Des chercheurs de l'IRCM élucident une partie de la réponse immunitaire


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Certaines cellules immunitaires se développent différemment des autres et réagissent moins vigoureusement aux attaques contre l'organisme, ont constaté des chercheurs montréalais.
Cette découverte pourrait un jour mener au développement de nouvelles thérapies, notamment face à des maladies comme le cancer.
Ces cellules, les MAIT, «sont connues depuis beaucoup moins longtemps» que d'autres types de lymphocytes T — comme les lymphocytes T régulateurs (ou Treg) — a dit le docteur André Veillette, de l’Institut de recherches cliniques de Montréal.
«Ça a pris beaucoup de travaux pour comprendre ce que font les Treg, et elles sont importantes et c'est pour ça qu'il y a eu un prix Nobel, et ce n'est pas impossible qu'il y ait un jour un prix Nobel pour les cellules MAIT», a-t-il indiqué.
Le prix Nobel de médecine a été décerné cette année à trois chercheurs qui ont percé les mystères des lymphocytes T régulateurs, des cellules dont le rôle est essentiellement d'empêcher le système immunitaire de déraper et de commencer à attaquer les cellules saines.
Les cellules MAIT étudiées par l'équipe du docteur Veillette vivent dans des endroits tels que les poumons et l'intestin, mais elles se déplacent également dans le sang et dans d'autres organes.
Contrairement à de nombreuses cellules immunitaires, ce sous-type de lymphocyte T est conçu pour repérer les molécules produites par les bactéries et autres microbes. Il réagit donc rapidement et relie les défenses rapides, mais générales, de l'organisme à une réponse immunitaire plus ciblée.
Jusqu'à présent, les chercheurs pensaient que les cellules MAIT se développaient comme les autres cellules T. Mais l'équipe de l'IRCM a découvert qu'elles suivent leur propre chemin de croissance, contrôlé par différentes molécules à leur surface. Cela explique comment elles mûrissent et pourquoi leur activité change en fonction des besoins de l'organisme.
L'équipe a également découvert un groupe de cellules MAIT qui réagit moins fortement aux menaces. Apprendre à stimuler ou à ajuster ces cellules pourrait conduire à de nouveaux traitements pour les infections, les maladies auto-immunes et même le cancer.
«On ne sait pas grand-chose au sujet des cellules MAIT, a admis le docteur Veillette. Mais on sait que les bactéries dans l'intestin vont utiliser la vitamine B, puis ça va faire des sous-produits qui vont circuler dans le sang et qui vont être capables d'activer ces cellules MAIT pour monter une réponse (immunitaire).»
Mais il s'agit là d'une «arme à double tranchant», a-t-il poursuivi, puisque cette réponse «se retourne parfois contre le corps». L'objectif maintenant est donc de déterminer comment on peut modifier les cellules MAIT pour qu'elles soient «plus bénéfiques que délétères», a indiqué le docteur Veillette.
Une première étape en cette direction a été franchie quand le docteur Veillette et ses collègues ont identifié un récepteur à la surface des cellules MAIT, le CD2, qui contrôle leur développement et leur activation.
On pourrait un jour envisager de cibler CD2 pour augmenter ou diminuer la fonction des cellules MAIT «selon ce qu'on veut faire», a dit le docteur Veillette.
On parle souvent des cellules T conventionnelles pour les réponses contre les vaccins, pour le rôle qu'elles jouent dans les maladies auto-immunes ou pour la protection contre les cancers, et qu'on peut utiliser en immunothérapie, a-t-il souligné.
«Mais il y a aussi d'autres types, des petites populations de lymphocytes T qui ont des fonctions spécialisées puis qui peuvent vraiment aussi être importantes pour le développement ou la prévention de maladies humaines, et qui peuvent être des cibles thérapeutiques dépendant si on veut augmenter ou diminuer la réponse immunitaire», a rappelé le docteur Veillette.
Et au-delà de la lutte contre le cancer, un mauvais fonctionnement des cellules MAIT pourrait jouer un rôle dans différentes maladies auto-immunes et même dans le diabète, a-t-il ajouté.
Le domaine de l’immunothérapie est en pleine ébullition et est à l’origine des percées les plus prometteuses réalisées dans la lutte contre le cancer depuis une dizaine d’années. La thérapie ne peut toutefois pas être offerte à tous les patients, d'où l'importance de poursuivre les recherches pour mieux comprendre comment exploiter pleinement le potentiel du système immunitaire.
«Des preuves ont été obtenues que les cellules MAIT peuvent être soit protectrices, soit délétères dans la pathogénie de la maladie. En conséquence, il a été proposé que la modulation ou l'ingénierie des cellules MAIT peut être utile pour le traitement des maladies humaines», écrivent ainsi les auteurs de l'étude publiée par le Journal of Experimental Medicine.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne