Blanchet suggère qu'Ottawa pourrait céder à des pressions sur les produits laitiers


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, soutient que le gouvernement Carney «cède sur tout» face à l'administration américaine ayant déclenché une guerre tarifaire et «n'a gagné rien», laissant entendre que ce pourrait être le cas sur le front des produits laitiers.
«Ils vont essayer de mettre des éléments sur la table. C'est sûr que les Américains vont essayer», a-t-il dit mercredi en faisant valoir, une fois de plus, qu'il n'y a pas de réelles négociations avec les États-Unis.
M. Blanchet était questionné sur des informations rapportées par le «Globe and Mail» voulant que le gouvernement canadien considère de faire des changements afin de permettre à davantage de produits laitiers américains de se retrouver sur des tablettes d'épiceries au Canada.
Le quotidien torontois a indiqué que ces informations, qui n'ont pas été confirmées par La Presse Canadienne, lui proviennent de deux sources au courant de consultations menées par Ottawa auprès de l'industrie. L'anonymat leur a été accordé parce qu'elles n'étaient pas autorisées à parler publiquement de ces questions, a-t-on écrit.
Ces discussions avec l'industrie s'inscriraient dans le cadre de la préparation faite par le gouvernement Carney en vue de la révision de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), prévue pour 2026.
Le Canada limite ses importations de produits laitiers dans le cadre du système de gestion de l'offre, qui consiste aussi à «coordonner la production et la demande» dans le but «d’établir un prix stable, autant pour les agriculteurs que pour les consommateurs», tel que le résume la Bibliothèque du Parlement.
Face aux craintes de nombreux agriculteurs que des brèches soient faites à ce système dans le cadre de la révision de l'ACEUM et des discussions sur la guerre tarifaire, le gouvernement de Mark Carney répète depuis la campagne électorale que le gestion de l'offre ne sera pas sur la table de négociations.
Depuis, un projet de loi bloquiste visant à garder intact ce système et les quotas d'importations qu'il prévoit a été adopté avec, notamment, l'appui des libéraux de M. Carney.
«C'est sûr que la gestion de l'offre en soi, sur le principe, ne sera pas compromise», a tranché M. Blanchet dans le foyer de la Chambre des communes, ajoutant toutefois qu'«autre chose» est demandé par des joueurs de l'industrie laitière américains en guise d'allégements.
Il a dit que, dans l'état actuel des choses, ces derniers peuvent seulement vendre des produits à des transformateurs canadiens et non directement à des détaillants ou des commerces à grande surface.
«Donc les Américains qui vendent des produits au Canada le font pour être transformés au Canada - valeur ajoutée au Québec et au Canada - avant d'aller sur les tablettes. (...) Donc il va y avoir des niches de produits qui existent aux États-Unis qui vont rentrer sur les tablettes, mais c'est relativement peu», a résumé M. Blanchet.
Des pressions sont exercées pour changer la donne et que «les grandes surfaces puissent acheter directement le produit de consommation en version finale et transformé des États-Unis».
Cela aurait des effets néfastes, redoute M. Blanchet, pour les transformateurs québécois et canadiens, qui seraient donc concurrencés par des produits conçus aux États-Unis.
«La grande surface va dire ''ma marge de profit sur le produit américain est peut-être plus importante, donc je vais aller de ce côté-là plutôt que d'acheter le produit transformé qui l'a été au Québec ou qui l'a été au Canada», a-t-il dit.
Or, l'ampleur est difficile a mesurer si Ottawa allait de l'avant, a-t-il noté. «On ne connaît pas les négociations commerciales. Et permettez-moi de vous rappeler rapidement une chose sur les tarifs, les contre-tarifs, la taxe aux géants d'internet, l'ouverture potentielle sur les produits laitiers. Le gouvernement de Mark Carney a cédé sur tout et n'a gagné rien», a-t-il commenté.
Le ministre responsable des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, Dominic LeBlanc, a réitéré mercredi que la gestion de l'offre sera exclue des discussions avec les Américains.
«Nous sommes en train de consulter les secteurs de plusieurs industries. Les fonctionnaires font ça en préparation de la révision de l’ACEUM. (…) Cependant, c'est le gouvernement qui décide qu'est-ce qui sera ultimement sur la table de discussions avec les Américains et j'ai bien dit que la gestion de l'offre ne sera pas un sujet de négociations avec les Américains», a-t-il dit en se rendant à la réunion hebdomadaire du caucus libéral.
Il n'est pas clair si M. LeBlanc considère que les allégements potentiels qui pourraient bénéficier à des transformateurs laitiers américains font partie intégrante du système de gestion de l'offre ou si, comme pour M. Blanchet, c'est «autre chose».
Émilie Bergeron, La Presse Canadienne