Children: des listes d'attente en chirurgie sont réduites à zéro

MONTRÉAL — Plus aucun petit patient n'attend une chirurgie depuis plus de neuf mois à l'Hôpital de Montréal pour enfants, au terme d'une réorganisation des ressources qui aura mis plusieurs années à se concrétiser.

La liste des patients en attente d'une chirurgie depuis douze mois ou plus a été la première à être réduite à zéro cet été, puis le même objectif a été atteint le 31 octobre avec la liste des patients qui attendaient depuis neuf mois.

«C'est une problématique morale (...) de faire attendre des enfants plus d'un an pour avoir accès à des soins chirurgicaux, a dit le chef de la chirurgie au Children, le docteur Sam Daniel. C'est quelque chose qui est difficile pour nous, comme équipe.

«Donc l'idée, c'était de vraiment organiser le système, puis d'améliorer l'accès et de s'outiller pour pouvoir éliminer les enfants qui attendent plus d'un an pour une chirurgie. C'était un effort collectif qui est parti d'une vision.»

Les listes dont il est ici question concernent les patients «disponibles» pour la chirurgie, a-t-on expliqué par voie de communiqué, c’est-à-dire ceux qui sont prêts à être opérés. On n’y comptabilise pas les patients qui doivent recevoir un traitement avant la chirurgie, ou encore ceux en attente parce qu’ils doivent s’absenter.

Un comité multidisciplinaire a été mis sur pied pour analyser la situation. On retrouve toutefois au cœur de cet exploit ― rare dans le réseau québécois de la santé, faut-il le rappeler ― le travail d'analystes de données qui se sont affairés à comprendre comment organiser l’horaire des chirurgies pour réduire la liste d’attente, définissant par des modèles mathématiques combien de jours de chirurgie chaque médecin avait besoin en fonction du nombre de patients en attente.

«L'analyse nous a donné un calcul du nombre de salles que chaque division (chirurgicale) devait avoir selon sa liste d'attente, a expliqué Sonia Guilbeault, l'infirmière-chef par intérim des salles d'opération à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Donc, on a dû revoir (le) calendrier chirurgical, on a donné plus de temps aux divisions qui en avaient besoin, en en enlevant à celles qui en avaient trop par rapport à leur liste d'attente. C'était un gros défi de communication.»

Un partenariat a également été établi avec la Clinique d’anesthésie AGM, un centre médical spécialisé qui a pu prendre en charge une partie des chirurgies plus simples et ne nécessitant pas d’hospitalisation.

Mais tout importante soit-elle, la modélisation mathématique n'était qu'un début, a précisé le docteur Daniel: encore fallait-il qu'on puisse préparer adéquatement les enfants avant leur intervention et les accompagner après, que les équipements nécessaires aux chirurgies soient disponibles, ou encore que les chirurgiens soient libres pour profiter du temps qui leur était maintenant offert.

«Il fallait établir des balises de sécurité, a-t-il souligné. Quand, tout d'un coup, on commence à faire des choses différemment, il fallait réviser tous nos protocoles de soins pour dire si quelque chose arrive, qu'est-ce qu'on fait?»

Et c'est sans compter ce que le docteur Daniel appelle les «angles morts», comme les patients qui attendent depuis un an ou plus, mais dont le cas n'est pas considéré urgent ― «oui mais, urgent pour qui?», demande-t-il ― ou les employés qui ont dû multiplier les efforts de conciliation travail-famille pour la réussite du projet.

Ultimement, a dit Sonia Guilbeault, «tout le monde a embarqué, parce que tout le monde pensait que c'était important».

Au fur et à mesure que les listes d'attente fondaient, a-t-elle ajouté, les équipes se sont «imprégnées du projet» et ont mis l'épaule à la roue pour atteindre les objectifs.

«On a un système qui est bon et qui est bienveillant, a conclu le docteur Daniel. Il faut juste le nourrir de bienveillance pour qu'il continue à fonctionner.»

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne