Commission Viens: le Protecteur du citoyen craint un recul des droits autochtones

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Par La Presse Canadienne, 2025
Le Protecteur du citoyen du Québec craint des reculs quant au respect des droits des Premières Nations et des Inuit dans les services publics.
Marc-André Dowd a fait part de ses préoccupations dans une présentation sur l’état des lieux de la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (CERP), aussi connue sous le nom de commission Viens, jeudi.
«Deux ans après la publication de notre premier rapport de suivi, nous constatons que les lacunes demeurent préoccupantes. De plus, le contexte actuel de restriction budgétaire et la non-reconduction de certains financements compromettent plusieurs acquis et risquent même d’entraîner des reculs», déplore-t-il.
Le document décrit les progrès réalisés et les défis persistants selon quatre thèmes: la sécurité culturelle, les droits linguistiques, l’autodétermination et les enjeux globaux.
M. Dowd se montre particulièrement critique au sujet de la sécurité culturelle. À la suite des réponses fournies par les ministères et les organismes visés par la CERP et des échanges avec le Cercle consultatif, composé de représentants d’organisations des Premières Nations et des Inuit, il affirme que la Loi instaurant l’approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux, adoptée par le gouvernement Legault en 2024, «nécessite une transformation profonde de vision et de pratiques pour être appliquée».
Le Protecteur du citoyen souligne qu’aucun financement n’a été prévu en ce sens et que Santé Québec n’a pas établi un plan commun pour l’ensemble de ses établissements. Il ajoute que «l'exigence même d'une approche de sécurité culturelle doit s'appliquer dans les autres services publics», comme la justice et l’éducation, et «ne pas se limiter au secteur de la santé et des services sociaux».
Le rapport indique que l’embauche de personnel issu des Premières Nations et des Inuit est «fondamentale» pour garantir la sécurité culturelle dans les services offerts par l’État. M. Dowd note que leur recrutement et leur rétention sont cependant encore difficiles «à cause de la précarité structurelle des postes». Selon lui, «la fin de plusieurs financements compromet des mesures essentielles», dont la formation du personnel dans les établissements de détention.
Par ailleurs, l’ombudsman observe que les exceptions à la Charte de la langue française visant à protéger les droits linguistiques des Premières Nations et des Inuit comportent «des angles morts» dans leur application concrète. Il donne l’exemple de sages-femmes anglophones qui assurent un accompagnement culturellement adapté dans leur communauté, mais qui ne sont pas légalement autorisées à poursuivre cet accompagnement lors d’un transfert en milieu hospitalier à l’extérieur de la communauté.
M. Dowd rapporte également que des jeunes hébergés en centre de réadaptation continuent de recevoir des consignes leur interdisant de communiquer avec leurs pairs dans leur langue maternelle à l’intérieur de l’établissement.
Ce rapport constitue une analyse qualitative de l’application de 129 appels à l’action de la CERP. Les 13 autres seront traités dans le prochain rapport de suivi, qui portera spécifiquement sur la protection de la jeunesse.
«Les enjeux soulevés dans notre rapport démontrent l’ampleur du travail à réaliser, un travail qui doit se baser sur une reconnaissance formelle et une intégration réelle du droit à l’autodétermination des Premières Nations et des Inuit», conclut le Protecteur du citoyen.
Sébastien Auger, La Presse Canadienne