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Anand affirme que le Canada entretient un «partenariat stratégique» avec la Chine

durée 07h36
23 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Trois ans seulement après que le Canada a qualifié la Chine de «puissance mondiale perturbatrice», la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, affirme que le gouvernement fédéral considère désormais Pékin comme un partenaire stratégique.

Elle a déclaré lundi à La Presse Canadienne qu'un partenariat stratégique avec la Chine signifie aller au-delà des irritants individuels qui mettent à rude épreuve la relation et permettre au Canada de promouvoir ses intérêts économiques et sécuritaires.

«Il est nécessaire de jeter les bases si nous voulons trouver des domaines dans lesquels nous pouvons coopérer davantage. Toute relation comportera toujours des défis. L'essentiel est de pouvoir dialoguer pour aborder les enjeux qui préoccupent le Canada», a-t-elle souligné.

Elle s'exprimait après avoir rencontré de hauts responsables en Chine, en Inde et à Singapour, et quelques jours seulement avant le départ du premier ministre Mark Carney pour sa première visite en Asie depuis son entrée en fonction, qui comprendra des escales en Malaisie, à Singapour et en Corée du Sud.

Sa visite marque un tournant par rapport à la stratégie indopacifique de 2022 du gouvernement fédéral, qui présentait la Chine comme une «puissance mondiale de plus en plus perturbatrice» dont les intérêts et les valeurs s'éloignent de plus en plus de ceux de la population canadienne.

Mme Anand a indiqué qu'elle recherchait un équilibre entre l'atténuation des tensions économiques et la poursuite des priorités d'Ottawa en matière de sécurité et de droits de la personne.

«Nous devons faire preuve de nuance dans notre diplomatie. Nous devons, d'une part, insister sur nos préoccupations en matière de sécurité et de sûreté publique, et, d'autre part, chercher à développer des chaînes d'approvisionnement supplémentaires. C'est cela le pragmatisme», a-t-elle déclaré.

Bien qu'elle n'ait pas nommément mentionné Donald Trump, les droits de douane du président américain ont touché de nombreux secteurs canadiens et freiné les investissements étrangers, même après qu'Ottawa a imité les restrictions américaines sur les véhicules chinois.

La semaine dernière, les deux pays ont convenu à Pékin de revoir le partenariat stratégique signé en janvier 2005. Mme Anand a dit que l'accord serait «renouvelé et réorienté» pour répondre aux besoins actuels.

«Notre objectif est de recalibrer la relation afin qu'elle soit constructive et pragmatique», a-t-elle précisé.

Le Canada et la Chine sont en désaccord depuis des mois concernant la décision d'Ottawa d'égaler les droits de douane américains sur les véhicules électriques chinois, ce qui a conduit Pékin à imposer des droits de douane sur le canola canadien, en plus de ceux sur les produits de la mer.

«Nous veillerons à ce que la politique étrangère serve l'économie nationale, a promis Mme Anand. Ne nous trompons pas: la Chine est un acteur économique mondial majeur.»

Le commerce bilatéral de marchandises entre le Canada et la Chine a totalisé 118,7 milliards $ l'an dernier, ce qui fait de la Chine le deuxième partenaire commercial du Canada, après les États-Unis, qui ont cumulé 924,4 milliards $ d'échanges bilatéraux de marchandises avec leur pays voisin l'an dernier.

Mme Anand a affirmé que la promesse de M. Carney de bâtir l'économie la plus forte du G7 s'inscrit dans un effort à plus long terme de diversification des échanges commerciaux. Elle a indiqué que la politique étrangère du Canada repose dorénavant sur les trois piliers qu'elle a énoncés à l’Assemblée générale des Nations unies plus tôt cet automne: le renforcement de la défense, le renforcement de la résilience économique et la promotion de valeurs fondamentales, comme les droits de la personne.

Le premier ministre Carney a soutenu en septembre que le Canada pourrait «nouer un dialogue approfondi» avec la Chine sur les matières premières, l'énergie et la fabrication de produits de base, mais avec des garde-fous qui «laissent de côté» tout ce qui pourrait toucher à la sécurité nationale et à la protection de la vie privée.

Au cours d’un débat organisé pendant la campagne électorale d’avril dernier, M. Carney avait qualifié la Chine de «plus grande menace à la sécurité» pour le Canada.

Un partenaire particulier

Selon Vina Nadjibulla, vice-présidente de la Fondation Asie-Pacifique du Canada, un «engagement sélectif» avec la Chine est difficile à mettre en œuvre.

«La Chine n'aime pas compartimenter les enjeux. Normalement, la Chine préfère établir beaucoup plus de liens entre eux», a-t-elle souligné.

Les sondages montrent que les Canadiens ont moins de sentiments négatifs à l'égard de la Chine qu'au cours des dernières années, mais la plupart restent prudents quant à un engagement avec Pékin.

Mme Nadjibulla a déclaré que le fait de qualifier Pékin de partenaire stratégique et de renouveler le pacte de 2005 rendait floue la manière dont le Canada gère les préoccupations des États-Unis concernant les pratiques commerciales de la Chine.

«Je ne sais pas si un partenariat stratégique est le cadre idéal pour cette relation. On a remis l’idée sur le tapis à l'occasion de nos 20 ans, mais je pense que nous devons maintenant expliquer concrètement aux Canadiens à quoi cela ressemble», a-t-elle indiqué.

Mme Nadjibulla a milité aux côtés du consultant Michael Spavor pour la libération de l'ancien diplomate canadien Michael Kovrig pendant ses plus de 1000 jours de détention en Chine.

La prédécesseure d'Anita Anand, Mélanie Joly, avait rendu visite au ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, à Pékin en juillet 2024. L'ambassadeur du Canada en Chine avait alors fait savoir que la discussion avait duré cinq heures.

Mme Anand estime que sa discussion de deux heures avec M. Wang la semaine dernière a été à la fois productive et «sans précédent, car, ces dernières années, les deux gouvernements n'ont pas suivi cette voie». Il a été question de divers sujets, dont de cybersécurité, de transport aérien, de santé, d’énergie et d’environnement.

La ministre a invité son homologue chinois à se rendre au Canada.

Dans son propre résumé de la discussion, le ministère chinois des Affaires étrangères a mentionné la position de longue date d'Ottawa de ne pas reconnaître Taïwan comme un pays indépendant. Cette position n’a pas changé.

«Nous adhérons à la politique d'une seule Chine. Je tiens à souligner que le Canada est un chef de file mondial dans la promotion des droits de la personne et d'un ordre international fondé sur des règles. Cela ne changera jamais», a assuré Mme Anand.

«La diplomatie se fait de ministre à ministre. Nous accorderons toujours la priorité aux besoins des Canadiens et nous poursuivrons notre engagement envers Taïwan», a-t-elle ajouté.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne

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