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«Canalisation 5»: le débat commence au Wisconsin sur l'oléoduc transfrontalier

durée 08h48
18 mai 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

WASHINGTON — Le débat existentiel de l'Amérique du Nord sur les vertus et les dangers des oléoducs et des gazoducs entre dans une étape cruciale dès jeudi dans le Wisconsin.

C'est là qu'un juge du tribunal de district entendra les arguments sur la possibilité de fermer la canalisation 5, un oléoduc transfrontalier essentiel entre le Canada et les États-Unis.

La Première Nation Chippewa de Bad River du lac Supérieur affirme que les inondations printanières ont rendu le risque d'une brèche sur son territoire du nord du Wisconsin trop grand pour être ignoré.

L'entreprise propriétaire, Enbridge, établie en Alberta, affirme que la Première Nation surestime le risque et empêche l'entreprise de prendre des mesures de protection.

Lors de l'audience de jeudi, des avocats de l'État du Michigan se prononceront, eux qui tentent de fermer la canalisation 5 depuis 2019 devant leurs propres tribunaux.

On ne sait pas combien de temps dureront les audiences ni à quelle vitesse le juge du tribunal de district William Conley statuera sur la demande de la Première Nation pour une ordonnance de fermeture de la canalisation.

La Première Nation, qui soutient que le droit d'Enbridge d'exercer sur son territoire a expiré depuis longtemps, craint une catastrophe imminente après les inondations printanières le long de la rivière Bad qui, selon elle, ont miné le terrain autour de la canalisation.

Enbridge dit être préparée

Pour sa part, Enbridge insiste sur le fait que ces affirmations d'urgence sont exagérées – et que la fermeture de l'oléoduc serait une solution draconienne.

«Bien qu'elle ait dû prouver à la fois sa responsabilité et les motifs d'une injonction, la Première Nation n'a fait ni l'un ni l'autre. La requête doit donc être rejetée», a soutenu Enbridge dans un mémoire déposé avant l'audience.

«Aucun déversement de pétrole n'est "prêt à avoir lieu", "arrivera prochainement" ou "est réel et immédiat"», a ajouté l'entreprise.

Et même si le risque était élevé, une fermeture serait inappropriée, plaide Enbridge, soulignant un plan d'urgence ordonné par le tribunal qui énonce les mesures à prendre si la menace était effectivement urgente.

«Enbridge purgera et fermera la ligne de manière préventive bien avant toute rupture potentielle», indique le mémoire, ajoutant que la zone reste surveillée par vidéo, 24 heures sur 24.

«Toute inondation et érosion n'a pas pris et ne prendrait pas Enbridge par surprise.»

Les fortes inondations qui ont commencé au début d'avril ont emporté des portions importantes de la rive où la canalisation 5 croise la rivière Bad, un parcours sinueux de 120 kilomètres qui alimente le lac Supérieur et un réseau complexe de zones humides délicates écologiquement.

Le groupe est devant les tribunaux avec Enbridge depuis 2019 dans le but d'obliger le propriétaire et l'exploitant de l'oléoduc à rediriger la canalisation 5 autour de son territoire traditionnel – ce que l'entreprise a déjà accepté de faire.

Mais l'inondation a transformé un risque théorique en un risque très réel, affirme le groupe, qui demande que l'oléoduc soit fermé immédiatement pour éviter une catastrophe.

Risques de «préjudice irréparable»

Le Michigan, dirigé par la procureure générale Dana Nessel, soutient depuis 2019 que ce n'est qu'une question de temps avant que la canalisation 5 ne fuie dans le détroit de Mackinac, la voie navigable écologiquement délicate où elle traverse les Grands Lacs.

«L'érosion alarmante du méandre de la rivière Bad constitue une menace imminente de dommages irréparables au lac Supérieur qui dépasse de loin le risque d'impacts associés à l'arrêt de l'oléoduc de la canalisation 5», a expliqué Mme Nessel dans son mémoire.

«Sans intervention judiciaire, il est probable que ce préjudice irréparable sera infligé non seulement à la Première Nation, mais également au Michigan, à ses habitants et à ses ressources naturelles.»

Les arguments économiques contre la fermeture du pipeline – qui transporte quotidiennement 540 000 barils de pétrole et de liquides de gaz naturel à travers le Wisconsin et le Michigan vers les raffineries de Sarnia, en Ontario – sont maintenant bien connus.

Perturbations économiques après une fermeture

Les défenseurs de la canalisation 5, dont le gouvernement fédéral, affirment qu'une fermeture entraînerait des perturbations économiques majeures dans les Prairies et le Midwest américain, où elle fournit des matières premières aux raffineries du Michigan, de l'Ohio et de la Pennsylvanie.

Elle approvisionne également des installations de raffinage clés en Ontario et au Québec et est essentielle à la production de carburéacteur pour les principaux aéroports des deux côtés de la frontière canado-américaine, notamment Detroit Metropolitan et Pearson International à Toronto.

Une longue déclaration publiée mardi par l'ambassade du Canada a mis en garde contre les graves conséquences économiques de la fermeture de la canalisation, ainsi que les ramifications potentielles pour les relations bilatérales.

«La sécurité énergétique du Canada et des États-Unis serait directement touchée par une fermeture de la canalisation 5», indique le communiqué. Quelque 33 000 emplois aux États-Unis et 20 milliards $ d'activité économique seraient en jeu, a-t-il ajouté.

«À l’heure où la sécurité et l’approvisionnement en énergie suscitent de vives inquiétudes, notamment dans le cadre de la transition énergétique, le maintien et la protection des infrastructures existantes doivent être une priorité absolue», écrit l’ambassade.

James McCarten, La Presse Canadienne