Des applications peuvent être utiles pour réduire son temps d'écran


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — L'application «Focus Friend», qui vise à empêcher son utilisateur de naviguer sur son cellulaire, a été téléchargée des centaines de milliers de fois, faisant beaucoup jaser dans les dernières semaines. Pour une experte, ce genre d'applications peuvent être utiles pour prendre conscience de son utilisation des écrans et tenter de réduire le temps passé sur nos appareils électroniques.
L'objectif de «Focus Friend» est de ne pas interrompre un haricot, le personnage de l'application, en train de tricoter pendant une période déterminée par l'utilisateur. Sinon, il ne pourra pas terminer les bas qu'il est en train de concevoir. Avec ses créations, il est possible de faire l'acquisition d'objets permettant de décorer la pièce dans laquelle se trouve son haricot virtuel.
Plusieurs autres applications du genre sont aussi disponibles, comme «Forest», qui permet de faire pousser des arbres lorsque la personne ne touche pas à son téléphone.
«Je trouve que ces applications-là sont vraiment intéressantes, parce qu'elles augmentent la conscience de notre comportement», affirme Magali Dufour, psychologue et professeure au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
La psychologue indique que des études évaluant l'efficacité de ces outils ne semblent pas disponibles pour l'instant. Elle explique cependant que, lorsque l'on souhaite faire un changement, la première chose à faire est d'être conscient de son comportement pour ensuite tenter de le réduire et de défaire le conditionnement qui s'est installé.
«Avec les écrans, il n'y a pas juste: "j'ai envie" (de l'utiliser), il y a un réflexe», souligne Mme Dufour. Elle donne comme exemple lorsqu'une personne souhaite consulter un courriel, mais qu'elle se trouve soudainement sur Instagram ou TikTok, et qu'elle se demande comment elle est arrivée là.
«On a développé des réflexes, donc ces applications-là nous permettent d'avoir un peu de temps pour faire des choix. Et ça, moi, je trouve que c'est intéressant. Maintenant, ce serait intéressant qu'il y ait des études pour pouvoir documenter l'efficacité, puis si elles sont efficaces, elles sont efficaces auprès de qui. Je pense que ça peut être des outils pour aider, mais ça ne devrait pas être les seuls.»
Les applications comme «Focus Friend» ou «Forest» se basent sur le principe que l'utilisateur «gagne» quelque chose lorsqu'il passe du temps sans toucher à son téléphone intelligent.
«Ils ont essayé de nous donner une récompense parce que, sinon, la récompense n'est pas si facile que ça à trouver. Alors que, quand on va sur les applications, on est hyper récompensés. On est distrait, peut-être que ça nous fait rire», évoque la psychologue.
Mme Dufour explique que ces applications utilisent ainsi le principe du conditionnement, de la même façon que nous récompensons un chien lorsqu'on lui apprend un truc.
«Si l'on veut changer quelque chose habituellement, il faut que ce nouveau comportement-là nous apporte quelque chose dans notre vie. Surtout que là on veut acquérir le fait de ne pas toucher, de se concentrer», précise la professeure à l'UQAM.
«Si l'on veut arrêter d'y aller, il va falloir que notre nouveau comportement aussi nous permette, peut-être, de maintenir notre estime de soi, ou qu'on soit fier de ce nouveau comportement-là», ajoute-t-elle.
Des actions collectives nécessaires
Mme Dufour indique qu'au-delà de ces applications, il existe d'autres stratégies pour tenter de réduire son temps d'écran. Elle souligne que le site web de la campagne PAUSE propose plusieurs stratégies pour les jeunes comme pour les adultes. Parmi elles, on compte le fait de laisser son cellulaire à la maison ou de trouver d'autres activités qui nous distraient sans être sur notre téléphone.
La psychologue indique que ce n'est pas «si facile» de défaire le conditionnement d'aller sur son cellulaire, alors que certaines personnes peuvent prendre leur cellulaire dans leurs mains plusieurs dizaines de fois par jour, ce qui en fait une action très renforcée.
«Pour pouvoir défaire cette association-là, ça va être complexe, ça va prendre un certain temps, et il va falloir être persistant», souligne-t-elle.
Mme Dufour indique que l'on perçoit maintenant une préoccupation des citoyens quant à leur temps passé sur les écrans.
Selon le Portait numérique des foyers québécois, publié en décembre 2024 par l'Académie de la transformation numérique (ATN) de l'Université Laval, 70 % des internautes de la génération des 18-34 ans estiment passer trop de temps sur les écrans, contre 55 % chez l'ensemble des internautes.
«Il y a beaucoup de culpabilité, la plupart des gens ont un regard assez critique envers leur utilisation des écrans, d'Internet, de leur cellulaire et aimeraient changer», affirme-t-elle.
La professeure estime toutefois que, même si des gestes individuels comme les applications d'autocontrôle sont intéressants, des actions plus collectives sont nécessaires pour amener les citoyens à réduire leur temps d'écran.
«Peut-être qu'il va falloir discuter avec les fournisseurs d'Internet, les créateurs des applications, pour justement qu’ils développent des outils ou qu’ils nous aident à développer des outils pour nous soutenir. Ou encore, qu’ils créent des outils qui n'ont pas pour objectif de nous rendre dépendants, ou d'augmenter le risque qu'on développe des problèmes d'utilisation», détaille-t-elle.
«Je pense qu’il faut qu’il n’y ait pas juste des solutions individuelles, mais ça va prendre des solutions au niveau de la société, au niveau des opérateurs, au niveau également du gouvernement.»
Coralie Laplante, La Presse Canadienne