Des chercheurs montréalais développent un nouvel outil pour affronter le 'Terminator'

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Des chercheurs montréalais ont développé un nouvel outil pour affronter le glioblastome, un cancer du cerveau si impitoyable que certains le surnomment le 'Terminator'.
La médecine moderne est essentiellement démunie face au glioblastome, et l’espérance de vie des patients n’est que d’une année ou deux après le diagnostic.
L'objectif du nouvel outil, baptisé Sentry, est d'améliorer cette statistique en aidant les chirurgiens à retirer toutes les cellules cancéreuses possibles avant qu'elles ne puissent se régénérer.
«Le glioblastome est un cancer très agressif. Le pronostic des patients dépend en grande partie de la quantité de tumeur qui subsiste après l'opération, a expliqué le docteur Kevin Petrecca, le chef du service de neurologie du Centre universitaire de santé McGill.
«La radiothérapie et la chimiothérapie ne sont pas curatives. Mais si on peut réduire la quantité de cellules cancéreuses à un très petit nombre, il est alors possible d'obtenir de très bons taux de survie à long terme et c'est ce qui a motivé la mise au point de ce dispositif.»
Le problème avec cette chirurgie est que «la tumeur n'a pas de marge, c'est un type de cancer sans marge», a-t-il ajouté. Par conséquent, lorsque le chirurgien essaie d'enlever la tumeur, il lui est difficile de faire la différence entre le tissu cancéreux et le cerveau normal. Et évidemment, lorsqu'il s'agit de cellules cérébrales normales, «il n'est pas souhaitable de les enlever en raison des déficits que cela entraînerait pour les patients», a dit le docteur Petrecca.
Sentry ressemble à un crayon avec lequel le chirurgien touche au tissu dont la nature est incertaine. Sentry envoie des lasers qui sont modifiés par la nature du tissu, ce qui indique au chirurgien de quoi il s'agit.
Sentry fait appel à l'intelligence artificielle pour comparer les tissus avec lesquels il est en contact à des milliers d'échantillons. Cela lui permet de distinguer les cellules cancéreuses des cellules saines avec une grande précision, ce qui aide le chirurgien à éliminer davantage de cellules malades tout en laissant le reste du cerveau intact.
«On a entraîné l'outil pendant plusieurs années pour les glioblastomes, a dit le professeur Frédéric Leblond, de Polytechnique Montréal. Mais dans la dernière année, nous avons constaté que l'IA que nous avons développée pour les glioblastomes se généralise à toutes les tumeurs cérébrales.»
Les chercheurs ont aussi été en mesure, a ajouté M. Leblond, de «démontrer, avec des études cliniques, qu'il y a une utilité pour d'autres maladies». L'outil serait, par exemple, en mesure d'identifier le cancer du sein, le cancer du poumon, le cancer de la prostate et le cancer colorectal.
Lorsque le docteur Petrecca a testé l'outil chez une vingtaine de patients, il a obtenu un taux de succès de près de 100 % avec le glioblastome et le gliome (une forme moins agressive de cancer du cerveau), un résultat qui va au-delà des attentes des chercheurs.
«Pour nous, il y a un peu eu un changement de paradigme depuis quelques mois», a confié le professeur Leblond.
Un patient opéré pour un glioblastome peut s'attendre à survivre entre douze et dix-huit mois si le chirurgien ne parvient pas à retirer la totalité du cancer. S'il réussit à faire une résection complète de la partie visible de la tumeur, l'espérance de vie passe à deux ou trois ans, a dit le docteur Petrecca.
Mais il est possible d'aller encore plus loin et de procéder à ce que les médecins appellent une «résection supratotale», ou «super résection totale», lors de laquelle le chirurgien retire des cellules cérébrales qui semblent saines, mais qui ont probablement été infiltrées par le cancer.
L'espérance de vie passe alors à cinq ou six ans, et environ le quart des patients qui subissent une résection supratotale pourront espérer une rémission complète.
«Je pense qu'on peut améliorer ça et passer à 40 %, a conclu le docteur Petrecca. (Sentry) nous permet d'espérer une survie à long terme. Il y a dix ans, on surnommait le glioblastome 'Terminator', et on essaie de changer ça pour obtenir de très bons résultats, voire des guérisons, pour près de 40 % de la population. C'est énorme. Il n'existe pas beaucoup d'autres technologies, dispositifs ou médicaments capables d'obtenir de tels résultats pour une forme de cancer aussi agressive.»
Les chercheurs s'affairent actuellement à obtenir toutes les autorisations réglementaires nécessaires pour que Sentry puisse venir combattre le Terminator dans les salles d'opération de la planète le plus rapidement possible. La puissante Food and Drug Administration des États-Unis aurait notamment l'intention de lui accorder un traitement prioritaire.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne