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De nouvelles lignes directrices sur la prévention du VIH, axées sur la PPrE

durée 09h19
1 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

Une coalition de médecins de partout au Canada publie de nouvelles lignes directrices sur la prescription de médicaments préventifs contre le VIH, en mettant l’accent sur la promotion et la sensibilisation accrues à cette nouvelle classe de médicaments.

Les lignes directrices cliniques, publiées lundi dans le Journal de l’Association médicale canadienne, proposent 31 recommandations et 10 bonnes pratiques pour la prescription de médicaments antirétroviraux avant et après une exposition potentielle au VIH, afin de prévenir l’infection.

Le Dr Darrell Tan, auteur principal de l’étude, a indiqué que 19 médecins ont bénévolement consacré leur temps au cours des trois dernières années à l’examen des recherches les plus récentes et à la rédaction des nouvelles lignes directrices. L'éventail des options de prophylaxie préexposition (PPrE) et de prophylaxie post-exposition (PPE) disponibles s’est élargi depuis la publication des dernières lignes directrices en 2017.

Ces recommandations visent à freiner la hausse des infections au VIH au Canada observée ces dernières années, dans le cadre de l’objectif national d’éliminer cette infection transmissible sexuellement en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030.

«Nous sommes loin d’atteindre cet objectif ambitieux», a souligné le Dr Tan, médecin-chercheur à l’hôpital St. Michael’s.

L’Agence de la santé publique du Canada a indiqué que les taux de diagnostic du VIH ont augmenté de façon constante de 2021 à 2023, selon les données les plus récentes disponibles.

On a constaté une augmentation de 35 % des nouveaux cas de VIH entre 2022 et 2023, soit 2434 diagnostics. Il y avait 1800 nouveaux cas en 2022 et plus de 1450 en 2021. Les données de 2024 doivent être publiées lundi.

Selon le Dr Tan, cette hausse est attribuable à de «profondes inégalités historiques et structurelles» qui désavantagent certaines populations en matière d’accès à la PPrE et la PPE.

Plus du tiers des nouvelles infections concernent des femmes, 38 % des hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, et 25 % des personnes qui s’injectent des drogues.

Les infections ont durement touché certaines communautés autochtones, la Saskatchewan et le Manitoba enregistrant un nombre de cas supérieur à la moyenne nationale.

Le Dr Tan a déploré que les autorités nationales, provinciales, régionales et territoriales n’aient pas davantage diffusé de messages de santé publique sur la PPrE et la PPE afin de lutter contre la stigmatisation qui entoure parfois ces médicaments. «Presque tous les Canadiens savent pertinemment que les autorités de santé publique sont favorables à la vaccination contre la grippe», a-t-il soutenu.

«C’est un échec de la part des autorités de santé publique de ne pas avoir diffusé le message de façon positive.»

L’Agence de la santé publique du Canada affirme assurer un leadership national en matière de prévention et de contrôle des infections transmissibles sexuellement et par le sang grâce à son guide sur le sujet destiné aux professionnels de la santé.

Dans ce guide, l’agence fédérale fait référence aux lignes directrices sur la PPrE contre le VIH élaborées par le Réseau canadien d’essais cliniques sur le VIH des Instituts de recherche en santé du Canada.

Faciliter l'accès à la PPrE

La nouvelle ligne directrice stipule qu’un professionnel de la santé devrait prescrire la PPrE à toute personne qui en fait la demande, même si celle-ci ne divulgue pas ses facteurs de risque de VIH, plutôt que de faire en sorte que les médecins en contrôlent l’accès.

«Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les gens peuvent ne pas divulguer leurs comportements à risque de VIH aux professionnels de la santé, notamment la honte, la méfiance envers le système médical et les obstacles structurels liés à l’homophobie, à la transphobie, au racisme, aux pratiques coloniales, à la stigmatisation liée au VIH et à d’autres formes de discrimination», précise la ligne directrice.

La Dre Ameeta Singh, membre du comité d'élaboration des lignes directrices, a déclaré que celles-ci visent à faciliter l'accès à la PPrE.

Les médecins de toutes les spécialités, notamment en soins primaires et en santé reproductive, devraient également proposer activement ce médicament s'ils identifient des facteurs de risque, comme les rapports sexuels non protégés, des antécédents d'infection sexuellement transmissible bactérienne, un nombre élevé de partenaires et l'injection de drogues.

L'éventail croissant des options de PPrE disponibles est également abordé, et les lignes directrices décrivent les situations appropriées dans lesquelles elles devraient être proposées. Outre les comprimés quotidiens et «à la demande», Santé Canada a approuvé un médicament injectable à action prolongée en 2024.

Cette option à action prolongée se prend tous les deux mois, ce qui, selon la Dre Singh, est particulièrement avantageux pour les personnes qui s'injectent des drogues et qui ont un logement instable, car il serait difficile de prendre un comprimé quotidiennement.

«C'est là que les agents injectables ont un énorme potentiel», a souligné la Dre Singh, professeure clinicienne à la division des maladies infectieuses de l'Université de l'Alberta.

Elle a ajouté que la prochaine étape consiste pour les décideurs politiques à faire de la mise en œuvre de ces lignes directrices une priorité.

Appel à l'action

Le Dr Sean Rourke, scientifique au Centre MAP pour les solutions de santé urbaine de l'hôpital St. Michael's, aurait souhaité que les lignes directrices abordent davantage la question des moyens d'atteindre les communautés présentant les taux de VIH les plus élevés, en particulier les Autochtones des Prairies.

Selon l'organisme Communities, Alliances and Networks, qui traite des enjeux liés au VIH dans un contexte autochtone, les Autochtones représentaient 19,6 % des nouveaux diagnostics de VIH en 2023 (lorsque l'origine ethnique était rapportée) et seulement 5 % de la population.

«Le document ne dit rien sur la façon d'atteindre ces personnes», a-t-il affirmé.

Le Dr Rourke et une équipe de défenseurs des droits des personnes vivant avec le VIH collaborent avec des leaders autochtones afin d'atteindre les populations des communautés les plus touchées du Canada. Un programme de dépistage du VIH qu'ils ont lancé en mars pour les communautés mal desservies et éloignées des Prairies a permis de dépister plus de 15 000 personnes.

«Ce sont les plus vulnérables qui sont touchés, trois ou quatre fois plus que prévu, car d'autres facteurs entrent en jeu et le filet de sécurité sociale est inexistant», a-t-il indiqué.

Le Dr Rourke a expliqué que des solutions comme ce programme de dépistage existent déjà pour remédier aux inégalités en matière de santé.

Cependant, a-t-il ajouté, «cela ne se fait pas tout seul. Et c'est là le problème.»

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Hannah Alberga, La Presse Canadienne

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