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Améliorer l'efficacité de l'aide ne doit pas signifier l'abandon de ses valeurs

durée 12h27
7 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Alors que le gouvernement Carney s'apprête à recentrer l'aide étrangère sur ce qu'il considère comme des investissements «efficaces», un important bénéficiaire des fonds de développement canadiens affirme qu'Ottawa devrait trouver un équilibre entre des dépenses prudentes et la promotion des valeurs canadiennes.

«Les contribuables (…) ne sont pas contre l'aide internationale, mais ils sont pour une aide internationale plus efficace», a affirmé Asif Saleh, qui dirige BRAC, l'un des plus grands organismes sans but lucratif au monde.

«Le coût d'opportunité d'un dollar dépensé pour des choses inefficaces est bien plus élevé que jamais.»

M. Saleh, qui réside au Bangladesh, s'est entretenu avec La Presse Canadienne lors d'une récente visite à Ottawa en prévision du budget du 4 novembre. Le premier ministre Mark Carney a déclaré que le prochain budget définira l'approche de son gouvernement en matière d'aide étrangère.

Ces dernières années, et avant le retour du président américain Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier, le monde a enregistré une vague historique de déplacements de populations, provoquée par les guerres et le changement climatique.

En février, M. Trump a gelé la plupart des financements américains destinés au développement, à quelques exceptions près. Les travailleurs humanitaires ont déclaré que l'arrêt brutal des opérations de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le plus grand donateur mondial, avait entraîné des décès dans les camps de réfugiés et les zones reculées. Les gouvernements européens ont également réduit leur aide.

Asif Saleh, ancien cadre de Goldman Sachs, a déclaré que l'aide est plus efficace lorsqu'elle crée des emplois locaux et élimine les doublons dans les projets de développement financés par des gouvernements étrangers.

«L'ensemble du secteur est en pleine panique, a-t-il souligné. On essaie de le repenser.»

Optimiser les dépenses d'aide

Mark Carney avait déclaré lors de la campagne électorale d'avril qu'il ne réduirait pas l'aide étrangère, mais s'est montré circonspect lorsqu'on l'a récemment interrogé sur une éventuelle réduction de l'aide.

«Les décisions budgétaires seront rendues le 4 novembre. Nous examinons donc divers aspects touchant tous les secteurs du gouvernement», avait-il assuré lors d'une conférence de presse le 27 septembre à Londres.

Le premier ministre a indiqué que, lors de ses réunions le mois dernier aux Nations unies avec des bénéficiaires de l'aide étrangère et des organisations philanthropiques, l'efficacité était un thème majeur.

Il a précisé que l'accent était mis sur «comment optimiser l'efficacité de nos dépenses d'aide et maximiser leur impact. Cela dépend du niveau, mais je pense qu'il est fondamental de veiller à ce que nous le fassions correctement», a-t-il ajouté.

De l'avis de M. Saleh, la meilleure approche en matière de développement est de créer des emplois durables avec des retombées positives pour le plus grand nombre.

«Les fonds disponibles se sont réduits, a-t-il noté. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de gaspiller de l'argent et de multiplier les activités.»

Le spécialiste du développement a ajouté que le BRAC ne craint pas les perturbations, même si cela implique la fermeture de petites organisations caritatives.

«De nombreuses organisations disparaîtront, a-t-il averti lors d'une table ronde organisée par l'Université d'Ottawa la semaine dernière. Il est préférable de ne pas laisser beaucoup d'organisations aux soins intensifs et de prolonger leur agonie. Mais je pense que les organisations qui restent pertinentes devraient survivre, comme ce serait le cas dans le secteur privé.»

Trouver un «juste équilibre»

Le BRAC est connu pour se concentrer sur les entreprises sociales, notamment en créant un marché pour l'artisanat et les vêtements haut de gamme fabriqués par des femmes qui s'affranchissent de la pauvreté. Le BRAC a créé une entreprise laitière pour aider les agriculteurs ruraux à vendre plus efficacement leur lait et a créé des produits laitiers qui ont amélioré la nutrition locale, remplaçant ainsi les vendeurs inefficaces.

L'organisme a également créé un «modèle de progression» pour sortir les gens de l'extrême pauvreté, qui comprend deux ans d'aide financière combinée à un accompagnement professionnel.

«Plutôt que de verser des allocations mensuelles, ce modèle est bien plus digne», a fait valoir Asif Saleh au panel la semaine dernière.

Le représentant de BRAC a déclaré que le Canada était un important bailleur de fonds des projets de l'organisme au Bangladesh et à l'étranger depuis le début des années 1990.

Lors d'un discours important prononcé à l'ONU le mois dernier, le gouvernement Carney a lié l'investissement et le commerce au développement international.

M. Saleh a estimé que, si le Canada acquiert un pouvoir d'influence et un accès au commerce grâce à ses dépenses d'aide, il a averti que «le pendule ne devrait pas pencher autant en faveur de ces modèles commerciaux».

Il a ajouté que le Canada devrait trouver un «juste équilibre» favorisant l'égalité des sexes, l'éradication de la pauvreté et l'aide aux réfugiés, facteurs qui créent la stabilité nécessaire à la croissance économique.

Il a suggéré que le Canada privilégie des projets «gagnant-gagnant» impliquant des travailleurs à court terme, comme le partenariat BRAC qui forme des citoyens bangladais ruraux à travailler comme chauffeurs et aides-soignants au Japon.

Selon Asif Saleh, dans les pays en développement, la croissance économique rapide ne se traduit pas par des emplois pour les jeunes. Des mouvements de protestation menés par des jeunes ont renversé des gouvernements – au Népal le mois dernier, au Bangladesh en 2024 et au Sri Lanka en 2022.

«Cette colère, ce sentiment d'être laissé pour compte (ainsi que) le manque d'opportunités, sont à l'origine de ces troubles et d'un manque de cohésion sociale», a-t-il expliqué.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne

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