédiat.

Kyle Allen, un représentant du ministre des Affaires du Nord Dan Vandal, a indiqué dans un courriel que le gouvernement fédéral réexaminait la décision de l'arbitre.

« L'augmentation de l'emploi des Inuits demeure une priorité pour notre gouvernement et nous comprenons ses impacts socio-économiques, ainsi que son rôle important dans l'autodétermination des Inuits , a-t-il écrit. Notre gouvernement continuera de travailler avec ses partenaires à l'élaboration d'un plan d'action.»

NTI avait déjà conclu un règlement avec le gouvernement fédéral en 2015, après avoir déposé une plainte en faisant valoir que le Canada n'avait pas tenu diverses promesses en vertu de l'Accord du Nunavut.

Ottawa a accepté de fournir un peu plus de 255 millions de dollars en compensation, que NTI a déclaré qu'il dépenserait en grande partie pour la formation pour l'emploi des Inuits. Le règlement a également permis un nouveau processus de règlement des différends.

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Cette histoire a été produite avec l'aide financière du Meta et de la Canadian Press News Fellowship.

Emily Bake, La Presse Canadienne